L'association le Refuge dispose de nombreuses antennes dans toute la France. Elle accueille, conseille et héberge des jeunes, homosexuels ou transgenres de 18 à 25 ans, rejetés par leur famille. Visite dans les locaux de l'association de Besançon, créée en 2014.
La devanture du local est peinte en bleu. La couleur de l'association "le Refuge". Celle de l'apaisement aussi. Les jeunes homosexuels ou transgenres trouvent ici un havre de paix, une oreille attentive et un hébergement
Ils ont été rejetés par leur famille. Mis à la porte ou partis d'eux-mêmes, contraints et forcés. A cause de leur orientation sexuelle. Un réel traumatisme.
Frédérick a 18 ans. Il a quitté le foyer familial parce que sa vie devenait un enfer. Il raconte. Derrière son apparence détendue, on sent l'émotion, la douleur encore vive :
On n’avait plus une seule discussion calme, on ne pouvait plus passer un moment ensemble, c’était toujours un conflit, la voix grave, violente, des mots… J'ai préféré partir
Son départ du foyer familial, Frédérick l'a préparé en quelques jours seulement. Il a pris sa décision après une rencontre avec les bénévoles du Refuge de Besançon. Sur les conseils de sa grand-mère :
C’est ma mamie qui m’a parlé du Refuge, elle savait qu’il y avait énormément de conflits à la maison, que ça se passait très, très mal. Elle m'a conseillé d'y aller... Elle est très ouverte d'esprit, et je suis son petit-enfant quand même !
Le soir où nous leur rendons visite, les bénévoles du Refuge sont en pleine discussion avec une retraitée. Elle a frappé à la porte pour proposer son aide.
Le bénévolat est le moteur de cette association. Au Refuge de Besançon, ils sont une vingtaine à intervenir aux côtés des jeunes rejetés par leurs familles. Nicolas Louisot est le délégué départemental du Doubs :
Le rejet des jeunes par leurs parents, c’est quelque chose qui me révulse, je ne comprends pas ! Il y a diverses difficultés qu’on peut surmonter grâce à une famille, ces jeunes sont privés de ce soutien.
Pour Nicolas, les mentalités ont évolué. Mais, selon lui, les extrêmes se sont aussi cristallisés. L'intolérance ne se cache plus. Peu importe la souffrance qu'ils provoquent, les homophobes se permettent des propos toujours plus violents :
Le débat et les manifestations contre le mariage pour tous ont ouvert la porte à cet élan de haine. Internet joue aussi un rôle, derrière son écran, on déverse un flot de haine
Un nouveau départ dans la vie, c'est l'objectif du Refuge. Grâce à l'écoute, au soutien moral et psychologique. Parfois à l'hébergement. A Besançon, l'association dispose d'un logement pour ces jeunes qui se retrouvent à la rue. Elle recherche aujourd'hui d'autres bénévoles pour développer ses activités, en particulier des loisirs pour les jeunes en souffrance :
Ces jeunes peuvent être heureux et épanouis dans leur vie, d’autres y arrivent, il n’y a pas de raison qu’ils ne se donnent pas les moyens d’y arriver, qu’ils n’aient pas les soutiens pour y arriver
Au Refuge, Frédérick a trouvé la force nécessaire pour entamer ses études, malgré la souffrance de la rupture familiale. Il voudrait devenir développeur web et concepteur de jeux vidéo. Il est étudiant en BTS et vise un master :
Mener tranquillement ses études, ce n’est pas possible, il y a un moment où la vie privée prend trop de dessus sur la vie scolaire. On n’arrive pas à retenir ses larmes, mais j’ai réussi à tenir la barre avec mes notes. Honnêtement je ne sais pas comment j’ai pu tenir !
Un endroit sans danger
Gilles Rolland a rejoint l'équipe des bénévoles du Refuge il y a un an. Il est psychologue et propose des consultations. Son engagement dans l'association tient de l'évidence : il se doit d'être à l'écoute de toutes les souffrances. Or, la rupture du lien familial est particulièrement douloureuse pour des jeunes :
Quand il y a déchirure d’un amour familial, parental, fraternel, c’est une forme de violence importante ! Ces jeunes ont besoin d'être accueillis de façon digne, sans jugement, comme des êtres humains, de se sentir dans un endroit sans danger.
Le psychologue voudrait aussi se mettre à l'écoute des parents qui rejettent leur enfant. Selon lui, les familles peuvent aussi souffrir de cette séparation brutale, même si elles en sont responsables :
Les schémas familiaux sont très puissants. ll y a des normes éducatives qui pèsent, quand l’enfant ne cadre pas avec ces normes, les parents sont perdus. C'est aussi une forme de déception, et davantage d’une ignorance à savoir comment gérer l’émotion qu’ils ressentent
L'éloignement pour mieux se retrouver ?
Six mois seulement après la rupture avec ses parents, que de chemin parcouru par Frédérick ! Il espérait que l'éloignement allait permettre de reconstruire un lien avec ses parents. Les premiers pas sont encourageants :
Pendant les fêtes de Noël, j’y suis retourné, ça s’est plutôt bien passé. Je pense que ça leur a fait bizarre que je sois une personne différente. Je ne vis plus chez eux. Maintenant, c’est mes règles, mes habitudes, mon quotidien à moi, plus le leur. C’est compliqué pour eux de l’entendre
Une maturité et une lucidité rares quand on a 18 ans... et qui manque sans doute à de nombreux adultes bien plus âgés.
L'association "le Refuge" est née il y a 15 ans à Montpellier. L'antenne bisontine a été créée en 2014. Le local est ouvert le mercredi de 18h à 20h et le samedi de 14h à 16h. Sur rendez vous en dehors de ces créneaux.
Les contacts sont disponibles sur la page facebook de l'association.
Dans 72 pays, un rapport homosexuel est considéré comme un crime
Terrible constat que celui de Nicolas Louisot, responsable départemental du Refuge de Besançon :On est amenés à héberger des jeunes qui fuient leur pays parce qu’ils sont en danger, avec des menaces de mort, avec des tortures qu’ils ont subis dans leur pays. Je dirais que quand on aura fini le travail en France, ce qui est déjà un objrectif à long terme, il y aura encore du monde à aider à une autre échelle !
Les chiffres lui donnent raison. Aujourd'hui, des dizaines de pays condamnent encore les relations homosexuelles. Dans 8 pays, il est même passible de la peine de mort. L'Ouest et l'Est africain, le Moyen-Orient et l'Asie du Sud-Est sont les zones où l'homosexualité est le plus fortement réprimée.
Ce recensement ne prend pas en compte les exécutions qui ont eu lieu en Tchétchénie. En Égypte, où les relations homosexuelles sont théoriquement autorisées, des centaines de personnes seraient emprisonnées pour des raisons "morales".