Née sous X à Besançon (Doubs) puis adoptée par une famille, Céline souffre de ne pas connaître ses géniteurs. Elle souhaite que la législation impose aux parents de laisser "un minimum de traces" à l'enfant abandonné pour qu'il se construise. C'est le sens de la journée mondiale du droit à la connaissance des origines, le 30 mai.
De ses origines, Céline ne connaît qu'une date et un lieu : novembre 1974 à Besançon. C'est là que sa mère biologique lui a donné naissance anonymement, avant de la confier aux services de l'État. "À la sortie de la maternité, j'ai été placée dans un orphelinat. Et comme j'étais en bonne santé, j'ai pu être adoptée à l'âge de sept mois, raconte cette quadragénaire installée à Dole (Jura), aujourd'hui mère de trois filles.
"J'ai grandi au sein d'une famille adoptive aimante et structurante. Lorsque ces personnes donnent tant d'amour, on les considère comme ses parents, confie Céline. Mais malgré cet amour, il subsiste un vide : comment suis-je apparue à la vie ? Rien ne me lie à ma naissance, je ne connais personne de mon sang et le sentiment de n'appartenir à personne. Quand on a aussi peu d'information, ce n'est pas facile de se construire."
Au départ, un vide
Être née sous X l'handicape régulièrement. "J'arrive à un âge où on se pose des questions de santé, avec le médecin qui me demande si j'ai des antécédents familiaux de cancer du sein, de diabète. Et je ne peux pas répondre." Céline a la peau mate et on lui demande parfois si cette carnation vient de ses parents. Idem pour ses filles. "Et je suis incapable de donner une réponse," soupire l'éducatrice.
J'aimerais dire à mes filles que ma mère m'a abandonné pour telle ou telle raison. Mais je ne peux rien raconter au sujet de ma naissance et cette absence de réponse crée un malaise.
Célinenée sous X
La Franc-Comtoise souhaite que la loi évolue quant à l'anonymisation des géniteurs. C'est le sens de la journée mondiale pour le droit à la connaissance des origines, initiée en 2014, pour rendre visible la voix des adoptés auprès de l'opinion publique. "Je comprends qu'un enfant adopté parte en vrille à cause d'un manque d'information sur sa naissance. (...) C'est une question qui peut torturer," estime l'éducatrice.
Laisser un minimum de traces
Céline ne remet aucunement en cause le droit d'accoucher sous X, mais préconise que la loi impose à la mère de laisser "un minimum de traces légales, recueillies par un médecin, pour le bienfait de l'enfant".
On n'a pas forcément à expliquer les causes de l'abandon, mais il serait important de donner de simples renseignements sur le géniteur, dans les grandes lignes : sa nationalité, ses éventuels soucis de santé. Ça donne un support à l'enfant, il peut s'appuyer dessus.
Célinenée sous X
Si elle a pu grandir et fonder une famille, Céline nourrit des regrets quant à ce vide impossible à combler. "Mes filles me reprochent parfois de ne pas avoir suffisamment cherché... Mais je ne peux rien faire avec une piste aussi faible. Il faudrait que je retrouve une sage-femme de cette époque et encore, pas sûre qu'elle ait davantage d'information ou de souvenirs. Je ne saurai rien."
Ses filles devenues autonomes, Céline réfléchit à s'investir pour le droit à la connaissance des origines afin de faire évoluer la législation. "Ce serait bien, surtout pour les futurs bébés," glisse-t-elle.
Environ 600 naissances par an
En France, une femme peut accoucher sous X, soit de façon anonyme, dans un hôpital public ou privé, en informant le personnel médical de son choix. On n'impose pas à celle-ci de montrer une carte d'identité ou de joindre des renseignements concernant la santé ou l'origine de l'enfant. Le nouveau-né est alors confié à l'Aide sociale à l'enfance et la génitrice peut changer d'avis dans un délai de 2 mois après la naissance.
Une génitrice peut lever son anonymat à tout moment de sa vie. De son côté, l'enfant né sous secret peut lancer des recherches pour trouver ses parents biologiques grâce à au conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP). En France, près de 600 enfants voient le jour sous X chaque année, soit un peu moins de 0,1% des naissances totales annuelles dans l'Hexagone.