Vendredi 3 juillet 2020, le Conseil d’Etat a remis sa décision sur l’écoquartier des Vaîtes : les travaux sont suspendus jusqu’à une nouvelle décision du tribunal administratif. Une victoire pour les opposants au projet … mais la zone continuera-t-elle à être occupée ?
Un projet d'urbanisme, des oppositions et une occupation du terrain. A Besançon, l'écoquartier des Vaîtes suscite le débat. Vendredi 3 juillet, le Conseil d’Etat a donné raison aux associations sur la suspension des travaux de l'écoquartier. Dans sa décision, le Conseil d'Etat remet donc en question le choix des Vaîtes pour la construction des lotissements, et demande des propositions alternatives. Cependant, la grande instance précise aussi « l’intérêt public majeur de créer un écoquartier », en raison du manque de logements à Besançon.
Le chantier ne reprendra donc pas ... jusqu’à une prochaine décision du tribunal administratif. L'annonce survient après plusieurs années de lutte, menée par les associations Les Jardins des Vaîtes et de France Nature Environnement 25-90, mais aussi trois semaines après l'installation des militants d'Extinction Rebellion et d'Action non violente Cop21.
« En haut de notre vigie »
Un peu abasourdie par la nouvelle, Charlotte, militante à Extinction Rebellion, lâche : « ça a été une très grande surprise ! » Il faut dire que la décision du Conseil d’Etat s’est fait attendre. Espérée courant juin, elle a été publiée quelques jours après les municipales, le 3 juillet. La jeune femme lance alors : « C’est une victoire, ça me donne de la force et de l’espoir ! » Car la lutte se poursuit. L’occupation initiée mi-juin continuera tant que le projet n’est pas abandonné … et elle pourrait même perdurer.
« La victoire n’est pas totale, alors l’occupation continue », rappelle Charlotte. Même si les travaux sont suspendus, l’écoquartier n’est pas encore clairement écarté. La jeune militante reste déterminée : « nous surveillerons, en haut de notre vigie. »
« C’est beau et dingue, ce mélange de personnes, de tous milieux, c’est un lieu social et un lieu culturel », s’émerveille Lu, une occupante, hors des collectifs Extinction Rebellion et ANV-Cop21. Car au départ, les voisins, curieux, penchaient leurs têtes pour apercevoir l’occupation, et proposaient leur aide, des provisions ou du matériel pour les cabanes. Aujourd’hui, les Bisontins passent aussi aux Vaîtes pour découvrir le lieu et se balader. Les événements sont nombreux, entre fête de la musique, barbecue des gilets jaunes, et kermesse.Les Vaîtes pour construire « le monde d’après » ?
Barnum en bambou, gazinière en bois, potagers … Les occupantes et les occupants aménagent le lieu pour y rester. « Tout en respectant le voisinage, et les riverains, rappelle Charlotte, on lutte avec eux et pour eux. » En somme, pour la militante d’Extinction Rebellion, il s’agit d’un « lieu de convergence des luttes ». L'occupation ne se résume plus seulement à un acte de désobéissance civile. Le lieu est désormais investi par les débats, les conférences, les échanges d’idées.
« Notre jardin des luttes s’est transformé en maison du peuple », lance Charlotte, énergique. Lu voit déjà plus loin que l’écoquartier : « Les Vaîtes pourraient faire partie des lieux alternatifs qui peuvent exister à Besançon, pour construire le monde d’après. » L’avenir du lieu sera discuté pendant les prochaines assemblées générales, qui ont lieu tous les soirs à 18 heures.
« Anne Vignot doit prendre ses responsabilités »
« Pourquoi vouloir construire sur des zones humides, et sur des espaces verts ? […] Pourquoi ne pas avoir abandonné le projet pendant les municipales ? », s’interroge Lu. La maire écologiste Anne Vignot avait voté au départ pour la construction de l’écoquartier des Vaîtes ; pendant la campagne, elle a proposé un « GIEC local » pour décider avec les citoyens de l’avenir des bâtiments. L’occupante de 31 ans reprend : « C’était un projet de bétonisation, soutenu et voté, par une candidate de liste verte. »
C’est aussi le sentiment de Charlotte, qui émet beaucoup d’attentes concernant les décisions de la nouvelle maire. La militante, remontée, s’exclame : « Quand on écrit ‘écologie’ et ‘vert’ sur un programme, il faut accepter et abandonner le projet. Anne Vignot doit prendre ses responsabilités. »
L'association des Jardins des luttes exulte, l'aménageur Territoire 25 modère
C'est une victoire pour Claire Arnoux, présidente de l’association « Les Jardins des Vaîtes : « On va au tribunal avec deux victoires, et c'est un avantage considérable ! ». La décision du Conseil d’Etat conforte l'association dans sa lutte : « On a raison, il faut arrêter le projet. Plus on avance, plus ça coûtera de l'argent à la collectivité. »
Cependant Territoire 25, dans un communiqué de presse, insiste plutôt sur l’ « intérêt public majeur de l’écoquartier ».
Le Conseil d’Etat a rendu ce jour un arrêté très attendu. Dans celui-ci, le Conseil d’Etat a reconnu l’intérêt public majeur de l’écoquartier des Vaîtes et a, en conséquence, annulé l’ordonnance n°1900636 du Tribunal Administratif. Il est donc établi que l’opération répond bien à des besoins majeurs en habitat et qu’il faut les satisfaire.
Le Conseil d’Etat demande à l’aménageur Territoire 25 des propositions « alternatives ». Une recommandation saluée par Claire Arnoux : « Il y a plein d'autres friches, il n'y a aucune raison de construire aux Vaîtes. » Prochain volet, donc : la décision du tribunal administratif.