De nombreux médias nationaux ont rapporté ce mercredi que 200 manifestants avaient voulu forcer l'entrée du commissariat. C'est faux.
200 gilets jaunes auraient tenté de forcer l'entrée du commissariat de Besançon, en marge de la manifestation du 1er-Mai qui a rassemblé au moins 2 500 personnes ce mercredi dans la capitale franc-comtoise. De nombreux médias nationaux se sont fait l'écho d'une tentative d'intrusion XXL, contredisant nos propres observations sur le terrain.
Tout est parti d'un tweet de nos confrères de Franceinfo : il est 14h22, « 200 à 300 gilets jaunes ont tenté de faire intrusion dans un commissariat de Besançon ». L'information vient d'une source préfectorale. Elle est confirmée à franceinfo par deux fois.
#1erMai : 200 à 300 #giletsjaunes ont tenté de faire intrusion dans un commissariat de Besançon https://t.co/RywX5LChDT pic.twitter.com/SVjjpMIfwM
— franceinfo plus (@franceinfoplus) 1 mai 2019
L'article complet est disponible à cette adresse. On peut notamment lire qu'il y a eu « deux tentatives d'intrusion via le parking qui se trouve à l'arrière du bâtiment » et que « les forces de l'ordre ont riposté par des jets de gaz lacrymogènes », toujours selon la préfecture.
Emballement médiatique
Très vite, l'information est mise en ligne par d'autres média. « Les policiers ont été pris pour cible », écrit ici Le Parisien.
« Au moment de la dispersion, certains gilets jaunes ont décidé que la journée n’était pas terminée, qu’il fallait poursuivre en allant leur mécontentement (sic) du côté de la préfecture et du commissariat », poursuit Jean-Marc Morandini sur son site Internet.
C'est même « l'incident le plus notable » (entendons le plus notable de toute la journée sur l'ensemble de la France...), conclut Le Figaro.
Démenti formel ce matin en Préfecture
N'ayant rien constaté d'aussi spectaculaire sur le terrain, nous avons choisi hier de ne pas parler de cet incident.
« Il y avait bien 200 gilets jaunes aux abords du commissariat, mais on n'a jamais dit que 200 gilets jaunes avaient tenté de s'y introduire», s'agace-t-on ce matin en préfecture du Doubs. La version n'est plus tout à fait celle d'hier.
Notre interlocuteur poursuit : « J'ai passé la fin de la journée à essayer de courir après les numéros de téléphone des journalistes en leur disant que ce n'était pas la vérité ! »
Trop tard, BFM TV était déjà en boucle.
Ce qu'il s'est vraiment passé
En début d'après-midi, après la manifestation déclarée du 1er-Mai (d'une ampleur rarement égalée d'ailleurs à Besançon), entre 2 et 300 gilets jaunes ont joué les prolongations devant la préfecture et aux abords du commissariat, comme chaque samedi ou presque.
C'est là qu'une poignée d'entre eux a bel et bien tenté de s'introduire dans le commissariat, ou tout du moins de s'approcher du bâtiment. On voit par exemple sur cette vidéo (à partir de 20 secondes) un homme vêtu d'un gilet jaune avancer seul vers le commissariat (Il s'agit d'un militant engagé pigiste pour un site d'infos indépendant), casque rouge sur la tête. Quelques gilets jaunes sont également à ce moment là sur l'emprise du parking de la police par ailleurs facilement accessible depuis l'avenue de la gare d'eau.
Frédéric Vuillaume, auteur de cette vidéo et figure bien connue du syndicalisme et des gilets jaunes, s'est félicité de notre appel ce matin : « Vous faites bien de me contacter, parce qu'on a entendu tout et n'importe quoi ! »
Voici sa version des faits : « Nous étions à l'arrière du commissariat et certains gilets jaunes sont entrés sur le parking. Quand les policiers ont vu qu'ils étaient acculés, ils ont riposté à l'aide de bombes lacrymogènes. Mais aucune grille n'a été forcée. »
Il n'y a pas eu d'intrusion au niveau du commissariat, ni devant, ni derrière, soyons clairs.
La police de Besançon confirme : « Il n'y a pas eu d'intrusion au niveau du commissariat, ni devant, ni derrière, soyons clairs. Les forces de l'ordre ont dû intervenir pour repousser les gilets jaunes du parking réservé aux voitures du personnel, parking qui est par ailleurs libre d'accès. »
Il n'y a d'ailleurs eu aucune interpellation liée à ces agissements.
Notre reporter sur place hier au même moment parle d'une « nouvelle confrontation avec les forces de l'ordre digne d'un samedi comme les autres depuis maintenant six mois ». Il évoque des « échanges de politesse un peu rugueux avec la police en particulier devant le commissariat où deux ou trois téméraires ont tenté de faire quelques pas dans la cour intérieure du bâtiment » (à partir d'1 minute 10 sur la vidéo ci-dessous).