DIRECT. Guerre de la drogue à Planoise : "Guetteurs", "charbonneurs", "gérants"... une partie du clan "Picardie" jugée à Besançon

Le tribunal correctionnel de Besançon juge à partir de ce lundi 20 mars six membres présumés du clan "Picardie", acteurs d'un trafic de drogue de grande ampleur et particulièrement dangereux dans le quartier de Planoise. Relisez le déroulé du premier jour de procès dans cet article.

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16h59 : L'audience est levée. Elle reprendra mardi à 9h.

15h54 : Nadjib Z. approche à présent de la barre. Il est reproché au jeune homme de 25 ans des violences aggravées avec arme, en réunion, sur deux membres de la bande adverse. Ainsi que des "acquisition, détention, transport et trafic de produits stupéfiants". Il reconnaît avoir joué un rôle dans le trafic de stupéfiants mais dit n'avoir jamais tiré sur personne. "J'étais ravitailleur. Je devais ravitailler les charbonneurs du point de deal Picardie", explique le jeune homme, qui était sorti de prison en novembre 2019. "Je devais une dette à quelqu'un. J'avais cassé un scooter, je devais le rembourser", explique le prévenu. "On m'a recruté. Je ne peux pas dire qui", poursuit-il. "J'ai commencé guetteur, charbonneur et je suis monté ravitailleur". Il admet avoir été gérant d'un point de deal. Celui de la rue de Picardie, au coeur du quartier Planoise.

La présidente tente à plusieurs reprises de savoir avec qui et pour qui travaillait Nadjib Z., semble-t-il plutôt coopératif. "Je ne peux pas le dire madame". La loi de l'omerta règne dans le milieu du narcotrafic mais le jeune homme donne quelques détails à la cour quant à l'organisation du trafic sur Planoise : "Il y a des points de deal spécialisés dans le cannabis, d'autres dans l'héroïne, d'autres dans la cocaïne. Je ravitaillais  2-3 fois par jour en héroïne et cocaïne. Dans un parking, on me donnait un petit sac et je faisais ma journée avec. Le soir je redonnais tout". Il reconnaît aussi avoir trouvé un appartement utilisé dans le cadre du deal. "Un moment, vous vous êtes éloigné du terrain, c'est juste ?", demande la présidente Karine Renaud. "Oui, parce que j'avais peur de me faire tirer dessus", répond Nadjib Z. Son rôle de gérant dans le clan "Picardie" lui rapportait 1500€ par mois, selon ses dires. 

Est-ce que c'est parce que tout cela n'est pas si grave, banal ? Que vous n'en avez pas un souvenir très précis ?

Karine Renaud, présidente lors du procès en correctionnel du clan "Picardie"

"Avez-vous commis des violences sur les petits du clan d'en face ?", interroge-t-elle. "Oui, j'ai mis 2-3 claques à des petits j'avoue". "Je leur ai vidé une gazeuse dans la bouche", avait écrit le Bisontin originaire du quartier Planoise à ses potentiels associés via son téléphone PGP crypté. Il avait également envoyé des photos pour preuve, à des interlocuteurs dont il souhaite toujours taire les noms. La justice le soupçonne d'avoir également participé à une opération de tirs sur deux rivaux du clan "La Tour". "Oui j'ai participé, j'ai conduit le scooter utilisé, mais j'ai pas tiré", répond Nadjib Z., surnommé dans le milieu "NHB".

La procureure de la République rappelle que le prévenu, sous le coup de deux détentions provisoires dans deux affaires distinctes, a écrit via téléphone PGP : "J'ai vidé dans le tas. Il a pris cher, MDR. Ça lui a arraché les jambes. J'aurais dû viser les têtes, ces fils de p****". La justice pense qu'il est l'un des tireurs du clan "Picardie". Il nie, expliquant "s'être accaparé ce délit" dans le but de se faire bien voir par son groupe. Il dit avoir lui même été victime de tirs.

"Tous ces tirs, entre novembre et mars 2020, cela a fait des victimes. Des gamins se sont retrouvés avec des fémurs éclatés. Des gamins de 14, 13 ans. Cela vous inspire quoi ça ? On comprend qu'il s'agit d'une guerre entre deux clans pour de la drogue. Avez-vous conscience de la gravité de ce que cela représente pour ce quartier ?", poursuit la présidente. "Ouais ouais.. Si, bien sûr que c'est grave. J'assume. Je vais payer ce que j'ai fait", dit Nadjib Z. Il explique avoir rencontré un addictologue pour mettre un terme à sa dépendance au cannabis à la prison de Montbéliard et essayer de s'en sortir.

15h36 : Le cas de Samir O. est abordé. Le Jurassien n'est pas présent dans la salle d'audience. Il est en fuite et un mandat d'arrêt a été déposé à son encontre, dans le cadre d'une autre affaire. Le juge d'instruction le soupçonne d'acquisition, détention, transport et trafic de produits stupéfiants ainsi qu'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement en récidive.

15h35 : L'audience reprend après une pause d'une vingtaine de minutes. Les bancs du public se sont garnis.

"Vous pensez que j'ai envie de me faire rafaler parce que j'ai dit un prénom ?"

14h25 : Ousmane L., 25 ans, est appelé à la barre. Il est inculpé pour transport, détention et offre de stupéfiants et association de malfaiteurs en vue d'un trafic de stupéfiants. "Je reconnais avoir vendu quelques barrettes mais je n'ai jamais fait d'association de malfaiteurs", dit le prévenu. "Je ne suis pas d'ici, aujourd'hui j'en suis à onze ans de prison. Quand je suis sorti de prison, j'ai loué une voiture à 60 000 euros pour me faire plaisir et je suis rentré dans le mur. J'avais des dettes", commence à détailler le jeune homme, arrivé à Planoise alors qu'il vivait initialement à Lyon. Son casier judiciaire porte 18 mentions dont des violences aggravées, plusieurs vols avec violence, des usages de stupéfiants, abus de confiance, des menaces et outrage, des recels de biens, une évasion et un port d'arme à feu. Il est titulaire d'un CAP cuisine, obtenu en détention.

Il dit, d'un ton bien assuré face à la cour, s'être rendu à Besançon car il avait besoin d'argent. Il y a commencé à dealer afin de rembourser ses dettes. "On comprend dans cette conversation que vous tentez de recruter des vendeurs", interroge la présidente. La justice le soupçonne d'être l'un des gérants d'un point de deal appartenant à la bande baptisée "Picardie". "Je suis au courant de rien, je connais personne dans cette salle, sauf une personne que j'ai connue en détention, et fin de l'histoire", lance Ousmane L. qui a invectivé un autre prévenu plus tôt dans la matinée.

J'ai vendu, c'est vrai, mais rien de plus. Je serais un gérant j'aurais pas un avocat commis d'office. Je suis pas un gérant.

Ousmane L., soupçonné d'être le gérant d'un point de deal pour le "clan Picardie"

"'Vous fermez à 22h et tu dis aux clients de revenir demain', c'est ce que vous dites. Vous donnez même l'heure de fermeture du point de deal, cela laisse penser que vous le gérez", insiste la présidente, rappelant que Ousmane L. a partagé une annonce sur Snapchat pour recruter des jeunes de Lyon dans le but qu'ils deviennent charbonneurs et guetteurs. "Ce Slimane-Slimane est-il votre patron ? (ndlr, surnom faisant potentiellement référence au chef du clan Picardie : Mohamed M.)", demande-t-elle. "Vous pensez que j'ai envie de me faire rafaler parce que j'ai dit un prénom ? Je suis jeune, j'ai  encore la vie devant moi", répond le prévenu faisant référence au fait que s'il parlait, il pourrait y perdre la vie. Il parle aussi des pressions qu'il subit, de ses conditions de détention et du fait qu'il a toujours été impulsif.

"Vous vous voyez où en sortant de prison ?", demande la présidente. "J'aimerais bien avoir une enseigne à moi, ouvrir un snack. J'affectionne particulièrement la restauration depuis tout petit", répond le jeune homme.

"Je ne peux pas donner de nom"

14h10 : La présidente parle désormais du rôle de Sami K., non présent ce jour dans la salle d'audience. "Il a été placé sous écoute, et on comprend que même en détention il continue à avoir un lien avec le trafic", poursuit la présidente Karine Renaud.

13h25 : Bassir B. est le premier à être appelé à la barre pour être interrogé. Il a notamment été dénoncé par un témoin anonyme. Le Haut-Saônois conteste les faits qui lui sont reprochés : des faits d'association de malfaiteurs en vue de commettre un trafic de stupéfiants. "Je n'ai jamais fait partie d'un clan", dit le jeune homme né en 1998. Lors de son interpellation, il a été trouvé en possession d'un "téléphone PGP crypté" et son prénom apparaît dans plusieurs discussions concernant l'organisation de points de deal.

"Ce n'était pas à moi", justifie-t-il. "J'ai déjà rendu des services, comme chercher des scooters en vente". "Qui vous a demandé ça ?", interroge la présidente. "Je ne peux pas donner de nom", explique le prévenu, qui dit avoir gagné entre 100 et 500€ pour ces "services". "Je n'ai jamais organisé un terrain, je ne fais pas partie d'un clan et je n'ai jamais tiré sur quelqu'un", répète-t-il. La présidente continue à lire les échanges cryptés faisant mention d'un certain "Bassir".

"Pouvez-vous nous indiquer si vous connaissez des personnes ici présentes avec vous devant ce tribunal ?", demande la présidente. "Non je ne peux pas", répond le prévenu, incarcéré par le passé trois ans, et dont le casier judiciaire fait état de six mentions notamment pour usage et détention de stupéfiants.

12h : L'audience est levée. Elle reprendra à 13h15.

"On distribue des échantillons, on fait des offres promotionnelles"

11h56 : "Guetteurs", "charbonneurs", "rabatteurs", ces termes reviennent régulièrement, comme lors du procès du clan "de la Tour" en juin dernier. Le procédé utilisé par les dealers est détaillé. "Un client arrive. S'il est à pied, il est accueilli par le guetteur. Il lui indique de monter à l'étage, il est fouillé. Il est ensuite envoyé au 3e étage, puis renvoyé en rez-de-chaussé où on lui fournit le stupéfiant", explique la présidente Karine Renaud. "L'argent est enterré dans des trous. C'est ensuite récupéré et on met à la place des stupéfiants. On comprend aussi quel est le rôle de chacun dans cette vente de stupéfiants. On déplace aussi les points de vente quand les revenus baissent. On distribue des échantillons, on va détourner les clients, on fait des offres promotionnelles, on passe des annonces sur Snapchat... Voilà ce qui est compréhensible à la lecture des conversations PGP".

11h40 : Cela fait plus d'une heure désormais que la présidente détaille les faits reprochés aux prévenus et notamment les expéditions punitives, intimidations et blessures par balle imputés au clan "Picardie" sous fond de trafic de drogue d'ampleur. "Le 11 mars 2020, deux jours après les interpellations du clan de "la Tour". Ce qu'on peut comprendre, c'est que le clan Picardie est venu prendre les terres et notamment la rue de Fribourg", rappelle la présidente.

11h12 : "Arrête de me regarder comme ça !! Je te n*** ta m*** ! Arrête de me regarder !" s'emporte brusquement l'un des prévenus, Ousmane L., contre un autre situé en face de lui et alors que la présidente continuait son déroulé. En réponse Nadjib Z. lui répond par une insulte. La présidente rappelle que la salle peut être évacuée ou que des personnes peuvent être exclues en cas d'incidents.

10h36 : La présidente procède au rappel des faits et dresse l'impressionnante liste des tirs échangés entre les deux clans, recensés dans le quartier Planoise ou dans le quartier Saint-Ferjeux, depuis l'année 2019. Elle parle d'une "guerre de territoire, opposant les dealers actifs rue de Fribourg (la Tour) et rue de Picardie (Norma)". "Le conflit débute en novembre 2019 après des tirs en répression à l'arrivée de Parisiens, pour défendre les places de deal du clan de "La Tour"", précise Karine Renaud.

Pour rappel, une partie du clan de "La Tour" a été jugée l'an dernier. Les deux frères A. surnommés "Bamako", en étaient les chefs. Ils ont écopé de 10 ans de prison. Au total, 27 personnes ont été interpellées du clan de la Tour et 30 personnes du clan Picardie.

De nombreux renseignements anonymes sont parvenus aux enquêteurs.

Karine Renaud, présidente de la cour

10h30 : La demande de renvoi est rejetée. Les procès s'ouvre officiellement. "Le tribunal est saisi de l'ensemble des pièces. Libre aux prévenus de ne pas répondre aux questions concernant les PGP", tranche la présidente.

10h20 : la cour se retire pour décider de la tenue ou non du procès.

Les téléphones cryptés SKY ECC au coeur des débats

10h : L'avocat de l'un des prévenus demande le renvoi du procès, en accord avec les autres avocats de la défense. Il met en doute "la légalité des preuves qui sont au centre des débats". Il pointe du doigt l'utilisation par les enquêteurs des données extraites du réseau Sky ECC, un logiciel crypté utilisé par les trafiquants de drogue du monde entier.

Une décision de la cour de cassation doit être rendue le 28 mars prochain, concernant la légalité des preuves extraites par les enquêteurs des téléphones "PGP". Ces dispositifs sont au coeur de ce procès bisontin puisqu'ils ont été utilisés par le clan "Picardie". C'est notamment grâce à ces échanges que les malfaiteurs présumés ont été identifiés. Ils utilisaient ce réseau réputé inviolable pour organiser leur business. Les avocats de la défense souhaitent donc que cette décision de la cour de cassation intervienne avant le début du procès du clan "Picardie".

La procureure de la République Alexandra Chaumet expose ensuite ses motivations quant à la tenue du procès. Les avocats de la défense maintiennent fermement leur demande de renvoi.

Un deuxième acte judiciaire contre le trafic de drogue à Planoise

9h40 : La présidente Karine Renaud commence par développer les faits reprochés à Elias B. Le Belfortain âgé de 23 ans comparaît depuis le box, tout comme Melk G. La longue liste des faits reprochés à tous les prévenus est énumérée : "trafic de cocaïne, héroïne, cannabis", "participation à la logistique", "acquisition de téléphones cryptés PGP", "localisation de points de vente", "recherche et recours à des armes chargées, dont des armes de guerre"... 

9h12 : Six prévenus entrent dans la salle A avec une escorte policière particulièrement imposante. Ils sont âgés de 21 à 30 ans. L'un d'eux comparaît libre. Les autres sont en détention. Chaque individu est entouré de deux policiers de l'administration pénitentiaire. Dans le box, des forces spéciales cagoulées et lourdement armées sont installées près de deux jeunes individus. Comme attendu, la chaise de Mohamed M., est vide. Il est en fuite.

8h40 : Trois véhicules, sirènes hurlantes, sont arrivés au tribunal de Besançon. Ils transportaient une partie des individus concernés par la session de correctionnelle exceptionnelle qui s'ouvre ce lundi. Le quartier a été en partie bloqué. Des policiers de la pénitentiaire lourdement armés et des policiers en civil ont veillé au bon déroulement des opérations.

Le procès qui s'ouvre ce lundi à Besançon sonne comme un deuxième acte. Le premier a eu lieu en juin dernier. Les membres du clan adversaire, dit "de la tour", avaient écopé de 10 ans de prison, en tout cas pour les frères A., qualifiés de "têtes pensantes" de cette association de malfaiteurs qui sévissait depuis plusieurs années sur le quartier Planoise (relire notre article).

C'est au tour de la bande rivale "Picardie" de venir répondre de ses actes devant le tribunal, pour trafic de drogue, association de malfaiteurs et violences aggravées avec armes. Huit individus doivent être jugés mais un manque à l'appel : Mohamed M., le présumé chef de bande. Visé par un mandat d'arrêt, il a réussi pour l'instant à passer entre les mailles du filet tendu par les enquêteurs. Ces derniers multiplie les actions policières et maintiennent la pression sur les dealers depuis de nombreux mois maintenant. Ce procès est placé sous haute surveillance en raison de la tension persistante entourant les activités des trafiquants ainsi que l'extrême violence de certains de ces individus.

À Planoise, les tirs n'ont pas cessé ou presque depuis le début de l'été 2022. Des armes de guerre sont utilisées parfois en pleine journée pour abattre froidement ou intimider. Plusieurs victimes, dont certaines étrangères au trafic, sont tombées sous les balles, provoquant l'indignation, la peur et la colère des habitants. Ces derniers, pris en otage au coeur d'une violence qui semble sans fin, espèrent que le calme revienne dans le quartier le plus peuplé de la cité comtoise.

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