Ce vendredi 10 novembre 2023 a lieu l'hommage à Charles Piaget, figure emblématique du conflit ouvrier Lip à Besançon, dans les années 70. Revivez la cérémonie publique dans cet article.
► Nos journalistes étaient présents au Grand Kursaal de Besançon, ce vendredi 10 novembre 2023, pour vous faire vivre l'hommage officiel à Charles Piaget en direct. Pour revivre depuis le début cet après-midi particulièrement émouvante, rendez-vous en bas de page.
17h20 : Les prises de parole sont terminées. Les nombreuses personnes présentes sont invitées désormais à exprimer un dernier geste d'adieu au défunt, suivi d'une collation.
17h10 : Place aux prises de parole de personnalités politiques et publiques à présent. Les messages délivrés ce jour, lors des obsèques de Charles Piaget, ont tous une essence commune. On y retrouve souvent les mêmes mots, la même émotion et le même respect dans les paroles : humilité, persévérance, sens du collectif, recherche d'un monde plus juste. "Il me revient de parler de l’engagement écologique de Charles. Nous sommes nombreux ici à nous être inspirés de sa manière d’être et de faire", exprime Dominique Voynet, ancienne ministre de l'Environnement et membre d'Europe Écologie Les Verts.
Elle nous explique après son passage à la tribune qu'elle vient d'une famille de militants CFDT, le syndicat dans lequel militait Charles Piaget. "Il n’y a pas un Noël ou un anniversaire où on n’a pas eu une montre LIP", sourit-elle.
"Bien sûr que nous lui disons adieu, mais sa vie, ce qu’elle nous lègue comme enseignement va nous aider à vivre. Il prétendait parler au nom que ceux qui n’ont que leur bras", témoigne quant à lui Edwy Plenel, co-fondateur du site d'information Médiapart, qui a rencontré pour la dernière fois Charles Piaget en janvier 2022. "Dans l’interview qu’il nous avait accordé à Mediapart il avait dit : je sais que l’espoir est permis".
Il a accompagné mon propre chemin de conscience et d’engagement. Ce sont des vies qui nous apprennent à vivre et c’est pour cette raison que j’avais beaucoup d’émotion.
Edwy Plenel, à France 3 Franche-Comté
Edwy Plenel conclut en citant Victor Hugo qui fait dire à Gavroche dans les Misérables : "Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise".
Olivier Besancenot, leader du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), s'installe ensuite derrière le pupitre : "Sa ténacité, son combat indéfectible. C’est cela que je voulais saluer au nom des camarades du NPA. Le sens de ma présence aujourd’hui, c’est que j’ai rencontré une belle personne. Et on n’en voit pas beaucoup des belles personnes. L’autogestion, l’émancipation, l’internationalisme sont une des meilleures manières de lui rendre hommage", insiste-t-il, soulignant comme nombreux avant lui, l'humilité et la personnalité hors du commun de Charles Piaget.
"Il nous laisse orphelin mais pas sans héritage. Les Lip nous ont rappelé qu’une lutte devait aller de pair avec l’intelligence collective", dit Séverine Vezies, membre de la Coordination nationale de La France Insoumise, avant de remercier "Charles, pour cette vie inspirante". Matthieu Ginnebert membre de la direction nationale du PCF ne tarit pas non plus d'éloges sur l'homme. "La première fois que je l’ai rencontré j’ai été époustouflé. Le plus grand hommage qu’on peut lui rendre est de continuer le combat", dit-il. "Il était un digne héritier des combattants locaux", ajoute Myriam El Yassa, première secrétaire fédérale du Doubs pour le Parti socialiste, avant de laisser la place à Wam Bana, pour le syndicat CGT.
16h25 : Les prises de parole se succèdent et notamment celles d'anciens camarades de lutte de Charles Piaget. Le moment est particulièrement émouvant. Georges Ubbiali, neveu de coeur de Charles Piaget, professeur de sociologie, responsable du collectif Ensemble parlent d'un homme particulièrement humble. Ce mot revient très souvent. Roland Vittot, ancien Lip et membre de la CFDT, syndicat auquel était rattaché Charles Piaget, s’exprime à présent. Il est particulièrement ému, des sanglots dans la voix. "Avec Charles, nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir. Nous voulions savoir, comprendre. Nous refusions le dictat directorial."
► REVOIR notre reportage vidéo : Infatigable militant, pilier du combat des ouvriers de Lip, qui était Charles Piaget ? :
Quel privilège d’avoir lutté avec toi. Adieu Charles, adieu mon frère.
Roland Vittot, camarade de lutte de Charles Piaget
Jacky Burtz, du comité d’action LIP pendant le conflit syndical de 1973 s'installe ensuite au pupitre. "Lip n’a pas abîmé l’image de Besançon comme certains aujourd’hui voudraient le laisser croire", lance-t-il, provoquant les applaudissements de l'assemblée. "J’espère que la ville de Besançon donnera une rue ou une place à Charles. Ce sera une belle rue ou une belle place."
16h10 : Anne Vignot, maire de Besançon, prend la parole à la tribune, installée à droite du cercueil de Charles Piaget. "Charles Piaget incarne Besancon, terre d’utopie et d’innovation. Ses engagements appartiennent à l’histoire sociale française. Piaget est l’homme du collectif. Il a montré l’exemple : On produit, on vend, on se paye. C’est dans la force du collectif que se trouve la suite du chemin, c’est ce qu’il nous a montré." La salle est remplie. Les deux niveaux de balcons sont presque complets. Des photos sont projetées sur un grand écran au-dessus de la tribune. Différentes prises de parole ont lieu. Environ 1000 personnes sont rassemblées.
L'une des filles de Charles Piaget, Françoise, s'exprime face au public. "Charles a été un militant, un résistant infatigable jusqu’à la fin de la vie. C’est un homme singulier au service du pluriel", dit-elle. "Humble, parmi les humbles. Charles était pour moi un révolutionnaire qui par son action tenace et obstiné a agi pacifiquement pour que la loi soit la même pour tous. Il considérait comme une honte publique la surveillance de l’homme par l’homme", exprime ensuite Claude Billot, neveu du syndicaliste.
Dans la salle, de nombreuses chasubles de couleurs jaune et orange sont visibles, avec des slogans inscrits au dos. "Merci Charles" : de nombreuses personnes témoignent en silence en reprenant le slogan des Lip.
"C'était un gars bien"
15h45 : René De Angelis, ancien directeur technique du Cirque Plume a fait le déplacement pour un dernier hommage à Charles Piaget, qu'il appelle "Monsieur". "Monsieur Piaget, c'est un peu aussi mon histoire. Je suis un gamin de palente moi ! Et Quand tu as 14 ans et que tu découvres la lutte sociale avec un bonhomme comme ça. Ça s’oublie pas !"
Jean Louis Fousseret, ancien maire de Besançon, est également présent même s'il n'a jamais milité avec Charles Piaget. Il se souvient qu'en 1998, alors qu'il était maire de Besançon, il avait eu affaire à l'homme, d'une drôle de manière... "Anecdote amusante : quand j’étais maire en 1998, il m’a retenu dans mon bureau pour obtenir un local pour "AC! Agir contre le chômage". Lip ça fait partie de l’histoire du mouvement ouvrier, de l’histoire de Besançon, c'était un gars honnête. C’était un gars bien… ".
Marie Toussaint, tête de liste EELV aux Européennes, se confie également au micro de nos journalistes. Elle a manifesté aux côtés de Charles Piaget. Selon elle, le Bisontin "a refusé de baisser la tête". "Il a montré que quand on mise sur l’humain et l’humanité, on peut tout à fait créer de l’emploi et faire vivre une économie qui soit respectueuse. C’est ce vers quoi on doit se diriger aujourd’hui. Je crois que son combat est clair. Charles Piaget était pour la justice. Cette recherche effrénée du profit, cette façon dont on favorise la machine sur l’homme, on court à sa propre perte et Piaget n’a eu de cesse de lutter contre cela", détaille-t-elle.
15h30 : Les enfants de Charles Piaget sont présents. L'homme, embauché à l'âge de 18 ans dans l'usine horlogère Lip, avait trois filles et trois fils. Son épouse est décédée bien avant lui, en 1982, d'un cancer. "Je suis fier de mon père, de son combat contre les inégalités" exprime Jean-Claude Piaget. Sa fille, Françoise, explique quant à elle : "Mon père a toujours été un modèle". Elle réagit à la forte affluence pour les obsèques de son père. "C’est vraiment beau de voir ça. On est heureux. On est transportés. On n’est pas tristes. Le plus important, c'est que son combat continue."
15h15 : Thierry Le Beaupain, enseignant au CLA à la retraite, signe le livre d’or installé devant la salle noire de monde, dans laquelle est installé le cercueil de Charles Piaget : "Je suis arrivé à Besançon au moment des événements Lip. Je ne le connaissais pas personnellement, mais on s’est beaucoup croisés dans les manifs. Je tenais à être là. C’est un personnage de Besançon".
Gilles Lorimier, 54 ans, est consultant dans le médico-social : "Moi, j’ai connu Piaget par le biais de mes parents qui travaillaient chez Lip à l’époque du conflit. Son combat pour Lip a marqué la famille. Ensuite, je l’ai connu plus personnellement par la suite quand il a créé son association "AC contre le chômage !". On échangeait régulièrement, notamment lors de manifestations. C’était un humaniste. Il était pour l’émancipation des ouvriers. Il avait une vue assez pragmatique, il n’était pas dans l’idéologie. C’était un homme dévoué".
14h50 : la cérémonie civile débute dans le Grand Kursaal. De très nombreuses personnes ont fait le déplacement. Le rez-de-chaussé est plein ainsi que le premier balcon. Edwy Plenel, co-fondateur du site d'information Médiapart, nous répond juste avant d'entrer dans la salle : "Oui, c'était important d’être là et c’était le désir de la famille."
14h : La famille et les proches de Charles Piaget arrivent au Grand Kursaal, situé dans le centre-ville de Besançon. Un rayon de soleil s'installe au-dessus la salle. Le mot "Lip" s'affiche à l'entrée de cette dernière. Des tracts de l'époque ont été collés à côté de la porte principale. L'après-midi débute par les obsèques civiles du militant, à 14h45.
"C'était une personne magnifique"
Cinquante ans après le combat qui l'a rendu célèbre, Charles Piaget est décédé à 95 ans à Besançon. Cette figure du syndicalisme est partie quelques semaines après l'ancien patron de l'usine horlogère Lip, Claude Neuschwander. Depuis son décès, de très nombreux hommages se sont succédé pour rappeler l'immense héritage laissé par Charles Piaget.
"C'était une personne magnifique", nous a confié l'un de ses camarades de lutte chez Lip Jacky Burtz. "Il a fait la démonstration à toute une société que la force du collectif, force émancipatrice, est capable d'ébranler les principes établis et de rendre l'espoir aux victimes des injustices sociales", rappelle la Ville de Besançon. Ce vendredi 10 octobre, ses obsèques ont lieu au Grand Kursaal de Besançon. À 14h45, la famille du défunt se rassemble pour les obsèques civiles.
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À 16h, l'hommage officiel organisé par la Ville de Besançon débute, en présence de plusieurs personnalités locales et nationales. Plusieurs figures politiques ont fait le déplacement jusqu'en Franche-Comté et notamment Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste, Théo Roumier élu national du syndicat sud solidaire, Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale du syndicat CFDT ou encore Edwy Plenel, président et cofondateur du média en ligne Médiapart. Différentes prises de paroles sont prévues.
"Charles Piaget, leader des Lip, figure du mouvement ouvrier, sera enterré ce vendredi à Besançon. Et je suis doublement triste : invité, je ne pourrai pas m’y rendre. Lorsque je l’ai rencontré, pour la première fois, micro en main il y a près de vingt ans, les Lip étaient déjà une légende pour moi, et Charles Piaget un héros", a pour sa part expliqué François Ruffin, député LFI, dans un bel hommage publié 9 novembre.
L'un des mouvements sociaux les plus emblématiques de France
Il y a 50 ans, les employés de la manufacture des montres Lip, usine horlogère installée à Besançon, prenaient les commandes de leur usine en faillite et réquisitionnaient le stock de montres. Charles Piaget devenait alors l'une des figures du mouvement, composé également de nombreuses ouvrières, présentes en majorité dans l'usine.
Les salariés produisaient des pièces et les vendaient sans patron, au cours d'un épisode d'autogestion post-mai 1968 totalement inédit. Le 29 septembre 1973, c'est environ 100 000 personnes, venues de la France entière et même au-delà, qui battaient le pavé dans les rues de la capitale comtoise, en soutien aux ouvrières et ouvriers de l'usine horlogère. Ce mouvement ouvrier, très observé et largement documenté, est encore aujourd'hui cité en exemple dans la grande histoire des mouvements ouvriers.