Procès Zepeda à Besançon : l'avocat général requiert une peine de réclusion à perpétuité, le détail des plaidoiries en ce 10e jour

Ce lundi marquait la 10e journée du procès de Nicolas Zepeda à Besançon, accusé d'avoir assassiné Narumi Kurosaki son ex-petite amie en décembre 2016. L'avocat général a requis une peine de réclusion à perpétuité. Détails.

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► Suivez la dernière journée de ce procès et découvrez le verdict de la cour d'assises dans cet article

Me Sylvie Galley, avocate de la mère et la soeur de Narumi Kurosaki a débuté en premier sa plaidoirie à 10h05, face à la cour et plus particulièrement du jury populaire, composé de 3 femmes et 3 hommes. C'est ce même jury populaire, composé au début du procès grâce à un tirage au sort dans la population française, que les avocats des différentes parties, ainsi que l'avocat général ont pour mission de convaincre, afin qu'une peine juste soit ensuite prononcée.

L'avocate bisontine a cité pour commencer une phrase, attribuée à une "femme de lettre écrivaine féministe" : "Dans un procès, il faut faire un choix entre les larmes. On ne peut pas pleurer à la fois pour l'assassin et les parties civiles." Rappelant la douleur intense de la mère de Narumi Kurosaki qui s'est exprimée "dans la dignité, la retenue, la pudeur", elle a demandé au jury :  "Vous devez considérer que dans la logique des larmes, ce sont les larmes pudiques des parties civiles qu'il vous faut privilégier."

Un décompte "morbide mais réel"

"Je suis condamnée à plaider pour la pire des absences, pour la mort d'une jeune femme, que je n'aurai malheureusement jamais connue, dont vous n'aurez jamais de témoignage" a dit Me Galley, à la barre, avant d'entamer un décompte  "morbide mais malheureusement réel", celui des dernières semaines, des derniers jours, puis des dernières heures de Narumi Kurosaki, une jeune femme "solaire".

Elle a parlé ensuite des écrits de Narumi Kurosaki, et de ce couple qu'elle formait avec l'accusé, avant de souhaiter reprendre sa liberté, celle que le Chilien lui volait au fur et à mesure de ses délires de possessivité. 

L'accusé fixait alors l'avocate de la famille Kurosaki, attentif, comme chaque jour depuis le début du procès. "Narumi avec son besoin de liberté va poser des actes d'indépendance qui vont être aux yeux de Nicolas Zepeda totalement intolérables : la volonté d'aller étudier en France en s'affranchissant de l'accord de Nicolas Zepeda" a énuméré Me Galley parlant de la jalousie obsessionnelle de l'accusé qui lui imposait "des conditions improbables, humiliantes, des conditions qui sont la négation de l'autre."

Depuis le 19 avril 2016, il sait toute sa vie, il la surveille en permanence. La réaction de protection naturelle est alors de lui cacher des choses. Cacher certaines choses non pas pour être infidèle, juste pour vivre !

Plaidoirie de Me Galley

"Narumi résiste, dans cette émancipation qui est la sienne, elle émet des réserves, elle contredit Nicolas Zepeda, et les conditions vont se durcir" a poursuivi l'avocate. Le 5 septembre Narumi Kurosaki reproche à N. Zepeda de gâcher ses études et dit même vouloir appeler la police en raison du harcèlement qu'elle subit. "Le 8 septembre, il va joindre une vidéo glaçante. Le genre de vidéo qu'une jeune femme à dû être bouleversée de recevoir. Sans surexpression de cette colère froide. - Narumi je te donne un ultimatum -" a-t-elle rappelé, avant d'aborder une rupture inévitable, tant la pression mise par l'accusé sur les épaules de la Japonaise était devenue importante. 

"Pour une personne d'une jalousie pathologique, c'est intolérable"

"Pour la première fois Narumi se libère de l'emprise. Pour un esprit manipulateur, pour une personne d'une jalousie pathologique, c'est intolérable. C'est quelque chose qu'il ne peut pas tolérer et de plus elle lui interdit de venir en France"

"Le 30 novembre 2016, Narumi n'a plus que quatre jours à vivre. Nicolas Zepeda qui a fait ce voyage de 12 000 km, va se garer sur un parking situé juste en face de la résidence de Narumi. - Parce qu'il était sécure - nous a-t-il dit, au début. Mais personne ne pouvait y croire. Depuis le 12 juillet il connaît très précisément son adresse, a insisté Me Galley.  C'est Nicolas Zepeda qui est sous ses fenêtres". Le 4 décembre, Narumi Kurosaki vivra sa dernière journée de femme libre, vivante.  "Il va lui servir un discours qui certainement va la rassurer et la convaincre de partir avec lui au cours de cette soirée funeste" a imaginé l'avocate Me Galley.

Son récit est monté progressivement en intensité notamment au moment où elle a abordé "les fameux cris" entendus dans la cité universitaire, ceux de Narumi Kurosaki dans ses derniers instants.  "Cela a donné une dimension à la mort de sa fille qu'elle n'avait pas imaginée" a dit Me Galley en parlant de la mère de Narumi Kurosaki. La maman de Narumi Kurosaki a sorti le portrait de sa fille et lui caressait alors la joue avec insistance. La souffrance de cette mère a été une fois de plus transperçante.

Est-ce qu'elle a mis du temps à mourir ? Oui, à en juger par les cris certainement. Est-ce qu'elle a souffert ? Certainement aussi malheureusement. Lorsque l'on entend un râle, on sait qu'on est en train d'avoir à faire à une personne qui est en train de mourir. La voix de l'étouffement a été privilégiée. 

Plaidoirie de Me Galley

"La liste tristement funeste des féminicides"

L'avocate bisontine a prononcé ensuite un mot jamais entendu lors de ce procès : féminicide.  "À ce moment-là, nous aurions pu être dans un dossier de féminicide, où l'on tue non pas par amour, mais par jalousie, par détestation de l'autre, par un sentiment de supériorité, la mort de Narumi aurait pu à ce moment précis allonger la liste tristement funeste des féminicides. Nicolas va rester 29h dans la chambre de Narumi, avec son cadavre. Il y a un meurtrier d'une part, et de l'autre part quelqu'un qui revêt une dimension terrifiante". L'accusé fixait toujours l'avocate bisontine, sans bouger. Cette dernière a poursuivi : "Reprendre le contrôle de quelqu'un, c'est prendre sa vie. Elle n'est pas une suicidée, elle n'est pas une disparue volontaire. Elle est encore moins une évaporée, telle qu'il a voulu nous servir cette théorie". 

"Et ensuite, on va nous dire que la disparition de son corps est un mystère. Et qu'à la faveur de ce mystère il faudrait acquitter Nicolas Zepeda" a prononcé Me Galley avant de dire : "Si on avait ouvert cette porte, on aurait vu Nicolas Zepeda avec le corps de Narumi Kurosaki", dont il a touché à la sacralité en maltraitant son corps sans vie. "En se débarrassant du corps, Nicolas Zepeda a condamné l'âme de Narumi Kurosaki à errer dans l’obscurité, selon les croyances japonaises. Au Japon, il aurait été exécuté par pendaison" selon l'avocate Me Galley, qui a plaidé plus d'une heure à la barre, avant d'en terminer avec un beau message, particulièrement touchant, inspiré par la jeune soeur de la victime Kurumi Kurosaki présente depuis le début du procès sur le banc des parties civiles.

"Je veux croire que quelque chose s'est produit, peut-être que le souffle de l'esprit de Narumi Kurosaki a baigné cette audience, lorsque des dizaines de petits origamis ont commencé à fleurir, donnés par Kurumi Kurosaki (ndlr, la soeur de la victime), à toutes celles et ceux qui lui ont tendu la main. Ces origamis, ces petites grues en papier, sont très utilisées dans les rites funéraires au Japon. Une croyance veut que quiconque plie 1000 grues peut voir son rêve exaucé. Malheureusement Kurumi n'a pas pu aller jusqu'au bout, mais elle continuera à plier ses petites grues. Elle se souviendra que l'amour d'un père est plus haut que la montagne, et l'amour d'une mère plus profond que l'océan."

"La vérité est évidente"

Me Randall Schwerdorffer a pris place ensuite face à la cour. L'avocat d'Arthur Del Piccolo, qui a plaidé environ 45 minutes, a tenu à rappeler en quoi consistent les plaidoiries : " Les plaidoiries ne sont pas des exercices de style, ce sont des analyses qui résument en quelque sorte les travaux que nous avons eu pendant 10 jours".

"Depuis le début de ce procès je ressens un malaise après chaque audience. Au-delà de la manipulation qui exerçait sur Nicolas Zepeda, il organise et gère l'audience à sa façon pour se poser en victime. Je la ressens moi-même cette manipulation, a confié l'avocat bisontin à la barre. Si on s'émancipe de la manipulation de Nicolas Zepeda, et dans ce climat toxique dans lequel il nous plonge depuis 11 jours, la vérité est évidente".

"Ce n'est pas normal d'acheter, en arrivant à Dijon, 5 litres de combustible. Trois boîtes d'allumettes pour mettre dans la cuisine en souvenirs... On sait très bien que ce n'est pas la réalité. On n'est pas aveugles" a-t-il martelé, tout en prononçant plusieurs fois le terme de "crime de sang froid". 

Durant ce procès, il a pris le soin de ne jamais hausser la voix, se tenant le plus loin possible du crime horrible qu'il a commis. Mais on a des témoins. 

Plaidoirie de Me Schwerdorffer

"Intoxication et manipulation des jurés"

"Il n'a aucun état d'âme à utiliser la manipulation pour tout faire pour s'en sortir. Peu importe les mensonges, peu importe qu'il change constamment ses versions. Pourquoi tous ses mensonges ?" a interrogé Me Randall Schwerdoffer, avocat d'Arthur Del Piccolo, dernier petit ami de la victime. "Pour dissimuler la réalité ! La cour d'assises doit dire stop, elle est capable de séparer le vrai du faux." 

Il s'est ensuite adressé à l'accusé directement, en rappelant l'esprit malade de Nicolas Zepeda, qui a usé "d'intoxication et de manipulation des jurés". "C'est abyssal, l'impunité. Ce que vient vous demander Nicolas Zepeda, c'est l'impunité !"

"Je vous demanderai de ne pas baigner dans cette manipulation. Nicolas Zepeda n'est innocent de rien, vous avez tous les éléments qu'il faut. Des affaires sans corps, nous en avons d'autres", citant l'affaire Maëlys, dont on n'avait pas retrouvé le corps avant que l'accusé n'indique aux enquêteurs où se trouvaient les ossements de l'enfant. 

"La main de Nicolas Zepeda n'a pas tremblé durant ce procès, à aucun moment. Je demanderai aussi à la cour d'assises de ne pas trembler quand elle rendra sa décision" a conclu l'avocat bisontin. 

"Presque miraculeux que Nicolas Zepeda" soit présent 

L’avocat général Etienne Manteaux, représentant les intérêts de la société, a débuté son réquisitoire à 14h03. "Cette procédure est exceptionnelle. C'est avec une certain émotion que je prends la parole. Je tiens à saluer le travail extraordinaire réalisé par les 6 interprètes" a-t-il entamé, en rappelant dans les grandes lignes l’enquête menée sur plusieurs continents, ayant permis de faire extrader le Chilien Nicolas Zepeda, ainsi que l’organisation du procès aux assises. "Il est presque miraculeux que Nicolas Zepeda ait pu être présent dans ce box pour son procès" a expliqué l’avocat général, tout en décrivant le contexte juridique de cette affaire hors du commun.  

"Depuis ma prise de fonction , il ne s’est pas passé une semaine sans que je ne travaille sur ce dossier" a poursuivi l’avocat général, en remerciant les différents protagonistes ayant permis de mettre en place un tel événement judiciaire. "Pas moins de 40 personnes" ont été entendues durant 9 jours.

Jours après jours, de nouveaux éléments à charge contre Nicolas Zepeda ont été apportés à votre connaissance. Plus les enquêteurs ont investigué, plus ils ont trouvé des éléments à charge contre lui. Tout, je le redis, tout ramène à l’implication de Zepeda Nicolas dans la mort de Narumi Kurosaki, et exclusivement à lui.

Réquisitoire d'Etienne Manteaux, avocat général

Le procureur de Besançon a également largement salué le travail de la police française et la qualité de l’enquête menée, répondant point par point, par avance, aux critiques formulées par la défense. Il évacue ensuite les différentes thèses exploitées par Me Laffont et Me Benedetti durant les 9 premiers jours du procès. "Personne ne peut douter de l’amour de la vie qui animait Narumi Kurosaki et également de l’amour pour sa famille". La salle d’audience est alors pleine, comme depuis plusieurs jours.  

Je vais vous démontrer la pleine et entière culpabilité de Nicolas Zepeda

"Je vais vous démontrer la pleine et entière culpabilité de Nicolas Zepeda. Des cours d’assises ont eu, de loin en loin, à juger de telles procédures" rappelant que quatre procès de crimes sans cadavre, niés par l’accusé, ont eu lieu en France depuis 2010. "La seule chose que vous devrez prendre en compte c’est la densité des preuves réunies" a dit Etienne Manteaux. "Sans la certitude que Narumi est morte, Nicolas Zepeda doit être acquitté. Dans cette procédure vous disposez de preuves suffisantes pour définir que Narumi Kurosaki est morte". Il a ensuite énoncé les 12 éléments permettant de le prouver "de façon implacable".  


11 étudiants ont entendu les "cris de terreur, d’épouvante" d’une femme, comme ils l’ont rappelé devant la cour. "Ces cris sont ceux de Narumi Kurosaki" a poursuivi Etienne Manteaux, illustrant une fois de plus son affirmation, en rappelant les éléments du dossier en détails. "Ils étaient incapables d’imaginer qu’un autre étudiant était en train de se faire assassiner. Narumi Kurosaki est morte à l’issue des violences. Si elle n’avait pas succombé, elle aurait appelé à l’aide" a détaillé ensuite Etienne Manteaux, haussant parfois le ton.  

Narumi Kurosaki a été tuée dans sa chambre, le 5 décembre entre 3h15 et 3h21. Ces 10 témoignages d’étudiants le démontrent avec certitude. Comment est-elle morte ? C’est difficile d’être absolument formel sur ce point. Seule une autopsie aurait pu le dire. Mais nous disposons d’éléments, notamment le râle. 

Réquisitoire d'Etienne Manteaux, avocat général

"Il était prêt à la tuer"

"Ces questions sur la mort par asphyxie, posées à son cousin Juan Felipe, sont autant d’éléments. Est-ce qu’il l’a étranglée avec ses mains ? Avec le polochon ? Ce que je sais c’est que Nicolas Zepeda l’a étouffée, elle s’est débattue" a poursuivi après près d’une heure de démonstration Etienne Manteaux. "Nicolas Zepeda entend imposer à Narumi Kurosaki sa vision de la femme, qui doit toujours être gentille et agréable avec son petit ami. Il se sent légitime de modeler Narumi Kurosaki" citant le terme "modeler", employé par l’experte psychologue entendue vendredi. "Il avait repéré le lieu où elle vivait. Il l’a admis après l’avoir nié. C’est d’ailleurs la seule modification dans son discours" a continué Étienne Manteaux, avant d'en arriver aux détails selon la dernière nuit de la victime :  "Il était prêt à la tuer. C'était sa deuxième option (ndlr, après celle de la reconquérir). Il est rempli d'une telle suffisance Nicolas Zepeda. Il se pensait intouchable une fois au Chili."

Selon Etienne Manteaux, avocat général, la préméditation est incontestable à la lumière de trois éléments et notamment : les achats de 5L de combustible, produit nettoyant et allumettes par Nicolas Zepeda ; le temps de repérage effectué par l'accusé, de nuit, au sud de Dole ; ainsi que la surveillance constante de la victime en amont. "L'hypothèse la plus probable est celle de l'immersion dans le Doubs, en aval du barrage de Crissey" du corps de Narumi Kurosaki, selon Etienne Manteaux qui s'exprime alors depuis près de 2h. 

Je tiens à m'incliner devant vous madame Kurosaki. Je forme le voeu profond que vous arriviez à puiser dans le souvenir de son sourire, la force de vivre à nouveau pour vos deux autres filles qui ont tant besoin d'une mère debout.

Réquisitoire d'Etienne Manteaux, avocat général

"Vous devrez prononcer une peine protégeant la société de cet individu" a-t-il demandé aux jurés, tout en rappelant qu'il risquerait la peine de mort par pendaison au Japon. "Vous devrez vous montrer particulièrement sévères pour lui signifier l'horreur de son homicide prémédité sur son ex-petite amie". "Il effectuera au minimum 18 ans de prison s'il est condamné à perpétuité" a tenu a rappelé Etienne Manteaux, avant de requérir que Nicolas Zepeda soit déclaré coupable de l'assassinat de Narumi Kurosaki et qu'il soit condamné à une peine de réclusion à perpétuité, et banni à vie du territoire français une fois sa peine effectuée. 

L'audience a repris avec Me Jacqueline Laffont, pour la défense. "Le moment où j’me lève pour défendre Nicolas Zepeda, les témoignages de la mère et la soeur de la victime résonnent encore en moi. Ils ne me quitteront pas pendant cette plaidoirie" a débuté l’avocate parisienne, parlant même d’une "défense d’une difficulté inouïe" qu’elle est condamnée d’exercer "sur une ligne de crête vertigineuse". "Une tâche qui a pu parfois me paraître insurmontable" a-t-elle admis.

Être avocate c’est parler à la place de celui qui, comme Nicolas, au lieu de se défendre, s’englue. Même quand on défend un homme que tout accable et qui s’accable. 

Plaidoirie de Me Laffont, avocat de Nicolas Zepeda

"Parce qu’il m’arrive encore moi-même d’être assaillie par le doute quelques instants, par le vertige. Tout serait tellement plus simple si nous avions une certitude totale. Je suis celle qui devant vous tous, depuis de longues années, depuis que Nicolas est arrivé en France, n’a eu de cesse de lui rappeler les charges. Je suis allée loin dans l’exercice de cette liberté comme lorsqu’à l’audience, il m’est devenu évident, nécessaire qu’il m’appartenait à mon tour de demander à Nicolas Zepeda s’il avait commis l’irréparable. Je n’oublie pas le regard perdu qu’il m’a lancé. Je n’oublie pas non plus ce moment puissant ou ses digues ont lâché" a poursuivi Me Laffont.

"C’est son état d’être, et il n’y peut rien" 

"Ce que je vais vous dire, c’est ma liberté, c’est ce que j’ai au fond de moi. Ma mission c’est de défendre Nicolas Zepeda, ce n’est pas, surement plus, de soutenir que Narumi n’est malheureusement pas morte. Ce cri d’innocence de Nicolas Zepeda me plonge dans la même perplexité. J’aimerais simplement essayer de les entendre, et de les comprendre". L’avocate parisienne a ensuite dressé le portrait de Nicolas Zepeda, dépeint notamment comme l’enfant modèle par ses parents. 

Jacqueline Laffont a abordé le témoignage de la psychologue, survenu vendredi et s’est appuyée sur ses conclusions. "C’est la seule qui est parvenue à lui faire dire des choses qu’il n’avait jamais dites". Me Laffont a rappelé le terme de "probable déficit d’empathie", faisant valoir le fait que l’accusé ne choisit pas cet état, employant même le mot "handicap". "Si c’était un manipulateur, ce serait un bien piètre manipulateur. Il ne trompe jamais personne. Rien dans son discours n’est utilitaire, parce que rien n’est utile. C’est son état d’être, et il n’y peut rien" a martelé l’avocate de l’accusé Nicolas Zepeda, revenant sur plusieurs détails pour prouver le fait que les mensonges de l’accusé ne sont pas utilitaires puisqu’il ment de manière insensée et déroutante. "Ce blocage, si c’est un blocage je crois qu’il s’impose à lui" a-t-elle dit en parlant du fait que Nicolas Zepeda soit incapable de reconnaître qu’il a tué Narumi Kurosaki. "Soit parce qu’il n’a pas tué Narumi Kurosaki, soit parce qu’il lui parait inconcevable de l’avoir fait." 

"Pourquoi est-ce que vous ne pourrez pas condamner Nicolas Zepeda à la perpétuité ?" a-t-elle lancé aux jurés. "Parce que c’est considérer qu’il restera un individu dangereux et à bannir. Le condamner à perpétuité ce serait oublier qu’il était un jeune homme de 25 ans à l’époque des faits, sans le moindre antécédent judiciaire. Vous êtes en train de juger un homme atteint d’un déficit émotionnel, qui doit vivre avec cet état qu’il n’a pas choisi et dont il n’est pas responsable". Elle s’appuie ensuite sur le témoignage de la psychologue, ayant relevé l’absence de facteurs de récidive pour Nicolas Zepeda. "A elle seule, elle interdit de le condamner à une peine de perpétuité."

"Je ne crois pas à l’existence d’une préméditation"

Elle a également critiqué le fait que l'accusation utilise la notion de peine de mort. "Je ne comprends pas que même monsieur l’avocat général ait fait référence à la peine capitale. Elle existe au Japon, on peut le déplorer. Nous devons avoir cette fierté là que depuis des dizaines années cette peine capitale n’existe plus en France". 

"Je ne crois pas à l’existence d’une préméditation" a-t-elle ensuite expliqué parlant d’un voyage déraisonnable, mais en rien inquiétant, "à espérer de manière un peu honteuse qu’on reverra celle qu’on aime". Concernant les achats, l’avocate parisienne a parlé d’éléments utilisés par l’accusation "en rien reliés aux faits qui nous sont soumis aujourd’hui. Nous n’avons pas la moindre raison de penser qu’ils puissent être utilisés dans la mort de Narumi Kurosaki." 

Elle a également expliqué que Nicolas Zepeda avait laissé "des petits cailloux" partout à Besançon. Elle contredit ensuite frontalement le réquisitoire de l'avocat général concernant la préméditation, "vous dites tout bascule, c'est l'inverse de la préméditation ! Même l'accusation n'y croit pas à cette préméditation". "Vous répondrez non à cette question là, de la préméditation" réclame-t-elle à la cour, avant de laisser la parole à Me Julie Benedetti.  

"Il reste et il demeure des interrogations"

La jeune avocate, qui a l'âge des petites soeurs de l'accusé, comme elle l'a signalé elle-même, a débuté son propos sur la même ligne que Me Laffont. "Chaque jour de cette audience, Nicolas Zepeda nous a montré qu'il ne savait pas se défendre" a expliqué Me Benedetti. "Nous ne sommes pas ici pour ignorer les charges qui pèsent sur Nicolas Zepeda. Mais il reste et il demeure des interrogations" a expliqué Me Benedetti, avant de détailler à nouveau les éléments du dossier et notamment les cris entendus dans la résidence de Narumi Kurosaki. 

"Ces cris ce n'est pas démontré qu'ils proviennent de la chambre 106" a dit l'avocate, en poursuivant sa démonstration avec une éloquence certaine.

Les plaidoiries de la défense sont fournies mais évidemment périlleuses, tant les éléments ainsi que son attitude accablent l'accusé. Le moindre détail est surexploité par les avocates parisiennes afin de faire valoir le doute qui pourrait profiter à l'accusé dans ce dossier.

"On a interrogé à l'audience sur l'absence de son cousin Juan Felipe à Nicolas Zepeda. Presque comme si c'était lui qui était à l'origine de l'absence. La partie qui pâtit le plus de son absence c'est la défense, a-t-elle dit. Ces questions qu'il a posées à son cousin n'ont pas de sens. Comment et pourquoi demander à un cousin comment quelqu'un meurt, trois jours seulement après avoir tué ?" a-t-elle interrogé.

"Une panique complète"

"Toutes ces charges qui ne sont que des erreurs grossières de Nicolas Zepeda montrent qu'il n'a rien prémédité. C'est celui d'une panique complète, d'une fuite en avant" a-t-elle conclu, s'appuyant une dernière fois sur "ces interrogations qui demeurent". 

Me Jacqueline Laffont a ensuite repris la parole pour parler "d'une zone inconnue", celle de l'absence de corps de Narumi Kurosaki. Elle a délivré les hypothèses de la défense, évidemment en contradiction avec celles exposées plus tôt dans la journée. "Il n'a pas été relevé d'ADN de Narumi Kurosaki dans la voiture" a rappelé l'avocate parisienne.

"Si aucun corps n'a été retrouvé dans la zone parcourue par Nicolas Zepeda, c'est peut-être qu'il ne se trouve aucun corps dans la zone parcourue par Nicolas Zepeda" a expliqué Jacqueline Laffont, en convoquant "l'ultime parcelle de doute qui existe", avant d'en terminer : "Cette résistance de Nicolas Zepeda m'interroge. Elle ne le sauve pas, elle l'accable. Pour la première fois, il me fait de la peine. Il ne mérite en aucun cas la peine requise. Sa solitude est terrifiante. S'il est coupable, il ne l'a dit à personne. S'il est innocent, tout l'accuse, et il est le seul à le savoir. Et si par hasard il était innocent ?" 

Le président Matthieu Husson a suspendu l'audience après ces mots. 

Ce mardi 12 avril, à 9h, l'accusé pourra prendre une dernière fois la parole avant que le jury ne délibère, puis que le verdict soit annoncé par monsieur le président Matthieu Husson.

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