Violences conjugales : comment les déceler ? Comment réagir ? Les explications d'une conseillère conjugale et familiale

Vendredi 8 mars, pour la journée internationale des droits des femmes, différents acteurs de la lutte contre les violences conjugales de Haute-Saône se réunissent à Vesoul pour améliorer leurs dispositifs d'aide et de détection. Justement, comment déceler ces violences ? Comment réagir et vers qui se tourner ? On vous résume tout.

Un constat implacable, porté par des chiffres alarmants. En Bourgogne Franche-Comté et dans le Grand Est, la Haute-Saône est le département où les violences intrafamiliales ont le plus progressé : avec 994 victimes en 2023, l'augmentation est de 21 % par rapport à 2022.

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Sur ce total," 686 signalements concernent des violences conjugales" précise l'adjudant-chef Adeline Pillot, de la gendarmerie de Vesoul, commandante de la maison de protection des familles. "Dans 83 % des cas, les victimes sont des femmes".

En ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, ces chiffres inquiètent. Résultent-ils d'une réelle augmentation des violences ou sont-ils le témoin d'une hausse des plaintes ? Comment déceler des situations de violences conjugales, dans son couple ou chez ses proches ? Comment réagir ? Vers qui se tourner ?

France 3 Franche-Comté a posé ces questions essentielles à Géraldine Molitor, conseillère conjugale et familiale au Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) de Haute-Saône. 

Comment déceler les violences conjugales ?

C'est le point de départ de toute action. Comment savoir si quelqu'un, ou vous-même, êtes victime de violences conjugales ? "Il faut déjà être conscient de ce que sont les violences conjugales" explique Géraldine Molitor. "Beaucoup de personnes assimilent cela à de la violence physique. Mais c'est bien plus large"

Il n'y a pas que les coups. On inclut les violences sexuelles, émotionnelles, économiques, comme le fait d'être dépendant de son conjoint financièrement, psychologiques, avec les menaces, les brimades. Et aussi, et c'est nouveau, toutes ces formes se retrouvent aussi sur internet. On parle alors de cyberviolence au sein d'un couple.

Géraldine Molitor,

conseillère conjugale et familiale au Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) de Haute-Saône

"Si toutes les femmes savaient cela, peut-être que certaines se rendraient compte qu'elles sont victimes de violences conjugales" reprend la conseillère familiale. "C'est important, car une part des femmes qui viennent nous voir arrivent d'elles-mêmes".

Mais ce n'est pas la totalité. Le CIDFF admet également qu'il existe des "indices" pour déceler des possibles violences conjugales. "Le grand public a l'image des cris, des bleus sur le visage. On peut s'apercevoir des violences comme cela. Mais souvent, il s'agit de choses plus implicites, au détour de conversations".

Ces indices, quels sont-ils ? "Il faut déjà savoir que les auteurs mettent souvent en place des "stratégies" pour faire rentrer leur victime dans une situation de violences conjugales" continue Géraldine Molitor. "Elles auront tendance à se dévaloriser énormément, à avoir un rapport à soi très dur, à minimiser certains actes qui peuvent paraître anormaux, ou à rejeter la cause de ses actes sur des erreurs qu'elles auraient commises. Elles sont, en quelque sorte, conditionnées par leur agresseur".

Comment réagir face à des situations de violences conjugales ?

"Tout d'abord, si vous êtes une tierce personne qui se rend compte de violences, il faut croire la victime, à tout prix" assure la conseillère familiale. "Et respecter son choix. Pour plusieurs raisons, la victime n'est peut-être pas prête à porter plainte. À cause des enfants, à cause de biens communs. Ou par peur, tout simplement".

Nous recevons des femmes de 16 à 74 ans. Elles ont toutes des problématiques différentes, dues à leurs expériences qui se complexifient. Par exemple, on revoit beaucoup les mêmes personnes qui, parfois, vont revivre avec leurs agresseurs.

Géraldine Molitor,

conseillère conjugale et familiale au Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) de Haute-Saône

La conseillère appelle donc à "toujours garder le contact avec les victimes". "Les maître-mots sont l'accompagnement et la patience. Il ne faut surtout pas agir à la place de la victime, ni lui répéter sans arrêt ce qu'elle doit faire" estime Géraldine Molitor. "Sinon, on risque de la culpabiliser et de la braquer. Le mieux à faire est de l'orienter vers les différents organismes qui peuvent l'aider".

Vers qui se tourner ?

Si en cas de flagrant délit de violences conjugales, appeler les forces de l'ordre reste la chose à faire, des solutions alternatives existent néanmoins. "Dans chaque département, nous avons un Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles" explique Géraldine Molitor. "C'est un service complet où l'on discute, on conseille, on informe. Nous avons des juristes, des conseillères emploi, des psychologues et des conseillères conjugales".

À côté de cela existe également le bureau du Conseil départemental de l'accès aux droits (CDAD 70), pour une aide plus juridique. Si les victimes ressentent le besoin d'être relogées, elles peuvent être prises en charge par le Service d'accueil des femmes en difficulté (SAFED 70). Et pour celles ayant porté plainte, France Victimes 70 peut assurer un suivi.

"Même si les personnes osent plus en parler qu'avant, il existe des outils en ligne qui ne nécessitent pas de prise de parole" met en lumière Géraldine Molitor. "On a une application nommée Mémo de vie, à télécharger sur portables et ordinateurs, qui permet d'écrire ce qu'on ressent et ce qui nous arrive tous les jours, sécuriser des documents, avoir accès à des contacts".

En ligne est aussi accessible un "violentomètre". Cet outil permet de classer différentes situations selon trois couleurs : vert-orange-rouge. Les actions "vertes" sont synonymes de relation saine, alors que les actions "rouges" représentent un danger et nécessitent de l'aide. 

Les ressources classiques, telles que le numéro 39 19 ou la plateforme numérique d'accompagnement des victimes, sont aussi à retenir. Un arsenal que le département de Haute-Saône entend muscler localement. Vendredi 8 mars, l'hôpital de Vesoul organise ainsi une journée d'information dédiée aux violences intrafamiliales. 

Le CIDFF sera présent à cet événement. Important, alors que l'organisme a constaté un fort niveau d'activité d'accueil et d'accompagnement de femmes victimes de violences en 2023. 419 femmes victimes ont ainsi été prises en charge (dont 73% pour la première fois)
et 1 460 entretiens individualisés ont été réalisés  (soit une nouvelle hausse de sollicitations par rapport à 2022, qui enregistrait 1 310 entretiens).

Une étude pour cerner des profils d'auteurs de violences conjugales

Le Conseil départemental de Haute-Saône a également décidé d'agir sur le problème de l'augmentation des violences conjugales et, plus largement, des violences intrafamiliales. Ainsi, en septembre 2023 a été lancé une enquête sociologique sur la population haut-saônoise, menée par deux étudiantes de l'Université de Franche-Comté.

Son but : mieux connaître les mécanismes de ces violences, en travaillant sur le profil des auteurs de violences, pas assez évoqués. Les conclusions de cette étude pourront servir à adapter les réponses proposées par les forces de l'ordre et les associations.

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