Alors que la troisième vague épidémique est arrivée sur la France, la santé mentale des enfants et des adolescents est de plus en plus préoccupante. A Besançon, les demandes d'accompagnement et de soins psychologiques et psychiatriques des plus jeunes explosent. Explications.
Certains médecins, psychiatres et psychologues en parlent depuis plusieurs mois déjà. La France traverse, en même temps que la crise sanitaire, une crise psychiatrique importante. Les esprits sont mis à mal, chez les personnes en âge d'appréhender les enjeux actuels, mais aussi chez les plus jeunes. Depuis quelques semaines, les professionnels de santé alertent les autorités sanitaires sur une situation de plus en plus préoccupante. Les enfants et les adolescents subissent de plein fouet la crise et développent de plus en plus de troubles du comportement. “On a une explosion des demandes et des passages aux urgences ou en hospitalisations” nous explique Sylvie Nezelof, cheffe du service psychiatrie infanto-juvénile du CHRU de Besançon.
Aux urgences psychiatriques, les admissions d’enfants et adolescents ont été multipliées par 3 à 4. “On a beaucoup de crises suicidaires jusqu’à des passages à l’acte mais aussi des pathologies anxio-dépressives ainsi que des troubles du comportement. Les troubles du comportement alimentaires ont également été multipliés par 2 à 2,5 mais nous sommes en train d’analyser les chiffres” détaille Sylvie Nezelof, tout en précisant que les services psychiatriques subissent eux aussi une saturation.
"On passe des heures à chercher un lit d’hospitalisation"
Ces constatations sont partagées par Angèle Consoli, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et désormais membre du Conseil scientifique. “Quand un adolescent doit être hospitalisé parce qu’il y a un risque suicidaire majeur, par exemple, et qu’on passe des heures à chercher un lit d’hospitalisation pour finir par dire à ses parents que le jeune doit rentrer chez lui parce qu’on n’a pas de place, c’est particulièrement préoccupant et source de tensions pour nous, et assez douloureux” a expliqué récemment la pédopsychiatre sur France Inter. A noter qu’en temps normal, le suicide est l'une des cinq causes les plus fréquentes de décès chez les adolescents.
D’ailleurs, les jeunes en détresse, quelle que soit leur pathologie, ne sont pas toujours connus des équipes soignantes. “Il y a un certain nombre de jeunes qu’on ne connaissait pas avant, qui n'étaient pas suivis” confirme Sylvie Nezelof, du CHU de Besançon.
Comme pour les adultes, la fragilité psychologique des enfants ou adolescents se construit autour de plusieurs facteurs. “Les enfants sont très sensibles à l’état psychologique de leurs parents. Ensuite, les effets du confinement, mais aussi la limitation de tout ce qui relevait de leur ancrage extérieur, activités sportives, rassemblement... ” énumère la soignante.
“Ce qui est difficile pour les jeunes, c’est que c’est une période de leur vie qui est assez courte et qu’ils ne revivront pas. La tranche de vie de l’adolescence est limitée dans le temps. Ce temps-là, ils l’auront vécu différemment. Certains s’en accommodent. Pour d’autres, et ils le disent, ils ont l’impression d’un temps un peu perdu. Tout dépendra de la capacité de chacun à rebondir.“
Comment détecter que son enfant va mal ?
Certains indices peuvent aider les parents à mieux percevoir la détresse de leur enfant. Le plus important est de savoir analyser certains comportements anormaux, qui diffèrent de l’attitude habituelle de l’enfant ou adolescent.
“Des enfants ou des ados plus agités, plus agressifs ou plus isolés que d’habitude... Il faut y faire attention. La notion de changement de comportement est importante. En plus, souvent, plus on va mal, moins on a de capacités à le dire” préconise Sylvie Nezelof.
Les parents doivent être attentifs et bienveillants vis à vis de leur enfant, sans pour autant "être toujours sur lui". Sylvie Nezelof ajoute : "Lorsque les mouvements de retrait ou d’isolement, d’irritabilité, s’installent et durent, qu'ils ont des conséquences sur la vie scolaire, sociale et familiale de l'enfant ouo du jeune, ces indicateurs doivent alerter et faire réagir les parents, en faisant appel à des professionnels.”
"Recréer de la sécurité dans leur environnement"
Evidemment, tous les enfants ou adolescents en difficulté psychologique ne nécessitent pas une prise en charge en urgences psychiatriques. Cette option est privilégiée lorsque des épisodes de crise se produisent.
D'autres structures, dites "de premier niveau", ont pour mission d'accompagner et d'orienter les adolescents, qu'ils soient en détresse ou non d'ailleurs. C'est le cas de la Maison de l'adolescent à Besançon, dans laquelle la demande d'aide psychologique n'a pas explosé, contrairement aux urgences.
Pourquoi ? Le docteur Viverge, médecin responsable de cette structure, nous apporte des éléments de réponse : "En ce moment, les jeunes arrivent directement dans des niveaux de soins élevés, en état de crise. Les structures de premier niveau, comme la nôtre par exemple, sont beaucoup moins sollicitées. Des passages aux urgences dans des états de crise, cela a toujours existé, mais là, on dirait que des crises répondent à une crise". Il poursuit : "Je ne dirais pas que la crise les rend malades, mais la crise et ce qu'il se passe dans les familles, pour les parents également peut provoquer un effet miroir".
Ce dernier insiste sur l'importance de réussir à créer un climat de sécurité autour des jeunes. Et de conclure : "Nous devons tous travailler à recréer de la sécurité dans leur environnement, au maximum. Pour cela il faut des personnes, des moyens humains. On ne peut pas suffisamment rassurer ces jeunes si on est en sous-effectif. Ca passe par l'homme, par l'humain... Le médicament ne suffit pas."
Infos pratiques :
Fil Santé Jeunes : Fil Santé Jeunes est un dispositif d'aide à distance en santé pour les jeunes de 12 à 25 ans. 0800 235 236 numéro vert et chat'. Le site filsantejeunes.com propose de nombreux articles sous forme d'actualités, de sujet de la semaine ou de dossiers.
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