Cet adolescent a créé des doudous pour réconforter les enfants migrants sauvés en Méditerranée : "les peluches seront bientôt sur les bateaux"

Lycéen à Besançon (Doubs), Martin Huot-Marchand a imaginé une collection de doudous à destination des enfants secourus en mer Méditerranée. Conçu par une association à Dole (Jura), chaque exemplaire vendu verra son double envoyé à bord des navires sauveteurs.

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C'est l'histoire d'un projet né dans la tête d'un enfant, il y a cinq ans, et qui ne s'est jamais éteint. En 2019, Martin Huot-Marchand, alors élève de CE2, croise Place Granvelle une famille sans-domicile fixe.

Père, mère et enfants dorment dehors, abrités par une tente de fortune, au gré des éléments. Une rencontre qui marquera Martin à vie. De ce choc naîtra une réflexion. Comment un enfant peut-il vivre dans ces conditions alors que lui dort dans un lit, sous un toit, et sans manquer de rien ?

De cette réflexion naîtra l'envie d'agir. Pour changer les choses, à son échelle. Martin, encouragé par ses parents, apporte dans un premier temps à manger à la famille sans abri, puis met en place une collecte de vêtements dans son école. Cinq ans plus tard, les choses ont bien évolué. Ainsi, des doudous imaginés par l'adolescent seront présents sur le bateau humanitaire "Ocean Viking" de l'association SOS Méditerranée et distribués aux enfants de migrants recueillis par l'embarcation.

Une première collection de doudous il y a 5 ans

"C'est une belle histoire" raconte Martin, aujourd'hui âgé de 15 ans. "En fait, il y a cinq ans, on avait déjà imaginé une première collection de trois doudous, cousus dans les ateliers de l'association Coop'Agir, à Dole". "On était entré en contact, car il nous avait amené 40 kg de vêtements donnés par ses camarades de classe" raconte Sylvie Laroche, directrice de Coop'Agir. "En visitant nos locaux, il avait vu nos ateliers de couture. On a discuté, il avait envie de s'impliquer et on a imaginé cette première collection de peluches, fabriqués ici". 

Un lapin, un chat, un hibou. On les avait ensuite mises en vente, avec les recettes reversées à des associations comme SOS Méditerranée. Et là, c'est reparti, avec un projet beaucoup plus important.

Sylvie Laroche,

directrice de l'association Coop'Agir

C'est le cas de le dire. Ce projet à un nom, à la hauteur de ses ambitions : "Navire avenir". Deux mots qui formeront le nom d'un futur bateau conçu expressément pour réaliser des missions de sauvetage en mer Méditerranée, alors que les morts de migrants se multiplient. "C'est le collectif Pérou [Pôle d’exploration des ressources urbaines, NDLR] et l'artiste Sébastien Thiery qui ont initié cela" explique Thomas Huot-Marchand, le papa de Martin. "Leur but, construire le premier bateau dédié au secours de réfugiés en mer. Quelque chose de fonctionnel, qui couvre de multiples champs d'action".

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Ainsi, l'aventure "Navire avenir" comporte aussi bien les sauveteurs en mer de SOS Méditerranée que des plasticiens, des chercheurs, des cuisiniers, des étudiants, etc. Thomas Huot-Marchand, typographe, designer et intervenant à l'université de Nancy, fait lui aussi partie du projet. Avec ses élèves, ils ont travaillé "sur le côté linguistique et typographie du projet, notamment le nom du bateau et les langues à adopter à bord" explique l'enseignant. "J'ai alors parlé de l'initiative de mon fils et de ses doudous, et Sébastien Thiery a tout de suite été intéressé".

Un doudou, ce n'est pas qu'une peluche. C'est un objet apportant du réconfort pour des enfants qui ont traversé 1 000 épreuves. C'est un aussi un point de repère et souvent, un confident.

Martin Huot-Marchand

Martin se voit donc proposer une mission : penser et créer une deuxième collection de doudou. Avec un nouveau concept : pour chaque doudou acheté, son jumeau sera donné à un enfant recueilli par les navires de SOS Méditerranée. L'adolescent-designer s'est donc remis au travail il y a six mois. "On a pensé à des symboles qui parleraient à tout le monde" explique-t-il. "J'ai beaucoup dessiné, des dizaines de modèles, chez moi. Il fallait rester sur des designs simples, pour que ce soit agréable et en même temps facile à coudre".

Cette fois, quatre peluches font partie de la collection "Navire avenir". "On a gardé le chat, car c'est un animal qui est présent dans toutes les cultures" reprend Martin. "On a aussi conçu des étoiles, une rembourrée, l'autre plus plate, car c'est un symbole universel d'espoir et de rêve, présent dès qu'on lève la tête, qui guide aussi pendant les voyages". Enfin, le petit frère de l'adolescent, Milo, a aidé à imaginer une "petite couverture réconfortante, toute douce".

Des peluches en attente d'homologation

Comme en 2019, ces peluches seront réalisées à Dole dans le Jura, dans l'atelier de couture de l'association Coop'Agir. "On a environ 10 postes de travail, dont les deux tiers sont occupés par des personnes réfugiées" précise Sylvie Laroche. "Cela aussi, c'était important pour nous" complète Thomas Huot-Marchand. "Il y a cette idée de réinsertion par le travail". 200 exemplaires ont d'ailleurs déjà vu le jour et ont été présentés au Fonds régional d'art contemporain (FRAC) de Besançon, en présence de Sébastien Thiery, représentant du collectif Perou.

Pour l'instant, on n'en fait pas plus, car on attend l'homologation du centre européen du textile. Mais derrière, l'idée est de multiplier les points de vente. C'est projet simple mais qui provoque beaucoup d'engouement.

Sylvie Laroche,

directrice de l'association Coop'Agir

En plus des locaux de Coop'Agir et du FRAC (où les doudous sont exposés), de nouveaux établissements partenaires sont activement recherchés et l'idée d'une vente sur internet fait aussi son chemin. Vous pourrez donc contribuer à cette belle initiative. Le prix est unique, 20 euros. Une partie sera reversée à l'association doloise, qui fournit le tissu et pourra ainsi rentrer dans ses frais. Le reste ira compléter le financement du "Navire avenir".

"Voir que cela se concrétise, c'est très émouvant pour Martin et même pour nous" confie le papa, Thomas. "C'est le projet d'un petit garçon qu'on a fait revivre. Les doudous évoluent, grandissent, comme Martin". "Je suis trop fier de cette nouvelle étape" confesse l'adolescent. "C'est vraiment un succès. J'ai l'impression d'aider à ma manière. Même si je sais que ça ne va pas tout résoudre, ces doudous, ça ne paraît rien, mais ça peut faire une vraie différence sur le moral. Ça peut donner du courage, du baume au cœur".

Savoir que des enfants auront bientôt en main les doudous qu'on a imaginés, qu'on a cousu ici, dans le Jura, c'est fou. On a vraiment le sentiment du devoir accompli.

Martin Huot-Marchand

Quelle sera la suite ? Quand le "Navire avenir" sera-t-il mis à flot ? Il faudra encore attendre. "C'est un projet européen, sur le long terme" explique Thomas Huot-Marchand. "Un financement participatif a été ouvert pour aider à la construction du bateau. On a recueilli plus de 1 million d'euros. Il nous en faut six pour lancer les travaux". 

Mais rassurez-vous, les doudous de Martin devraient faire des heureux avant cela. L'association Coop'Agir espère recevoir l'homologation dans les prochaines semaines. Une première livraison de peluches est donc prête à être envoyée sur l' "Ocean Viking", le navire de SOS Méditerranée, courant octobre 2024.

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Bientôt, des petits chats et des étoiles jurassiennes en tissu iront tenter d'apporter un peu de douceur à des enfants qui en sont privés. Le rêve de Martin est devenu réalité.

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