Le "Dry January", ou "Défi de janvier" se démocratise fortement en France. L'occasion pour toutes et tous d'expérimenter une période sans alcool et d'en mesurer les bienfaits. Nous avons interrogé des personnes qui ont sauté le pas et choisi de dire "non" à l'alcool en janvier. Témoignages.
"Après les fêtes de fin d'année, notre organisme s'essouffle et ça fait du bien une bonne remise à zéro. Je fais quelques fois des soirées entre amis, et l'alcool coule à flots. Il est temps que je me reprenne en main en cette année 2025", nous confie Kévin, bien décidé à ne pas toucher à l'alcool au mois de janvier. Selon lui, de nos jours, les gens ont tendance à réduire leur consommation d'alcool notamment grâce à la prévention plus importante sur le sujet. "En France l'alcool fait partie de notre patrimoine. Je prends l'exemple du vin, chacune de nos régions à son propre vin. C'est à nous de faire attention, et je pense qu'il n'y a pas de honte à refuser de l'alcool de temps en temps", encourage le Franc-Comtois soutenu dans sa démarche par sa femme et sa fille.
Samuel, gérant d'un bar restaurant dans le Jura, a, lui aussi, fait le choix de s'éloigner de l'alcool en janvier. Certains de ses amis font le défi de janvier, ou "Dry January" en anglais, depuis 15 ans. "Je vois des gens chez qui l'alcool fait des ravages quand c’est une addiction, précise-t-il à France 3 Franche-Comté. Cela permet de recentrer et aligner son énergie, d’éviter les habitudes, de se prouver que l’on est capable de croître, de libérer les toxines..."
Selon Santé Publique France, bien que le volume global d’alcool pur consommé en France soit en diminution depuis les années 1960, essentiellement en raison de la baisse de la consommation quotidienne de vin, la France reste parmi les pays les plus consommateurs d’alcool au monde, se situant au sixième rang parmi les 34 pays de l’OCDE. Contrairement à ce que certains pensent, en Bourgogne-Franche-Comté, la prévalence de la consommation quotidienne d’alcool est proche de la moyenne française. Cela signifie que les Francs-Comtois et Franc-Comtoise ne consomment pas plus d'alcool que dans les autres régions de l'hexagone.
"J'évite au maximum les bars"
"Lorsqu'on ne veut plus boire d'alcool, on sort forcément moins en soirée. Cela permet de réduire les tentations et de moins subir de pression sociale concernant notre consommation", détaille Mélanie, originaire du Haut-Doubs. Elle aussi a décidé de ne pas boire en janvier 2025. Son meilleur allié pour contrer l'alcool ? "L'eau gazeuse ! Ce n'est pas sucré, les bulles donnent l'impression de boire quelque chose de spécial, et on peut y mettre du citron frais, de la menthe, du sirop. Il en existe aussi beaucoup qui sont déjà aromatisées...". De nos jours, il est de plus en pus facile de trouver des boissons sans alcool. Ce marché a véritablement le vent en poupe. De plus en plus de grandes marques, notamment de bière, proposent désormais des versions sans alcool. D'autres se spécialisent dans la création et la commercialisation de boissons affichant un taux de 0%.
"Pour ma part, je favorise les activités saines en journée, le sport, les sorties culturelles et j'évite au maximum les bars", ajoute la trentenaire. Remplacer les soirées alcoolisées par des séances de sport, c'est ce qu'ont décidé de mettre en place Eric et sa compagne, dès le 1ᵉʳ janvier 2025. "Nous sommes relativement épicuriens, adeptes de la bonne bouffe, des plaisirs de la table et des soirées arrosées entre amis. Dès le 1ᵉʳ, on ne boit plus une goutte d'alcool et on essaye de manger plus sainement. On en profite également pour remplacer quelques apéritifs par des séances de sport à la salle. Ça fait partie des "bonnes résolutions", on se donne "bonne conscience" en faisant souffler un peu notre organisme pendant un mois", détaille l'habitant d'Échenoz-la-Méline. Le Franc-Comtois constate en un mois de sevrage une perte de poids et moins de maux de tête. Pas suffisant pour lui donner envie de poursuivre l'expérience sur le mois de février. "C'est plus un challenge, "une épreuve" qu'on est fier de tenir, mais qu'on est aussi content de finir", lance-t-il.
Certains perçoivent des avantages dès la première semaine d’arrêt de l'alcool. C'est le cas de Maxine, qui a également répondu à nos questions : "Je suis moins fatiguée, j’arrive plus facilement à me surpasser au niveau du sport, et étonnement en soirée, je tiens jusqu’à plus tard qu'avant". Mélanie, de son côté, a décidé de surveiller sa consommation tout le reste de l'année en espérant pouvoir un jour arrêter complètement. "Le cheminement est long pour pouvoir arrêter définitivement l'alcool, mais je progresse. Cela nécessite forcément une transformation profonde, puisque la consommation d'alcool est très présente et largement encouragée dans les rapports sociaux". Elle utilise l'application mobile gratuite "Oz ensemble" développée par le ministère de la Santé. Grâce à cela, elle se rend mieux compte de ce qu'elle consomme et se fixe des objectifs précis. "De toute façon, voilà des années que l'alcool ne m'apporte plus rien de bon", conclut-elle.
Les conseils d'une addictologue
Corinne Lesueur-Chatot, médecin coordinatrice d'association addiction France, voit évidemment le "défi de janvier" d'un très bon œil. Selon elle, l'important, au-delà d'une tentative d'arrêt total pendant un mois, est "d'expérimenter un temps sans alcool. Que ce soit sur une journée, un mois ou quelques semaines". Elle développe : "L'essentiel est de s'interroger sur sa consommation d'alcool, même sans dépendance, mais surtout de se questionner sur ce qui va se passer, d'un point de vue relationnel ou physique, quand on décide à un moment de ne pas boire."
Cette expérimentation permet effectivement aux intéressés de changer leur regard sur leur consommation, comme le confirme Maud : "l'expérience a été positive l'an dernier pour moi. Après, la reprise de la consommation d'alcool s'est faite plus en conscience, sans abus et excès". Même chose pour Pierre-Henri à qui cette période permet de "savoir où [il] en est vraiment avec l'alcool. Voir si une addiction est présente ou bien si ce sont des habitudes (parfois mauvaises)."
L'idée c'est de monter que la consommation d'alcool a un impact sur la santé, pas seulement quand elle est régulière mais aussi quand elle est trop fréquente.
Corinne Lesueur-Chatot, médecin coordinatrice d'association addiction France
Selon la professionnelle de santé, qui œuvre dans ce domaine depuis plus de 20 ans, la pression sociale reste très forte en France vis-à-vis de l'alcool. "Il y a cette culture de l'alcool en France. On nous propose beaucoup d'alcool notamment dans notre entourage. Pour certaines personnes, c'est compliqué de dire non", analyse-t-elle. Selon elle les choses évoluent dans le bon sens, notamment concernant les profils des personnes souhaitant se faire accompagner face à leur consommation d'alcool. "Il y a de plus en plus de jeunes qui viennent demander de l'aide. Auparavant, cela ne se faisait que quand la personne était dans un état dégradé. C'est positif, cela signifie que le regard sur la maladie alcoolique change. On accepte un peu plus que ce soit une maladie et pas une tare". Et de nuancer : "Mais, il y a encore du chemin".