Témoignages. "Il s'arrêtera quand vous serez morte", victimes de violences conjugales, ces jeunes femmes racontent

Publié le Écrit par Mélanie Philips

Lundi 25 novembre 2024 est la journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Alors que de nombreuses manifestations ont eu lieu sur le territoire samedi 23 novembre, deux femmes ont accepté de témoigner ce qu'elles ont vécu.

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Léa* et Cindy* ont toutes les deux été les victimes de violences conjugales par leur ex-compagnon. Chacune a vécu des histoires différentes, toutes deux ont le même message à faire passer : partir à la première violence. Elles ont tenu à témoigner, que le moins de femmes n'aient à vivre l'enfer qu'elles ont traversé. 

"L'amour rend aveugle"

Léa est Franc-Comtoise. En 2022, elle rencontre son compagnon de l’époque. Au début de leur relation, tout va bien. Ils décident d’habiter ensemble au bout de trois-quatre mois, et à ce moment-là, tout commence. "Il a attendu que je m’installe chez lui pour commencer à me taper dessus", lâche la jeune femme âgée de 23 ans. Elle confie que son ex-compagnon présentait des problèmes d’addiction à l’alcool et la cocaïne. Toutes les deux semaines, dès qu’il était en manque, il était violent avec elle. Plus tard, elle apprendra, par le voisinage et les parents de son compagnon, que c’est un homme violent qui a déjà tapé ses parents et ses anciennes compagnes. "Je regrette que personne ne m’ait prévenue dès le départ. Je serais partie dès le début si j’avais su qu’il était violent."

Pour Cindy, l’histoire se ressemble. En novembre 2021, elle se met en couple avec un garçon qu’elle connaissait du collège. S’ils commencent leur relation à distance (Orchamps/Oyonnax), il décide de venir s’installer chez elle au bout de trois mois. "On s’est très vite attachés l’un à l’autre, il y a très rapidement eu quelque chose entre nous", se souvient la jeune femme aujourd’hui âgée de 28 ans. Elle aussi, elle constate alors que lorsqu’il est sous l’emprise de l’alcool, il a un comportement différent. Mais comme elle le dit si bien : "l’amour rend aveugle".

Tout commence par des violences psychologiques. Insultes, manque de respect, retournement de situation… Jusqu’au jour où, au bout d’un an de relation, les coups font leur apparition. 

C’était horrible. Il buvait tout le temps et était de plus en plus violent. Il me mettait des gifles, il m’a étranglé, m’a tiré les cheveux, poussé jusqu’à m’en faire tomber par terre…

Cindy, victime de violences conjugales

L'espoir que les choses changent

Les deux femmes s’enferment dans le silence dès le début des violences. Léa maquille ses bleus lorsqu’elle se rend chez ses parents, et multiplie les arrêts de travail, pour que personne ne puisse constater les marques des coups qu’elle reçoit.

Je ne me voyais pas me balader dans la rue avec les marques. J’avais honte. La situation était déjà assez lourde, pour supporter en plus le regard des autres.

Léa, victime de violences conjugales

Cindy non plus n’en parle pas au départ. Mais ses proches constatent un changement dans son comportement, qu’ils la voient moins et qu’elle n’est pas heureuse. Elle commence alors à en parler à sa maman, qui habite à dix minutes de chez elle et qui est déjà intervenue pour interrompre une scène de violence conjugale. Mais parler n’est pas facile.

Pourtant, Cindy confie honnêtement qu’elle ne comprenait pas qu’une femme victime de violences de la part de son compagnon, ne le quitte pas. "Je me suis toujours dit "si on me fait ça, jamais je ne reste avec lui, jamais. Jamais". Et au final, quand tu es face à un manipulateur et que tu l’aimes, que tu as envie de l’aider et que malgré tout, lui aussi t’aime, c’est très compliqué." Ce sentiment, Léa l’a aussi ressenti. "J’étais tellement attachée à lui que je n’ai pas réussi et je me disais qu’il allait s’arrêter un jour."

Le geste de trop 

Cindy comme Léa étaient tenues par l’espoir que leur compagnon change, qu’il s’arrête un jour. En vain. Elles ont tenu, jusqu’au geste de trop. Un jour, Léa casse malencontreusement une pièce du tracteur. Alors qu’ils étaient en voiture, son ex-compagnon s’énerve et la frappe au visage, alors qu’il conduit. La tête de Léa tape la vitre. "Quand j’ai vu du sang, j’ai paniqué et ça a été l’électrochoc pour moi. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose". Alors que la voiture roulait à 50 km/h, la jeune femme saute du véhicule. Le jeune la prend par les cheveux, la traîne jusque dans la voiture et la frappe au visage durant de longues minutes.

De retour au domicile, la voisine appelle les pompiers et les gendarmes. Portée par ses proches et le voisinage, Léa décide de porter plainte, accompagnée de sa maman. "Si je n’avais pas eu tout ce soutien, je n’y serais pas allée. J’aurais eu trop peur de lui, de la suite". Après avoir passé la nuit à l’hôpital, elle revient dans la maison avec ses parents le lendemain pour un déménagement expéditif. "En une heure et demie, c’était bouclé", se souvient-elle. Plus jamais elle ne mettra les pieds dans ce logement. Elle retourne vivre chez ses parents.

"Je vivais à travers lui"

Cindy, elle, a eu le déclic à force de voir sa santé mentale décliner. "J’avais pris beaucoup de poids, je ne vivais que pour lui, je ne voyais plus trop mes amis… Parce que quand je partais, je ne savais pas trop dans quel état j’allais le retrouver. Je partais au travail la boule au ventre… C’était horrible, je vivais à travers lui et en fonction de lui", commente-t-elle. Elle finit par écouter son entourage qui ne cessait de lui répéter de partir. Elle prend alors une décision radicale : déménager à plus de 600 km de lui, pour pouvoir se reconstruire, prendre un nouveau départ. 

Aujourd’hui, je suis tellement mieux. Quand je suis partie, je me suis sentie libérée.

Cindy, victime de violences conjugales

Désormais, elle est soulagée que cette situation soit derrière elle. Contrairement à Léa, Cindy n’a pas porté plainte contre son ex-compagnon. Un manque de confiance envers la justice, mais surtout par amour.

"Si je n'étais pas partie, je ne serais pas là pour tout vous raconter"

L’ex-compagnon de Léa a été condamné à 18 mois de prison ferme. Il est au bout de deux mois d’emprisonnement et désormais sous bracelet électronique. Léa regrette cette décision de justice, qu’elle juge insuffisante. Pour autant, elle incite aujourd’hui les femmes victimes de violence à porter plainte. 

Il faut en parler. On pense qu’il va changer, mais il s’arrêtera quand vous serez morte. Je suis sûre que si la situation avait continué deux mois, je ne serais pas là pour vous raconter tout ça.

Léa, victime de violences conjugales

Si elle a mis du temps à pouvoir en parler avec une psychologue, la jeune femme est aujourd’hui suivie à Besançon, par l’association Femmes battues. Un travail de longue haleine attend celle qui a peur de se déplacer seule dans la rue et qui n’ose pas s’engager à nouveau dans une relation amoureuse, de peur de revivre la même chose.

Ces deux femmes ont décidé de témoigner pour rompre le silence, et pour dire à celles qui traversent la même chose de partir. C’est possible. En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui, au cours d'une année, sont victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint, est estimé à 321 000 femmes. En 2022, 118 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire

*Les prénoms ont été modifiés

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