Un grave accident de la circulation s'est produit lundi 9 janvier à Besançon (Doubs). Une femme est toujours entre la vie et la mort. L'enquête révèle le profil judiciaire "hors norme" de l'homme qui était au volant.
Le conducteur de 68 ans suspecté dans cet accident est sorti de prison en 2012 après 27 ans de détention, notamment pour le meurtre d'un policier, a précisé ce 10 janvier le procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux à l'Agence France Presse.
Le meurtre d'un policier en 1984
Abdelhamid Hakkar est bien connu de la justice. C'est une figure du banditisme. Ce multirécidiviste du braquage s'est illustré en 1981 après une évasion rocambolesque du palais de justice de Besançon.
Il a été condamné à la perpétuité pour le meurtre le 30 août 1984 d'un policier à Auxerre. En Bourgogne, avec un complice, il s'apprêtait à braquer une bijouterie. Le sous-brigadier Claude Schaeffer, avait été tué par balles. Abdelhamid Hakkar avait nié être l'auteur des tirs.
Il avait nié ce meurtre lors de son procès en 1984, puis de nouveau en 2005 lors d'un second procès, avant de bénéficier d'une libération conditionnelle en 2012, après 27 ans de détention, faisant de lui l'un des plus anciens détenus des prisons françaises a recouvré la liberté après avoir purgé sa peine.
À sa sortie de prison en 2012, il avait déclaré : «Après près de trois décennies en prison, les émotions, les images de l'extérieur, les paysages de verdure, tout avait fini par s'estomper dans mon esprit». «Heureusement, ma famille, qui m'a toujours soutenu, va m'aider à me réinsérer. C'est tout ce que je veux». L'ancien détenu avait rejoint sa ville Besançon pour être placé sous bracelet électronique et pris en charge par une association de réinsertion.
Abdelhamid Hakkar placé sous contrôle judiciaire le temps de l'instruction
Abdelhamid Hakkar a été placé sous contrôle judiciaire à l'issue de sa mise en examen pour "blessures involontaires avec ITT (incapacité totale de travail) supérieure à trois mois" sur demande du parquet.
Lundi vers 19 H 00, rue de Dole à Besançon, le conducteur de la voiture a violemment percuté une enseignante de 48 ans. Il a ensuite "fait demi-tour" pour retourner vers la victime, selon le magistrat.
"Les circonstances de l'accident sont encore floues", souligne le procureur qui invite les éventuels témoins de la scène à contacter le commissariat de Besançon. La victime en arrêt cardiorespiratoire avait pu être réanimée par un pompier qui rentrait du travail.
Selon l'AFP, Abdelhamid Hakkar conduisait sans permis de conduire valable puisque celui-ci avait été annulé en 2017 pour un solde de points nul, après plusieurs infractions. Il affirme qu'il l'ignorait, selon le parquet.
Dans un courrier transmis le 16 janvier à France Franche-Comté, Adelhamid Hakkar affirme qu'il était en possession, le jour de cet accident "qui le désole", de tous les justificatifs l'autorisant à conduire. L'instruction est en cours, et l'homme bénéficie de la presomption d'innocence.
Il était devenu un symbole du combat des prisonniers aux longues peines
Après sa première condamnation en 1989, Abdelhamid Hakkar avait formulé des recours jusque devant la Cour européenne des droits de l'Homme, qui lui avait donné gain de cause et reconnu un procès "inéquitable". La France avait ensuite introduit dans sa législation un mécanisme permettant à un condamné d'être rejugé après un arrêt de la CEDH.
Abdelhamid Hakkar a passé douze ans à l’isolement sur 27 années de détention. Il a fréquenté 50 établissements pénitentiaires, fait 4 tentatives d’évasion. Il a également multiplié les grèves de la faim pour protester contre les conditions de détention.
Abdelhamid Hakkar avait poursuivi ses combats juridiques en prison, pour contester ses conditions de détention. En 2006, il avait lancé avec neuf détenus un appel médiatisé au rétablissement de la peine de mort, « L’Appel des perpétuités de Clairvaux » réclament la mort préférable selon eux à de trop longues peines les faisant "crever à petit feu".
En 2008, Abdelhamid Hakkar avait observé une grève de la faim pendant quarante-deux jours pour "dénoncer l'acharnement de la justice française contre lui".