Alors que la protection des trop nombreuses victimes de violences conjugales est l'un des enjeux judiciaires de ces dernières années en France, le parquet de Besançon utilise depuis plusieurs mois des bracelets anti-rapprochement. Comment fonctionne ce dispositif ? Explications.
"Cet outil est devenu déterminant concernant la surveillance des auteurs de violences sexuelles et la protection des victimes." Etienne Manteaux, procureur de la République de Besançon, a tenu ce vendredi 1er octobre à présenter à la presse le fonctionnement des bracelets anti-rapprochement (BAR), dont deux ont été imposés par la juridiction bisontine à des auteurs de violences conjugales.
Ce dispositif est utilisable par la justice depuis mars 2021. Sa délivrance nécessite le consentement de la victime. Il s'agit d'un outil de surveillance électronique qui permet de géolocaliser une personne à protéger et un auteur réel ou présumé de violences conjugales. La victime dispose d'un boitier qu'elle doit avoir sur elle le plus souvent possible. L'auteur de violences conjugales porte quant à lui un bracelet à la cheville, du même type que les bracelets électroniques mais avec une technologie intégrée supplémentaire. "Il existe une distance d’alerte de 1 km minimum et 10 km maximum. Il y a également une pré-alerte si l'individu portant le bracelet se rapproche à moins de 20 km de la victime" détaille Etienne Manteaux, tout en précisant qu'un "pôle anti-rapprochement" constate grâce à un signal émis par les boitiers qu’il y a rapprochement de l’individu vers la victime.
Ce pôle anti-rapprochement fonctionne 24h/24 et 7 jours sur 7. Il est géré par Allianz, assureur européen. C'est cette société privée qui a remporté le marché public du bracelet BAR. "Ils ont la totalité des fiches victimes et auteurs. Quand une alerte sonne, l’opérateur du pôle contacte la victime ou l’auteur, lorsqu'il s'agit d'une zone de pré-alerte. Si l’individu a été avisé qu’il doit sortir d’une zone pré-alerte, qu'il ne répond pas ou qu’il persiste et rentre dans une zone alerte, c’est la police ou la gendarmerie qui prend le relais" poursuit le procureur de la République de Besançon, prenant exemple sur un cas concret survenu dans le Haut-Doubs.
"Suite à des menaces extrêmement claires, on peut localiser l’auteur"
Une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis a été décidée par le tribunal de Besançon, le 25 juin 2021 à l'encontre d'un habitant du Haut-Doubs, auteur de violences conjugales et de menaces de mort sur son ex-conjointe. "A l’audience la femme était tétanisée à cause des menaces de mort que son ex-conjoint proférait à son encontre. D'autant que deux enfants encore mineurs habitent avec madame. Nous avons demandé au juge d’application des peines d’imposer à ce condamné un bracelet anti-rapprochement. Cela a été fait en juillet 2021. Madame était domiciliée entre Pontarlier et Morteau et l’auteur était domicilié tout près de la frontière suisse" se rappelle Etienne Manteaux, tout en précisant qu'une obligation de soins psychologiques a également été imposée au concerné.
Aucune alerte n'a été relevée cet été, mais le 24 septembre, la famille a avisé la justice que son ex-conjoint avait proféré des menaces de mort par téléphone à l'encontre de son ex-femme et des enfants sous sa responsabilité. "Monsieur a pu être localisé extrêmement rapidement et a pu être interpellé. Suite à des menaces extrêmement claires, on peut grâce au dispositif localiser l’auteur. Dans ce cas, cela a permis une réaction quasi immédiate des gendarmes. Il a été déféré et incarcéré dans l'attente d'un deuxième procès." L'audience aura lieu la semaine prochaine. L'individu risque la révocation de sa peine de sursis.
Un autre bracelet est actuellement actif en Haute-Saône. Le porteur n'a pour l'instant pas cherché à se rapprocher de sa victime.
"Nous manquions d’outils"
Le procureur de la République se réjouit de la mise en place de ce dispositif qui peut être déployé sans limite, quand les circonstances le permettent et l'exigent. Néanmoins, ce système a des failles, notamment lorsqu'une victime et son agresseur ont des lieux d’habitation ou de travail trop proches. "L’alarme se déclenche quotidiennement et dans ce cas c'est clairement inefficace" explique-t-il.
Ce dernier rappelle aux mémoires l'horrible assassinat de Razia Askari, en octobre 2018. Le procès de son mari aura d'ailleurs lieu les 8, 9 et 10 décembre 2021 à Besançon.
Il avait asséné de multiples coups de couteau à sa femme en pleine rue, alors qu'elle était sous la protection de l'association Solidarité Femmes et qu'elle avait déposé de multiples plaintes à son encontre. Cette affaire avait largement choqué et révolté, tant les démarches pour protéger Razia de la folie de son mari avaient été nombreuses.
"Nous faisons aujourd’hui des retours d’expérience pour essayer de voir comment collectivement on peut aller vers plus de protection des victimes. Nous disions qu'à l’époque nous manquions d’outils. Le bracelet anti-rapprochement, dans cette affaire, aurait été un outil efficient pour protéger madame Askari" selon le procureur de la République.
En 2020, 102 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire en France. Au 5 septembre 2021, 77 féminicides ont été dénombrés depuis le début de l'année en France, selon le Collectif de recensement des féminicides par compagnons ou ex.