DIRECT. Guerre de la drogue à Planoise : des peines allant jusqu'à 15 ans de prison requises dans le procès des membres du clan "Picardie" à Besançon

Le procès de six membres présumés du clan "Picardie", jugés pour un trafic de drogue particulièrement violent dans le quartier Planoise, s'est poursuivi ce mercredi. Revivez la troisième journée de ce procès dans cet article.

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L'audience de ce 3e jour de procès est suspendue. Elle reprendra jeudi à 9h avec le dernier mot des prévenus et la délibéré de la cour.

17h45 : Me Viguier clôture les plaidoiries des parties civiles avec la défense de Mamadouba T.. La procureure a requis 4 ans de prison contre ce dernier quelques heures plus tôt. "Si on avait tous eu les mêmes chances ? Moi ma vie a toujours été celle d'un privilégié", confie son avocat. "Dans ce monde-là, l'argent est roi. Moi je les plains tous ces gens qui auraient plein de capacités et qui ne comprendront peut-être jamais que la vie est ailleurs, et qu'on est tellement plus heureux comme ça".

Deux témoignages anonymes pèsent sur le client de Me Viguier ainsi que des messages échangés sur une messagerie cryptée. Il retoque, comme ses confrères et consoeurs de la défense, l'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de violence. Son client a expliqué être un collecteur d'argent. La somme de 90 000 euros a été retrouvée dans une voiture stationnée au pied de chez sa compagne. Les propos tenus par son client, "parfois dans l'énervement", ne constituent pas un acte préparatoire selon l'avocat du barreau de Paris. "Il est peut-être un point de nourrice, où il y a de l'argent et parfois des stups." Me Viguier décortique à son tour les messages qu'on attribue à son client, avec quelques pointes d'humour.

L'obscurité tombe progressivement dans la salle d'audience du tribunal correctionnel de Besançon. Les débats ont débuté à 9h30. 

Les avocats de la défense dénoncent des "insuffisances de preuves"

17h00 : Me Vincent représente deux prévenus. Elle défend Elias B. et Bassir B. L'avocate du barreau de Lyon attaque les preuves constituées par les témoignages sous X, récoltés par les enquêteurs.

Concernant Bassir B., elle ne comprend pas sa présence dans ce procès. Pour rappel, la procureure a demandé une peine d'1 an de prison à son encontre. "Aucun élément ne permet de rentrer en voie de condamnation. C'est un garçon sans histoire, inscrit en formation horlogerie depuis janvier 2023". Me Vincent demande une relaxe pour ce dernier. "Le seul élément objectif qu'on peut lui attribuer c'est de connaître des gens ici".

Concernant Elias B., contre lequel sont requis 10 ans de prison et que la justice soupçonne d'être l'un des bras droits du chef du clan "Picardie", Me Vincent dit : "Il ne vous a peut-être pas fait bonne impression, mais j'ai une forme d'attachement  pour lui." Elle rappelle qu'il a vécu des drames dès le plus jeune âge. "Ce gamin s'est retrouvé très seul, dès l'âge de 16 ans. Il est détenu depuis plus de 2 ans et demi, il n'a aucun parloir, je suis sa seule visite en maison d'arrêt". Elle rappelle que son quotidien est sans violence dans le cadre de sa détention provisoire, qu'il voit un psychologue, qu'il prend des cours d'anglais et qu'il fait du sport. Elle tacle aussi les renseignements anonymes récoltés par les enquêteurs et parle "d'insuffisance des preuves". Elle demande la relaxe pour l'association de malfaiteurs concernant les violences. "Même la moitié de votre proposition de peine c'est déjà beaucoup !", conclut-elle s'adressant à madame la procureure.

Il faut un peu de rigueur dans l'analyse des preuves. Tout est interprétable et tout est son contraire. Vous voyez, il y a une forme de déséquilibre.

Me Vincent, avocate de deux prévenus

15h49 : Me Binsard débute désormais pour la défense de Melk G. Il attaque frontalement les réquisitions de madame la procureure qui ont duré 4h30. Il souhaite "calmer certains fantasmes", concernant le trafic de drogue que la justice attribue à son client. "Le numéro 3 (ndlr, du clan "Picardie") mériterait la même peine que le numéro 1 du clan d'en face ?", interroge l'avocat du barreau de Paris. Il réclame la relaxe pour l'association de malfaiteurs en vue des violences. "Personne n'a jamais dit que monsieur G. était sur le terrain. Le simple fait d'être en lien, de correspondre avec les uns et les autres, ne suffit pas à établir la matérialité de l'association de malfaiteurs". Me Bresson attaque la consistance des preuves du parquet matérialisant l'association de malfaiteurs. Son client n'est pas un donneur d'ordre et ne participe pas à la préparation des actes de violence, selon son avocat. Il met également en cause la fiabilité des témoignages récoltés par les enquêteurs et décortique les messages interceptés via les "téléphones cryptés PGP".

Bien sûr qu'il y a des messages agressifs de la part de mon client. Mais ce n'est pas ça les instructions précises qui constituent l'association de malfaiteurs.

Me Binsard, avocat de Melk G.

Concernant le trafic de stupéfiants, que son client reconnaît, Me Binsard souhaite de la mesure. "Monsieur G. n'est pas le représentant légal du trafic qui a lieu à Planoise. Ne le condamnez pas pour le fantasme, mais seulement pour ce qui est démontré au dossier." Il réclame une peine de 8 ans pour son client. La procureure en a réclamé 10.

15h15 : C'est au tour de Me Bresson pour Nadjib Z.. Il a avoué être gérant d'un point de deal situé rue Picardie à Planoise et avoir conduit un scooter lors d'une fusillade contre le clan adverse. "C'est le seul à assumer sa responsabilité dans ce dossier. C'est suffisamment rare pour le souligner". Selon l'avocate du barreau de Besançon, le rôle de son client est un rôle d’exécutant. "Il n'a aucune initiative personnelle. Il a le rôle de ravitailleur, c'est tout. Et on demande 9 ans à son encontre ?!", tonne Me Bresson. "Le seul élément qu'on puisse lui attribuer ce sont les tirs du 26 janvier (ndlr, en représailles au clan de dealers adverse). Il l'admet, il dit qu'il a conduit le scooter utilisé". Me Bresson dit ne pas comprendre l'équilibre des réquisitions de madame la procureure et rappelle les peines prononcées contre les dealers du clan "La Tour". Elle demande de diminuer de manière considérable les réquisitions de la procureure à l'encontre de son client.

14h37 : Me Vernier, avocat d'Ousmane L. s'avance en premier à la barre et débute sa plaidoirie. "Mon client n'a rien à voir avec ce dossier, avec les tirs et les règlements de compte, dit-il. Ousmane L., c'est un tout petit." L'avocat bisontin conteste "l'association de malfaiteurs" pour son client mais pas le trafic de stupéfiants. Il argumente sur le peu de responsabilités de son client dans le trafic orchestré par le clan "Picardie". C'est "un Lyonnais" venu d'ailleurs, "sans scooter", "sans téléphone crypté PGP". Selon Me Vernier, il était "guetteur" (aux alentours des points de deal) et gérait des "charbonneurs" (vendeurs) mais à aucun moment n'a été gérant de points de deal.

"Cette affaire judiciaire est exceptionnelle"

L'audience est suspendue jusqu'à 14h30 avec les plaidoiries des avocats de la défense.

13h15 : Sont requises par le ministère public des peines de :

> 15 ans d'emprisonnement pour le chef présumé du clan "Picardie" Mohamed M., en fuite
> 10 ans d'emprisonnement pour ses bras-droits présumés Melk G. et Elias B.
> 9 ans d'emprisonnement pour Nadjib Z., gérant présumé de points de deal
> 5 ans d'emprisonnement pour Samir O., gérant présumé de points de deal
> 4 ans d'emprisonnement pour Samy K., en fuite, et Mamadouba T., soupçonné d'être le collecteur d'argent et de drogue
> 3 ans d'emprisonnement pour Ousmane L., dont le rôle hiérarchique est moins élevé selon le ministère public
> 1 an d'emprisonnement pour Bassir B., qui aurait joué selon la justice un rôle moins important que les autres prévénus dans l'organisation du trafic de drogue du clan "Picardie"

13h10 : Les réquisitions de la procureure se poursuivent. "Cette affaire judiciaire est exceptionnelle. On a des chiffres d'affaires considérables. Quand l'un d'eux dit avoir perdu 200 000€,  il n'y a aucune émotion. Les bénéfices sont conséquents. La société a besoin d'une réponse par rapport à ces faits", explique-t-elle après près de 4h de démonstration.

11h20 : Le réquisitoire de la procureure pour le ministère public, dure désormais depuis deux heures. Elle détaille à présent les rôles présumés de chaque prévenu : la tête pensante et donneur d'ordre Mohamed M., les bras droits Melk G. et Elias B., et les six autres qui gravitent autour en effectuant la logistique ou en gérant différents points de deal ainsi qu'en menant de violentes actions de représailles sur les charbonneurs, guetteurs et membres de la bande de "La Tour". Pour rappel, l'ensemble des prévenus, sauf un qui admet avoir conduit un scooter lors d'une fusillade, nient être impliqués dans les violences.

10h50 : La procureure Alexandra Chaumet reprend sa démonstration au sujet des discussions retrouvées dans les téléphones cryptés "PGP". "On a fait du sale", "les affaires sont cramées et/ou enterrées", "on leur a fait un boulot de fils de p***", "j'ai vidé dans le tas, comme dans les films", "j'aurais dû viser la tête"... Ces messages font partie des échanges cryptés du clan "Picardie" après des tirs sur "des petits cousins" de la bande rivale de "La Tour". "On a des tirs à l'arme de guerre. La vie humaine n'a aucune importance", rappelle la procureure. Huit blessés officiels sont attribués au clan "Picardie" par la justice. "C'est un bilan qui est terrible".

"On a la preuve d'une organisation avec un laboratoire de conditionnement, avec des plans, des personnes mises partout pour pouvoir faire fructifier ce trafic et on a aussi découvert de l'argent et des feuilles de compte, avec des empreintes", analyse Alexandra Chaumet, soutenant la thèse de l'association de malfaiteurs.

Concernant Mohamed M., le chef de clan présumé en fuite : "lui il est tranquille, au Maroc, en Espagne ou en Algérie... La loi du silence marche parfaitement bien pour lui." Il est celui qui organise, qui rappelle à l'ordre les siens quand ils n'obéissent pas et qui va jusqu'à suggérer de tuer 2-3 personnes du groupe rival. Il envisage également de se lancer dans la vente d'armes : grenades, kalachnikovs... "Mohamed M. est le premier pour les stratégies commerciales mais aussi pour élaborer les scénarios pour se venger. Les autres sont là pour l'aider. Il a une soif d'argent manifeste tout au long des conversations".

10h07 : Une suspension de séance a lieu. Une personne du public est soupçonnée d'avoir pris des photos de la salle d'audience durant les réquisitions. C'est formellement interdit par la loi. "Je préviens le parquet pour que cette personne soit contrôlée", déclare la présidente.

9h20 : Les réquisitions de la procureure Alexandra Chaumet débutent. Elle reprend les éléments débattus depuis lundi et rappelle le quotidien des habitants du quartier Planoise dans lequel vivent 20 000 habitants. C'est le quartier le plus peuplé de la région. "Les faits n'ont pas ébranlé outre mesure les prévenus. Ils ont durablement meurtri le quartier de Planoise. C'est la loi du silence dans ce quartier, imposé par ces trafiquants. Ce dossier montre la particulière dangerosité de ce trafic. L'escalade s'est terminée par la mort d'un jeune homme."

Elle fait référence aux peines attribuées au clan de "La Tour", la bande rivale jugée l'an dernier et dont les chefs de bande avaient écopé de 10 ans de prison (relire notre article). "On a une bascule dans une spirale de violence qui va être apportée par la décision du clan de "La Tour" de faire venir des "Parisiens", pour sécuriser les terrains de leur clan".

Elle reprend ensuite de manière chronologique la liste des tirs attribués au clan "Picardie" et leur extrême dangerosité : "la réalité des tirs ne fait aucun doute, mais on a du mal de savoir qui sont les tireurs. On a une contre-société qui est créée, c'est la loi du clan".

On tire, on n'arrive pas à toucher alors on va courir après les gens pour être sûrs de bien les blesser.

Alexandra Chaumet, procureure de la République

8h30 : Les six prévenus sont arrivés avec leur escorte policière, sirènes hurlantes, dans le quartier du Palais de justice bouclé pour l'occasion. Ce mercredi, la parole est donnée à la procureure de la république pour les réquisitions, suivies des plaidoiries de la défense à partir de 9h15.

Un trafic ultra violent et particulièrement juteux

La journée de mardi s'est terminée par la plaidoirie marquante de Me Bernard, avocat de deux victimes de tirs, survenus dans le cadre de la guerre de la drogue qui sévit dans le quartier Planoise de Besançon depuis plusieurs années, et notamment 2019 (relire notre article). "18 impacts retrouvés, arrosés, du sol à deux mètres de haut, le jour de Noël ! Même les animaux, on ne les tue pas comme ça !", a précisé l'avocat face à la présidente Karine Renaud, avec force.

Durant les débats qui ont précédé, trois prévenus ont répondu aux questions de la cour, dans la limite de leur volonté de coopérer avec la justice. L'omerta est la grande invitée de ce procès, sans surprise. Depuis le début de la semaine, l'attitude des protagonistes est la même ou presque, à l'exception de Nadjib Z. et Melk G., plus coopératifs. Ils reconnaissent être "gérant d'un point de deal" et avoir conduit un scooter pendant une fusillade pour le premier, et être un simple "trafiquant de drogue" pour l'autre. Les autres nient en grande partie les faits qui leur sont reprochés.

Neuf prévenus de cette session sont soupçonnés d'être des membres actifs du clan "Picardie" et de s'adonner à un trafic de stupéfiants "particulièrement juteux", face aux membres du clan de "La Tour", jugés l'an dernier. Six sont présents. Plusieurs victimes, dont certaines qui n'avaient rien à voir avec le trafic, ont été gravement blessées ou sont mortes sous les balles des dealers, parfois tirées en plein jour à l'arme de guerre. Les agissements des malfaiteurs provoquent la peur, l'indignation et la colère des 20 000 habitants du plus gros quartier de la région, et ce depuis plusieurs années maintenant. Ces derniers, pris en otage au coeur d'une violence qui semble sans fin, espèrent que le calme revienne dans le quartier le plus peuplé de la cité comtoise.

Le jugement de ce procès placé sous haute surveillance est attendu jeudi.

>> Relire le déroulé complet de la deuxième journée de procès des membres présumés du clan "Picardie".

>> Relire le déroulé complet de la première journée de procès des membres présumés du clan "Picardie".

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