"On tue les campagnes". Bercy baisse le budget de La Poste, les agences postales menacées : la colère des maires ruraux

Vendredi 27 septembre, le gouvernement a annoncé son projet de réduire le budget de La Poste de près de 50 millions d'euros. Une nouvelle qui pourrait entraîner la fermeture des bureaux de poste, notamment en campagne. Ce qui provoque la colère des maires ruraux.

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Cette nouvelle, Charles Piquard a encore du mal à l'encaisser. Vendredi 27 septembre, le maire de la petite commune d'Osse, dans le Doubs (356 habitants) et président de l'association des maires du Doubs apprenait que le gouvernement envisageait de réduire drastiquement le budget qui permet à La Poste de financer sa présence sur l'ensemble du territoire.

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Un coup de tonnerre pour le service public. Selon le PDG du groupe La Poste, Philippe Wahl, la décision est déjà prise : sur 174 millions d'euros par an (pouvant aller jusqu'à 177), le fonds qui assure la présence des services postaux en milieu rural ou les quartiers populaires des villes doit fondre de 50 millions d'euros dès cette année.

"C'est incompréhensible"


La nouvelle, annoncée en marge du congrès des maires ruraux à Saint-Julien (Côte-d'Or), a fait l'effet d'une bombe parmi les élus, souvent interpellés par leurs administrés sur la baisse du niveau de services publics dans les campagnes ou les zones périurbaines.

"On est en train de tuer les campagnes" assure Charles Piquard. "C'est une décision qui arrive comme ça, d'un coup, sur le tapis. C'est incompréhensible".

On a poussé pour ouvrir des Maisons France services, souvent dans les postes, en nous disant que redynamiser les campagnes étaient une des priorités. Et maintenant, on veut les fermer.

Charles Piquard,

maire d'Osse et président de l'Association des maires du Doubs

Les bureaux de poste, financés par La Poste, ne sont pas concernés, à l'inverse des agences postales communales (créées justement pour compenser la disparition d'un bureau de poste) et des points relais commerçants.

Dans les campagnes, La Poste créatrice "de lien social"

"Les gens qui prennent ces décisions ne se rendent sans doute pas compte de leur conséquence sur la population" regrette Maxime Kalyntschuk, maire de Montenois (Doubs). "La poste, c'est un lieu créateur de lien social dans nos villages".

"Les habitants ont besoin d'une présence humaine" renchérit auprès de l'AFP Jean-Paul Carteret, maire de Lavoncourt (Haute-Saône). "Dans mon village de 332 habitants, j'ai encore une factrice guichetière, c'est vraiment un symbole auquel les ruraux sont très attachés".

En effet, si l'activité courrier de La Poste ne représentait plus que 16% de ses recettes en 2023, obligeant le groupe à réduire la voilure, sa présence reste néanmoins cruciale pour accompagner les habitants dans leurs démarches administratives, là où les services publics ont déjà été réduits à peau de chagrin.

"Les plus anciens y ont leurs habitudes" reprend Maxime Kalyntschuk, maire de Montenois."Chez moi, notamment au niveau administratif et numérique, l'agent postal est indispensable et permet de mettre un peu d'humain dans toutes les démarches". "Ce sont des services qu'on rend à la population" ajoute Charles Piquard, maire d'Osse. "Beaucoup de personnes âgées ont encore leur compte bancaire à la poste, on se doit d'assurer une présence".

Vers une désertification des campagnes ?

Pour rappel, la loi postale de 2010, née de l'ouverture à la concurrence du secteur, oblige La Poste à maintenir au moins 17.000 "points de contacts" (bureaux de poste, agences communales et intercommunales, relais postaux commerçants, France Services, etc.) en vertu de sa mission de service public d'aménagement du territoire. 

L'objectif étant de permettre à au moins 90% des habitants d'accéder aux services postaux essentiels (courriers, recommandés, petits retraits ou dépôts d'argent) à moins de cinq kilomètres et vingt minutes en voiture de leur domicile.

"Est-ce qu'avec les possibles fermetures ou les réductions de personnels, on arrivera encore à répondre aux besoins de notre population ?" s'interroge Charles Piquard. "On a déjà vu le départ des commerces, des écoles, des médecins, des banques. C'est un nouveau coup dur".

"On va se défendre"

Peut-être fatal. Si la coupe se confirme pour 2024, les élus redoutent une amputation à l'identique en 2025. Ce qui, de l'avis même du PDG de La Poste, pourrait conduire à une interruption de service. Pour les maires, ce serait un nouveau pas vers une "désertification des campagnes" entamée il y a plusieurs années.

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"Avec France Services, on avait connu un petit renouveau" conclut Charles Piquard. "Là, on ferait un gros pas en arrière. Mais je veux croire qu'il est possible de négocier, de revenir sur cette décision. On va se défendre. Ce n'est pas aux campagnes de payer la mauvaise gestion financière de l'État".

Dans le même sens, Murielle Fabre, secrétaire générale de l'Association des maires de France (AMF), a annoncé sur l'antenne de France Info vouloir "renégocier avec Bercy" pour remettre en cause cette coupe budgétaire.

Avec Hélène Duvigneau (AFP)

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