A quelques jours du premier anniversaire du tramway bisontin, la parole est donnée à Sylvia, Jérôme et Michel. Il y a un an, ces chauffeurs de bus ont choisi de devenir conducteurs de tram. Prudence, plaisir et polyvalence… ils racontent.
Cinq jours après l’inauguration du tram, Besançon est plongé dans une atmosphère macabre. Un tram percute un couple de piétons, l’homme âgé de 81 ans décède de ses blessures. Lors de ce tragique épisode, Jérôme Chambiet conduit l’un des deux trams arrêtés sur la voie, quelques mètres plus loin. « Je me souviens des marques au sol. Je me souviens de cette atmosphère très bizarre... mais il faut continuer. Alors on continue.»
Des accidents, il y en a eu au moins trois, dont un mortel. Selon Pascal Gudefin, le porteur du projet de tramway, « tout accident est évitable ». La mise en circulation du tramway à Besançon implique nécessairement une modification des habitudes de chacun. Piétons, cyclistes, automobilistes, chauffeurs de bus et conducteurs de tram… tous partagent l’espace public. Ceci doit se faire dans le respect et la prudence. Le tram est seul sur sa voie, silencieux et toujours prioritaire.
Dans quelques mois, les conducteurs du tram suivront de nouveau une formation, « une remise à niveau d’une journée ».
Un seul mot d’ordre : la vigilance
Conduire un tram demande beaucoup d’attention. Les conducteurs de tram ont des règles très strictes à respecter, notamment concernant la vitesse. Selon Michel Bourderionnet, conducteur de tram depuis juillet 2014, « le plus dur c’est au centre-ville. Rouler à 15 km/h lorsque l’on n’entend presque pas le moteur demande une rigueur sans faille ».
Outre le compteur de vitesse, le conducteur a les yeux rivés sur les piétons. Et ils sont nombreux à être imprudents, à marcher sur les voies de tram, à traverser au dernier moment. Le pire, pour Sylvia, « c’est quand ils ne nous voient pas, le casque sur les oreilles, ils ne nous entendent pas arriver ».
C’est ce qui est arrivé à un adolescent de 14 ans, devant le lycée Victor Hugo, dix jours après l’inauguration du tram. L'élève portait un casque audio et n’a pas entendu les signaux d’avertissement du tram. Il s’est fait heurter par une rame mais n’a été que légèrement blessé.
« Il faut constamment être sur ses gardes, anticiper, regarder au loin. Il faut capter la moindre situation accidentogène. » Pour Sylvia, c’est chaque jour la même bataille : « Comme en bus, on évite tous les jours des accidents. »
En dépit de toute l’expérience acquise pendant une année, même si les conducteurs sont « aguerris » et « détendus », certaines situations ne sont pas prévisibles. « Plus le tram est chargé, plus il met de temps pour freiner, et on ne peut pas dévier de trajectoire à l’aide d’un coup de volant. Et à Besançon, les automobilistes qui ne respectent pas le code de la route sont nombreux. » Une rame pèse 30 tonnes. Michel rappelle donc que « le temps de freinage est 3 fois plus long que pour un bus. »
Comme Michel, Jérôme affirme que « c’est très agréable de conduire le tram. C’est rapide, c’est souple. » Il ajoute être « relativement serein », notamment grâce à la voie dédiée et la priorité donnée aux trams.
« Sur les voies routières, en bus, nous sommes constamment en train de nous adapter aux travaux et déviations, nous focaliser sur le trajet à parcourir… c’est plus facile de conduire un tram qu’un bus », raconte Sylvia.
A Besançon (ce n’est pas le cas dans toutes les villes) les conducteurs de tramways conservent une certaine polyvalence. Ils jonglent entre trams et bus, respectivement 70% et 30% de leur temps de travail. « J’aime retrouver parfois le bus. Ça permet de lever un peu les yeux du compteur » renchérit Jérôme.
Un bilan positif
Pour Sylvia, le pont Battant est une zone piétonne qui présente de forts risques. Pour Jérôme aussi, il reste du chemin à parcourir. « Le tram est victime de son succès. Il est bien trop petit, et cela se ressent aux heures de pointe. De plus, le tram ne se dessert pas la zone de Châteaufarine. »
Le bilan reste néanmoins positif. Sylvia Gaudio Chatelain est l’une des rares femmes à conduire le tramway de Besançon. Sur 120 conducteurs, 20 seulement sont des femmes. Mais Sylvia est « très satisfaite de faire partie de l’équipe. » Initialement chauffeur de bus, Sylvia était volontaire pour se former à la conduite du tram. Aujourd’hui elle ne regrette pas son choix.
Michel Bourderionnet et Jérôme Chambiet se réjouissent également : « c’est de mieux en mieux » raconte Jérôme. « Les soucis techniques se règlent progressivement. Et la clientèle est sensible à ces efforts d’adaptation. » De la hauteur des poignées à la climatisation, des secousses aux grincements, le tramway bisontin semble correspondre de plus en plus aux exigences des usagers. Michel confirme « Il y a eu beaucoup d’améliorations techniques, ce qui en fait un moyen de transport agréable, tant pour le passager que pour le conducteur. »
Et les usagers, de plus en plus fidèles, semblent s’en réjouir. Sylvia raconte « Souvent les enfants viennent me saluer et on m’adresse un pouce en l’air. On fait partie du quotidien des gens. »