Non, la Ville de Besançon dans le Doubs n’a pas demandé à ce que le bronze de Victor Hugo ait un visage "noir". La fonderie de Coubertin chargée de toutes les restaurations de l’œuvre du sculpteur est venue sur place expliquer son travail.
Mettre un point final à la polémique qui déferle depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux et la presse ayant relayé ce Victor Hugo “trop noir”, dans sa ville natale. Ce mardi 22 novembre, une conférence de presse inhabituelle s’est tenue au pied de la statue représentant l’écrivain sur l’esplanade des droits de l’homme. Une statue installée en 2003 à l'occasion de la journée mondiale du refus de la misère.
Dans la matinée, Carlos Alves Fereira, patineur chargé de la restauration des œuvres du sculpteur sénégalais est venu mettre une dernière touche à la statue. Un travail artistique qui a été gommé par la déferlante de la polémique. “A Besançon, cette statue, c’est du bronze. L’oeuvre originale était en toile de jute. Mon but est de se rapprocher au maximum de ce que voulait l’artiste. Donc on ajoute des pigments, on chauffe, on enlève, on remet, ce n’est pas une science exacte… Je suis là pour faire mon travail et être fidèle à l’auteur” détaille au micro de Stéphanie Bourgeot le patineur de la prestigieuse fonderie française spécialisée dans les œuvres d’art.
Le patineur de la Fonderie Coubertin a été profondément affecté par cette polémique, aux relents de racisme, relayée, alimentée par des mouvements d'extrême droite. Au point de songer à poser à jamais ses outils.
Cette statue a été faite en Afrique, par un Africain, avec des terres d’Afrique donc il y a un ADN africain dans Victor Hugo fait par Ousmane Sow. C’est une vision de Victor Hugo faite par Ousmane, c’est une représentation de Victor Hugo, ce n’est pas Victor Hugo. Comme disait Magritte, ceci n’est pas une pipe, ceci n’est pas Victor Hugo, c’est une représentation de l’écrivain.
Carlos Alves Fereira, patineur en charge de la restauration de l'oeuvre
À celles et ceux qui ont crié haut et fort que cette statue au visage "noir" était un scandale, une honte, une volonté des écolos, l’ouvrier chargé de sa restauration rétorque : “Je pense plutôt qu’ils pensent que la statue a été faite par un noir, et ç’est ça pour moi qui pose problème. Ce n’est pas que la sculpture soit noire, il y en a des millions dans le monde” argumente le salarié de la fonderie Coubertin. Ousmane Sow décédé en 2016, n’est plus là pour voir une société se déchirer autour de sa réalisation.
Pour Christophe Bery, directeur de la fonderie Coubertin, la polémique des derniers jours est un non sujet. La mairie n’est, en aucun cas, intervenue dans le choix des couleurs et patines du bronze. La fonderie a pour mission de respecter le travail de l’artiste. “Nous, on a un modèle, et ceux qui s’intéressent à la sculpture, je les invite à aller voir l'original d’Ousmane Sow. On essaie dans cette patine, d’être au plus proche de l’original” précise l’homme.
Le standard de la Ville de Besançon assailli d’appels et d’insultes
Présente sur place, la maire de la Ville de Besançon Anne Vignot a déploré que des propos racistes aient été associés à la politique écologiste menée dans la cité bisontine. Des associations inadmissibles selon l’élue qui se dit fière de l'œuvre réalisée par Ousmane Sow. “Cela m’alerte sur une situation de la société française quand je vois l’emballement qu’il y a eu hier. C’était juste inadmissible. Nous avons dû fermer le standard tellement on a eu des coups de fils et d’insultes. Il y a quelque chose à un moment qui interroge, ce racisme vraiment profond exprimé à travers tout cela, ce rejet de l’écologie comme étant une politique qui serait radicale, et le fait que les gens absorbent de l’information sans jamais prendre le temps de l’analyser, de la comprendre, de voir qu’ils sont manipulés” a réagi la maire de Besançon.
Dans cette affaire, la mairie a d’ailleurs déposé plainte. Dans la nuit du 20 au 21 novembre, le visage de la statue de Victor Hugo a été sommairement recouvert de peinture blanche.
Selon un journaliste de Radio Bip 25, l’acte aurait été revendiqué sur le réseau Télégram par des néonazis actifs régulièrement sur Besançon. Contactée, la police confirme l’existence de cette publication, sans certitude pour l’instant sur leurs auteurs. L’enquête est en cours, nous répond-on.