La drogue s'est banalisée : elle est devenue l'une des principales préoccupations des policiers, qui multiplient les saisies. De nombreux consommateurs se retrouvent pris au piège.
Avec Alexis Grandcolas, infirmier ; Commissaire Kmyta, police de Besançon ; Etienne Manteaux, procureur de Besançon.
Reportage d'Adrien Gavazzi, David Martin, Denis Colle et Sébastian Linozzi.
Elle est présente à chaque soirée, s'échange à chaque coin de rue : la cocaïne n'est plus la « drogue de riches » qu'elle a été, mais un fléau devenu presque banal. Elle s'échange aujourd'hui à 65 € le gramme en moyenne ; c'était deux fois plus cher il y a vingt ans.
Du cadre supérieur au marginal, du jeune étudiant au quinquagénaire, tous les milieux sont touchés. 2,2 millions de Français ont déjà essayé la cocaïne au moins une fois dans leur vie ; 450 000 au cours de l'année passée.
A Besançon comme ailleurs, son trafic est florissant. Autrefois concentré notamment au quartier des 408, c'est aujourd'hui à Planoise qu'on le retrouve en majorité. En mars dernier par exemple, les policiers y ont saisi 3 kilos de poudre blanche. Un « groupe local de traitement de la délinquance » a été mis en place en septembre 2017, à l'initiative du parquet, pour rétablir l'ordre dans ce quartier en partie gangrené par la drogue. Il regroupe police, gendarmerie, Education nationale ou encore bailleurs sociaux.
La cocaïne se démocratise
« Beaucoup viennent de Dijon, voire de Suisse pour se fournir à Besançon, où l'on trouve quelques très gros dealers », explique Etienne Manteaux, procureur à Besançon. Début septembre, un Jurassien comparaissait au tribunal de grande instance pour avoir transporté 600 grammes de cocaïne dans son estomac depuis la Guyane.
Besançon : la justice relaxe l'homme qui convoyait de la cocaïne dans son estomac
Coup de théâtre face à la justice. L'audience ne s'est pas tout à fait déroulée comme prévu. Mercredi 29 août ce Guyanais d'origine était interpellé en gare de Besançon Viotte par les douanes. Dans son estomac, 80 capsules de cocaïne soit 600 grammes de marchandises pour une valeur de plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Le procureur ajoute : « Aujourd'hui, la plupart des petits dealers de rue sont des toxicomanes qui peuvent revendre tout : cannabis, cocaïne, héroïne. C'est d'autant plus inquiétant pour les jeunes consommateurs de cannabis : la bascule du cannabis vers d'autres produits est facilitée. » Un phénomène qui n'existait pas il y a encore trois ans.
« L'achat est beaucoup plus assumé, et la vente s'est multipliée, poursuit le commissaire Kmyta de Besançon. Le consommateur est très diversifié : on a des personnes qui gardent une image festive de la cocaïne, mais aussi beaucoup de personnes polytoxicomanes qui utilisent la cocaïne comme le produit leur procurant le plus de sensation, et qui ont recours à d'autres produits pour se stabiliser durant la journée. »
Ces consommateurs polytoxicomanes, Alexis Grandcolas les soutient au quotidien chez Soléa, un centre d'aide et d'accompagnement pour toxicomanes à Besançon. Ici, pas de jugement, ni de politique d'abstinence : c'est l'écoute qui prime, et la réduction des risques.
« On a plutôt des usagers qui consomment le produit soit en le fumant sous forme de crack, soit en se l'injectant par intraveineuse, avec tous les dommages liés à ce type de consommation (risque infectieux, risque de contamination...) », précise le jeune infirmier.
Pour les consommateurs, il est d'autant plus difficile de se débarrasser de l'addiction à la cocaïne qu'il n'existe aucun produit de substitution, contrairement à l'héroïne par exemple. Certains basculent dans la petite délinquance pour pouvoir s'offrir leur dose.
« Dans un monde idéal, sans drogue ni alcool, deux tiers de la délinquance disparaît ! », s'exclame le procureur de Besançon. Mais ce monde idéal n'est pas près d'arriver : malgré les efforts incessants des autorités, la cocaïne gagne du terrain, inexorablement. Difficile alors de sortir du piège dans lequel certains consommateurs sont enfermés.