Originaire de Besançon (Doubs), Jeanne danse depuis toujours. Et plus que jamais, en ces longs jours de confinement. Sur ses petits balcons à Paris, elle esquisse gestes et poésie. Pour son père qui soigne des patients atteints du covid-19, pour ses voisins... pour l'amour de l'art et de la vie.
Confinée. En apesanteur. Au dernier étage d'un immeuble parisien. Jeanne Morel est danseuse professionnelle.
Le 23 mars, elle enfile sa tenue de danse immaculée de blanc. Une première vidéo destinée à son père, médecin généraliste à Valentigney dans le Doubs. "Aujourd'hui, mon coeur est anxieux. Mon père est médecin à l'Est de la France, il est épuisé."
"Les soignants font leur boulot. Ils tiennent la barre. J'ai senti que mon père fatiguait. Je me suis demandée ce que je pouvais faire" ajoute Jeanne à propos de son initiative.
"De jour en jour, j'ai lui ai envoyé des vidéos pour lui redonner le moral. Il avait beaucoup de patients atteints du Covid. J'ai trois petits balcons dans mon appartement, je danse tous les jours, j'ai besoin de continuer cette pratique, et cela me fait du bien" nous explique Jeanne, la voix ensoleillée au téléphone en ce jour de printemps.
# 1 - Danse confinée, 23 mars 2020
Grosses pensées à nos médecins et à tout le personnel hospitalier
Vous êtes tellement nécessaires
Prenez soin de vous. Prend soin de toi papa.
Ces pas de danse destinés à ses proches, Jeanne Morel a très vite eu envie de les partager. Sur sa page Facebook, son compte Instagram. Par mail. Et avec ses voisins qui l'aperçoivent danser.
# 2 - Danse confinée, 27 mars 2020
Suspendus au métal de son petit balcon, Jeanne danse. Sa caméra posée sur l'autre balcon de l'appartement. Puis elle assure le montage vidéo. 11 jours après le début du confinement, ses pensées vont toujours aux soignants, mais aussi aux hommes et femmes qui travaillent : "Une pensée pour mon père et ma cousine, au front face à leurs patients. Une pensée pour tous ceux qui continuent de faire tourner le monde, de la femme de ménage au médecin réanimateur" écrit-elle.
De l’amour pour accompagner ceux qui souffrent, ceux qui partent
De l’espoir pour ceux qui soignent, ceux qui aident
De l’intelligence pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là. Pour ne pas recommencer....
#3 - Danse confinée, 30 mars 2020
Jeanne Morel danse depuis le plus jeune âge. Elle a décroché un bac lettres au lycée Cuvier de Montbéliard. Elle a fait l'apprentissage de danse de ballet avant d'intégrer l'école Passe Muraille, du cirque Plume en Franche-Comté. Et devenir un temps trapéziste. "Chez Plume, on nous a appris à créer, à apprendre des autres, à se surpasser. C'est rare de tels enseignements humanistes, je les remercie de tout cela" confie la danseuse dont la carrière la mène aujourd'hui dans le monde entier, mais dont l'attachement à la Franche-Comté reste fort. Après avoir dansé dans beaucoup de compagnies, Jeanne Morel préfère la liberté d'explorer d'autres territoires. Sa scène désormais c'est l'espace, l'univers sous-marin ou les montagnes du monde.
Dansons, dans nos coeurs, nos espoirs, nos maisons
Dansons pour faire revenir la vie, la nôtre
Pour réanimer la magie qu'on avait tue
Dansons comme des enfants
Comme seuls dans le noir
Pour faire fuir les cauchemars
Dansons pour ne pas sombrer
Pour continuer à croire que l'humain vaut la peine
Parce que la vie est reine....
Jeanne Morel, danse en apesanteur pour les agences spatiales européennes
En apesanteur sur son petit balcon, Jeanne Morel n'a pas peur du vide. Jeanne est danseuse, actrice mais aussi exploratrice. Le monde est son pays. Elle a vécu à Lyon, Barcelone, San Francisco. Elle travaille avec les agences spatiales européennes et son partenaire Paul Marlier à la création et l'adaptation du corps en apesanteur.
Les deux artistes travaillent à bord de l’Airbus A310 Zero G avec les astronautes européens Jean-François Clervoy et Thomas Pesquet. En octobre 2016, Jeanne Morel effectue son premier vol pour le CNES. Jeanne Morel est directrice et co-fondatrice d’Art In Space, une entreprise créant le lien entre l’aérospatial et le monde artistique.
Zero Gravity DANCE PERFORMANCE_Jeanne Morel from Jeanne Morel on Vimeo.
Etre confinée actuellement, comme un astronaute dans sa capsule. Une sensation qui n'effraie pas du tout la jeune comtoise : "Avec le spatial, on est dans une situation de confinement. Le milieu extérieur devient hostile". Comment on prend possession aujourd'hui de nos appartements, notre petit vaisseau, je trouve ça intéressant !".
#4 - Danse confinée, 4 avril 2020
Jeanne Morel a posté une nouvelle vidéo. Une quatrième danse confinée. Pour continuer à rêver, dit-elle."J'ai toujours dansé pour vivre, pour respirer. Danser pour m'évader et élever mon coeur et mon esprit. Aujourd'hui plus que jamais il me semble juste de danser. Pour soi, pour vous. Pour Anne et Hervé, mes voisins, qui depuis leur fenêtre, regardent la vie changer. Pour tous ceux qui continuent de faire tourner ce monde. Si fragile soit-il. Il va nous falloir de l’amour, beaucoup. Il va nous falloir de la force, de l'intelligence et du courage. Il va nous falloir remettre les choses à leur place, savoir donner, savoir aider. Puis il nous faudra de l’art, toujours. Parce que l'art est la nourriture de l'âme et qu'il ouvre sur d'autres mondes, des mondes nécessaires, des refuges hors de Terre".
En ce mois avril, Jeanne Morel va continuer à danser. Pour son père, pour qui le pic de l'épidémie semble passé dans le Nord Franche-Comté. Les vidéos de sa fille l'ont touché et lui ont apporté du réconfort. Le médecin continue à soigner ses patients par téléconsultation.
Sur les toits de Paris, Jeanne Morel va continuer à danser pour vous, pour tous les autres, convaincue que la beauté de l'art, d'un geste de danse... peut apaiser le monde.
Pour en savoir plus sur Jeanne Morel
Viméo