Vingt ans après le crash d'un Boeing 737 au large de (Égypte) en 2004 qui a fait 148 morts, dont 135 Français, le parquet de Paris a requis un procès pour l'ex-patron de la compagnie égyptienne Flash Airlines.
20 ans à attendre, à se battre, à ne pas pouvoir faire son deuil totalement. Ce mercredi 24 janvier, c’est par plusieurs coups de fil des médias, dont celui de France 3 Franche-Comté, qu’Annie Gaudillière, qui a perdu des proches dans ce crash, apprend la nouvelle. L’agence France Presse vient d’annoncer cette avancée tant attendue par les familles de victimes.
La douleur toujours vive des familles
Annie Gaudillière avait perdu dans ce drame son frère, Philippe Decreux (48 ans), sa belle-soeur Géraldine (38 ans) et leur fille Charline (13 ans). Elle est très émue et à du mal à y croire à l'annonce de ce procès. La Bisontine revient juste d’Égypte, où elle s’est à nouveau rendue sur les lieux du crash, il y a quelques jours.
Si seulement c’était vrai. Si seulement ce procès pouvait arriver. C’est notre but depuis 20 ans. Qu’on sache enfin la vérité, qu’on mette un point final à tout cela, que nos disparus soient reconnus comme victimes.
Annie Gaudillière, famille de victimes du crash en Egypte en 2004
Qui est l'homme qui sera jugé ?
L’ancien patron de la compagnie aérienne Flash Airlines sera jugé donc jugé en France. Le ministère public avait demandé fin décembre, selon une source proche du dossier, un procès pour homicides involontaires à l'encontre de Mohamed Nour. L’homme, âgé de 70 ans, est l'ex-président du conseil d'administration de la compagnie égyptienne à bas coût, liquidée depuis. Il avait été mis en examen fin 2021 après de très longs démêlés judiciaires.
135 Français rentraient de vacances de fin d'année
Le 3 janvier 2004, l'appareil de Flash Airlines s'était abîmé en mer Rouge trois minutes après son décollage de la station balnéaire, tuant ses 135 passagers français et ses 13 membres d'équipage. Cette catastrophe aérienne fut l’une des plus meurtrières impliquant des Français, dont parfois plusieurs membres d'une même famille. En Côte-d’Or, la famille Fouchard avait perdu 11 de siens.
“On ne le sait pas, mais ce crash a fait des dégâts collatéraux dans les familles de victimes, des gens malades qui sont décédés plus vite, des enfants qui sont restés seuls…” ajoute Annie Gaudillière.
Les familles réunies en association ne se résignaient pas à l’absence de procès. Plus d'un demi-millier de parties civiles se sont constituées au sein de la procédure judiciaire, regroupées pour certaines au sein d'une Association de défense des familles de victimes de la catastrophe de Charm el-Cheikh.
2017, une première enquête et un non-lieu
Une enquête judiciaire, ouverte à Bobigny le jour-même du drame, avait fait l'objet d'un premier non-lieu en 2017. La justice avait alors estimé que les charges contre la compagnie égyptienne et l'équipage étaient "insuffisantes", l'enquête ne permettant "pas de retenir d'autre hypothèse que celle des fautes imputables à l'équipe de pilotage", décédée dans l'accident.
2019, un juge parisien reprend les investigations
Saisie par les familles de victimes, la cour d'appel de Paris avait ordonné en 2019 la reprise des investigations par un juge parisien, jugeant "insuffisantes" les tentatives menées au cours de l'instruction pour recueillir les explications de l'ex-président du conseil d'administration de Flash Airlines.
Elle avait alors renvoyé les 37 tomes de cette procédure entre les mains d'un juge du pôle Accidents collectifs du tribunal de Paris, pour qu'il tente de recueillir les explications de ce dirigeant et examine ses éventuelles responsabilités dans la catastrophe.
2021, l’ancien patron de la compagnie aérienne mis en examen
Le patron de la compagnie égyptienne Mohamed Nour, qui pendant longtemps n'avait pas répondu aux convocations de la justice française, a été placé fin septembre 2021 sous le statut intermédiaire de témoin assisté dans cette enquête, avant finalement d'être mis en examen trois mois plus tard pour homicides involontaires.
Vers un procès de Mohamed Nour pour homicides involontaires, suite à de nombreux “manquements”
Dans ses réquisitions, signées le 22 décembre et dont l'AFP a eu connaissance mercredi 24 janvier, le parquet relève que les "nombreux manquements, calculs approximatifs et analyses sommaires" des deux pilotes, morts dans le crash, constituent "la cause directe" du crash. D'après le parquet, le pilote était très expérimenté dans l'aviation militaire, et non civile.
Pour le ministère public, les fautes pénales principales sont aussi "bien évidemment et en premier lieu imputables" à Flash Airlines, qui se voit reprocher un manque de formation de ses pilotes et de mauvaises conditions de travail favorisant leur mauvaise réaction le jour de l'accident.
Mais ni Flash Airlines, liquidée judiciairement, ni les pilotes, morts dans le crash, ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée.
En revanche, le parquet considère que M. Nour, en tant que représentant légal de la compagnie, peut être jugé pour homicides involontaires pour avoir contribué à la survenue du drame, en n'ayant pas veillé à la fatigue de l'équipage ou à la qualité de leur formation.
Avec AFP