VIDEO. Hôpital public : "Vos vies, votre espérance de vie sont en jeu”, le cri d'alerte de Laurent Thines, neurochirurgien au CHU de Besançon

Le médecin membre du collectif inter-hôpitaux pousse un coup de gueule sur la crise et la situation des hôpitaux publics dans une vidéo publiée samedi 5 novembre sur sa page Facebook.

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Depuis son bureau, il lance un appel aux Français à agir, à se mobiliser face à la situation qui se dégrade selon lui dans les hôpitaux. Laurent Thines est neurochirurgien, et très actif dans la défense du système de santé. Il fait partie des 1200 chefs de services qui ont démissionné en janvier 2020 de leur fonction administrative. Il avait également pointé le danger de l’usage des lanceurs LBD dans les manifestations de gilets jaunes. Le médecin fait partie de ceux qui ont soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle en 2022.

Entretien avec Laurent Thines, neurochirurgien et médecin du collectif interhôpitaux

Ne pas accepter l’agonie du système de santé en France

Dans cette longue vidéo de 15 minutes et un texte que nous avons pu lire, le médecin lance un appel à un sursaut citoyen pour ne pas accepter l’agonie du système de santé en France.

Des patients sont en danger selon ce médecin

Pour le Professeur, l’heure est grave. Des enfants atteints de bronchiolite ont dû être transférés de l’APHP, l’assistance publique des hôpitaux de Paris vers des hôpitaux de province, à des centaines de km de chez eux. “Du jamais vu dans notre pays, depuis l’épidémie de Covid 2019 ! Ceci confirme, si cela était encore nécessaire, l’état de dégradation avancée de notre système de Santé hospitalier qui n’est même plus capable d’absorber une banale épidémie de bronchiolite saisonnière” dit-il.

Au-delà, le médecin cite quelques cas, des malades qui ont fait les frais du manque de moyens alloués à l'hôpital public en Bourgogne-Franche-Comté par exemple.

“Il n’est pas normal qu’un patient porteur d’une énorme hernie discale, et qui s’est vu refuser l’admission aux urgences d’un hôpital de la Région après appel du 112, finisse par arriver sur la table d’opération à 5h du matin après un délai de 42h. Ceci a eu pour conséquence pour lui d’avoir une paralysie des membres inférieurs et de la vessie, des séquelles l’obligeant aux auto-sondages urinaires et à marcher avec deux cannes” dénonce Laurent Thines.

“Il n’est pas normal qu’un homme d’âge moyen qui fait un coma brutal sur son lieu de travail (BTP) par rupture d’anévrisme n’arrive sur la table opératoire pour l’évacuation de l’hémorragie cérébrale et la sécurisation de son anévrisme qu’au bout de 9 h de délai, après un passage par le chaos des urgences, quand on sait que le centre référent est à 1h de voiture” note-t-il. “Ce patient du fait de ce délai de prise en charge a la moitié de son cerveau qui est touché, il ne pourra pas survivre de façon digne”.

“Il n’est pas normal que dans un CHU comme Dijon, une personne âgée décède récemment, de malnutrition, de déshydratation et d’alitement, en attendant une opération bénigne pour fracture du péroné reportée jour après jour aux calendes grecques” ajoute le médecin.

L'hôpital a besoin de fric !

Selon Laurent Thines, la logique financière l’a emporté sur la réalité du terrain.

Il faut du fric pour l'hôpital public, il faut arrêter les conneries, parce qu'il y a des gens qui meurent maintenant.

Professeur Laurent Thines, neurochirurgien CHU de Besançon, membre du collectif inter-hôpitaux

“Monsieur Braun comme ses prédécesseurs (Véran, Buzyn, Bachelot, Tourraine, Bertrand) ne fera que du cosmétique…. L’hôpital n’est pas « en difficulté », il est exsangue en soins palliatifs, vidés de ses soignants par 30 ans de casse et 6 ans d’incurie de ce dernier Gouvernement. Ce ne sont pas des « missions flashs », de « nouvelles assises de la Santé », un nouveau « Ségur » qui changeront les choses si on ne change pas de paradigme, à savoir : la Santé est un des biens les plus précieux, elle ne doit pas avoir comme unique paramètre la rentabilité, elle doit répondre aux besoins de la population et elle doit permettre à ceux qui y travaillent d’être épanouis et rémunérés dignement" s'agace le médecin.

Pour le médecin du CHU de Besançon, les dégradations sont quotidiennes, et les soignants sont à bout : 

On sent l'écoeurement sur le terrain. Ce qui est plus dur pour nous, les soignants, on devient maltraitant, négligeant, on fait courir des risques à nos malades, on voit la mortalité qui arrive”. Le médecin lance un appel aux Français à se mobiliser. “N’attendez pas qu’un de vos proches, qu’un de vos enfants soit condamné parce que l'hôpital n’est plus en mesure de la soigner en France.

Contactés par France 3 Franche-Comté, le CHU de Besançon n'a pas souhaité réagir aux propos du chef de service de neurochirurgie.

400 millions pour les hôpitaux alors que la pédiatrie est en difficulté


Le gouvernement de son côté tente de calmer les choses avec l’annonce de nouvelles dotations. Mercredi 2 novembre, le ministre de la Santé, François Braun, a annoncé de nouvelles mesures "de l'ordre de 400 millions d'euros" pour faire face aux problèmes du secteur hospitalier, et notamment des services pédiatriques. Pour répondre à la "situation préoccupante" dans les hôpitaux liée à une épidémie de bronchiolite "inquiétante", le ministre a aussi annoncé le doublement de la rémunération des heures de nuit pour "l'ensemble des personnels de l'hôpital" jusqu'au 31 mars, afin de "reconnaître l'engagement des professionnels" et "la pénibilité du travail de nuit".

Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) appelle lui à repenser le système de soins


Face à la "crise sans précédent" du système de santé, notamment à l'hôpital public, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) tire lui aussi la sonnette d’alarme et appelle à repenser le système de soins "sur un fondement éthique" qui "placerait la personne au coeur de ses préoccupations", dans un avis publié lundi 7 novembre.


Le CCNE a remis cet avis au ministre de la Santé François Braun, un mois après le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR).

“Du temps humain qui ne fait pas l'objet d'une tarification"


Focalisé sur la situation tendue de l'hôpital public, "symptôme le plus saillant de la crise", et constatant les "faiblesses" révélées par la pandémie de Covid-19, le texte dénonce un décalage entre les pratiques des soignants "perçues comme déshumanisées" et les "valeurs éthiques", qui s'explique notamment par une approche de la santé focalisée sur "le traitement plutôt que sur le soin".


"La parole du malade est insuffisamment prise en compte, tout comme les temps d'échange entre les soignants. Ce n'est pas valorisé parce que c'est du temps humain qui ne fait pas l'objet d'une tarification", explique Régis Aubry, rapporteur de l'avis et médecin chef en soins palliatifs au CHU de Besançon.

Avec AFP

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