Témoignages. Coronavirus : médaille, dons de RTT, prime... Ces annonces qui provoquent la colère des soignants

Publié le Mis à jour le Écrit par Sarah Rebouh
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Le gouvernement a annoncé mercredi 13 mai qu'une médaille sera décernée aux soignants, dévoués pendant l'épidémie de coronavirus. Le 14 juillet, un hommage leur sera rendu. De plus, un député LREM a lancé l'idée des dons de RTT. Qu'en pensent les soignants en Bourgogne-Franche-Comté ? Réactions.

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Plusieurs annonces gouvernementales ont été faites ces derniers jours concernant les personnels soignants, surmobilisés depuis le début de l'épidémie de coronavirus en France. Dans une lettre à la ministre du Travail Muriel Pénicaud, une centaine de députés LREM plaident pour que les salariés du privé et du public puissent faire don de RTT et de jours de congés. Le gouvernement a également annoncé mercredi qu'une médaille sera décernée à ceux qui se sont dévoués pendant l'épidémie. Ce même jour, les personnels hospitaliers de 40 départements apprenaient qu'ils allaient recevoir, en récompense de leurs efforts, une prime de 1500 euros net. 

Qu'en pensent les principaux intéressés ? Depuis ces annonces, les réactions fusent. Et elles sont en très grande majorité hostiles. Provocation, insulte, mépris, colère... Ce sont les mots qui reviennent dans la bouche des soignants interrogés. Pour nombre d'entre-eux, la prime de 1500 euros n'est pas suffisante et n'est surtout pas une mesure durable. C'est une revalorisation des salaires et des moyens supplémentaires que les personnels de soins réclament depuis maintenant plusieurs années. 
 

"Aucune de vos médailles ne fera revenir les soignants"


Laurent Thines, neurochirurgien au CHU de Besançon ne décolère pas et rappelle au souvenir du gouvernement les morts parmis les soignants. Sur sa page Facebook, il écrit : "Ecoeurés & effondrés de subir ce mépris de la part d’un gouvernement qui n’a cessé de nous mettre en difficulté et aussi en danger. Plus d’un an de mobilisation, un mouvement de grève inédit, 1200 démissions de chef de service... Réponse : une médaille en « chocolat ». Aucune de vos médailles ne fera revenir auprès de leur proche tous les soignants (38 médecins généralistes) qui ont payé de leur vie le manque d’informations, de masques, de moyens de protection et votre incurie dans la gestion de la crise du Covid19".

Marc Paulin, infirmier au CHU de Besançon se dit "très en colère de ces actions qui dédouannent le gouvernement". Il nous précise : "La prime on va la prendre. Les repos que d'autres personnes pourraient nous donner on n'en veut pas. On ne peut déjà pas prendre nos propres repos. La médaille, on n'en a pas besoin. Ca fait tâche sur nos blouses de travail, niveau hygiène on ne peut pas les mettre. Le défilé du 14 juillet, au pas cadencé, ce n'est pas ce qu'on veut. On veut juste travailler dans les bonnes conditions, être au nombre suffisant, avoir des repos et des vacances qu'on mérite et être correctement rémunérés pour notre travail, donc obtenir une augmentation de 300 euros."

Camille Lemineur, orthophoniste mobilisée régulièrement en unité Covid-19 au CHU de Besançon pour la rééducation des patients intubés, s'interroge sur les modalités de l'attribution des primes en fonction des services et des corps de métier. "Je m'interroge sur l'attribution de ces primes, selon les services et les fonctions des agents hospitaliers. Par exemple, en tant qu'orthophonistes, nous intervenons depuis le début de la crise en unité covid pour prendre en soin les troubles de déglutition et de voix post intubation, mais n'étant pas recrutés sur ces services, nous n'avons pas l'assurance de bénéficier de ces primes, alors que nous sommes considérés comme agents de la fonction publique hospitalière (FPH), quelque soit notre service de rattachement" explique-t-elle.
 

"Calmer la colère des soignants à venir"


Même point de vue et même colère pour Eva*, cadre de santé dans le secteur médico-social en Franche-Comté. Selon elle, ces mesures ont pour but de calmer la colère des soignants : "Ils donnent des primes. Des médailles. Pour faire fermer la bouche des gens pendant la « guerre » contre le virus et essayer de calmer ainsi par anticipation la colère des soignants à venir, quand la situation leur permettra d’aller manifester leur colère et réclamer un salaire et des moyens décents pour travailler juste correctement !"

"Pour nous, ces annonces sont une provocation", car "on demande une revalorisation des salaires, on ne veut pas de prime. C'est obligatoire. Emmanuel Macron s'était engagé à ça, il doit le faire", a d'ailleurs insisté Olivier Milleron, cardiologue à l’hôpital Bichat, membre du collectif Inter-hôpitaux, auprès de nos confrères de France Info

Le Dr Christophe Prudhomme, praticien Hospitalier au SAMU 93 et membre de l'Association des Médecins Urgentiste de France a également réagi vivement sur les réseaux : "Non mais, vous ne croyez pas que vous vous moquez de nous, mesdames et messieurs les députés. Cela frise même l’insulte ! Ce que nous vous demandons depuis un an, ce sont des embauches de personnels pour que nous puissions prendre nos repos et partir justement en vacances suffisamment longtemps, notamment l’été. Nous exigeons aussi des augmentations de salaires immédiates, à savoir 300 euros mensuels."
  

"Une condescendance ahurissante"


Nous avons également demandé l'avis de nos internautes, sur la page Facebook de France 3 Franche-Comté. Une fois de plus, les commentateurs sont majoritairement défavorables à ces mesures. Soignants ou non, ils ont bien compris qu'une prime et une médaille ne régleraient pas le problème de sous-effectif et de manque de moyens des hôpitaux et établissements de soin français. "Ça fait des années que les soignants réclament plus de moyens pour travailler correctement. On tue les hôpitaux à petit feu. En manif,  ces mêmes personnes se sont faites gazer, piétiner et maintenant on leur parle de médailles" s'indigne Monique, qui pointe du doigt "une condescendance ahurissante".

Marie écrit quant à elle : "Une médaille !!!!!!!!!!!! Commencez par donner ce que vous leur devez : une rémunération correcte les jours de congés auxquels ils ont droit, le paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées, du matériel adapté pour exercer correctement leur travail et recrutez du personnel surtout." De son côté, Christian s'interroge : "Il n'était pas question d'investissement massif et de revalorisation des salaires ?"

Le dessinateur de presse jurassien Rodho a lui aussi empoigné le crayon pour réagir sur le sujet. 
* Le prénom a été modifié pour garantir l'anonymat.
 
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