"Un besoin de se réapproprier son corps", quand une Bisontine raconte l'histoire des tatouages

Paru le 19 octobre 2023, "De peau et d'encre" de Clémence Mesnier raconte une passionnante histoire du tatouage. Entretien avec cette auteure de Besançon, titulaire d'un doctorat en littérature comparée.

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Le tatouage est un art avec une histoire aussi ancienne qu'universelle. C'est ce qu'on découvre à la lecture de "De peau et d'encre", premier livre de la Bisontine Clémence Mesnier, paru le 19 octobre dernier (Éditions du trésor).

Dans son ouvrage, l'auteure titulaire d'un doctorat en littérature comparée à l'université de Franche-Comté dresse un panorama de la pratique culturelle du tatouage sur la quasi-totalité globe, tout en expliquant ses diverses significations. Pour France 3 Franche-Comté, Clémence Mesnier assure qu'écrire sur sa peau est autant un phénomène graphique que thérapeutique.

D’où vient votre intérêt pour les tatouages ?

Il y a eu deux portes d'entrée qui ont coïncidé. La première est l'intérêt pour l'écriture, la lecture ou les livres et la deuxième, c'est le fait d'avoir un corps qu'on n'a pas choisi mais qu'on peut modifier à plus ou moins grande échelle.

Ces deux centres d'intérêt se sont un jour rencontrés à travers le phénomène du tatouage et en poussant mes recherches, j'ai découvert que le premier support d'écriture était le corps, avant même les parchemins ou les livres. Cet acte de se tatouer n'est pas anodin comme on peut parfois l'entendre.

Est-ce un sujet de niche en sciences humaines et sociales ?

Au début, j'ai eu un peu de mal à travailler dessus parce que ce n'était pas un sujet pris au sérieux. La sociologie l'avait beaucoup traité sous l'angle de la criminologie avec le tatouage de prison ou du stigmate, avec les phénomènes d'exclusion. On a eu aussi des études psychanalytiques voyant le tatouage comme une forme de scarification. En sciences sociales, il y avait donc une vision du tatouage datée mais surtout négative, sans jamais essayer d'aller du côté de l'artistique ou du culturel.

S'il a fallu défricher des nouveaux axes de lecture, j'ai eu la chance d'arriver au début des années 2010, quand le tatouage a commencé à devenir une forme d'art. J'ai ainsi commencé mes recherches lors de la première exposition française consacrée au tatouage, au musée du Quai Branly à Paris.

Dans votre ouvrage, on découvre que le tatouage est un art ancien et universel, avec de nombreuses particularités culturelles, mais aussi son lot de clichés. Est-ce que ces derniers ont la vie dure ?

Dès qu'on se met à étudier un phénomène populaire, il y a toujours un tas de clichés qui sont véhiculés. Néanmoins, je crois qu'il y a actuellement une démocratisation qui s'opère avec plus de visibilité, du fait de l'évolution des techniques.

Quelle est la place des femmes dans l’histoire de l’inscription tégumentaire ?

Historiquement, il y a une très grande diversité du rapport entre femmes et tatouages car dans certaines cultures, c'est un mode d'asservissement. Dans nos pays occidentaux, on marquait par exemple les prostituées. Et dans d'autres cultures, ça va davantage être un signe de force, de pouvoir, ou de démarcation. À titre personnel, je vois vraiment cela sous un angle de réappropriation de son corps mais il n'y a pas eu un seul rapport entre femmes et tatouage.

Le tatouage est-il un milieu macho ?

Il y aurait de bonnes études sociologiques à faire à ce niveau-là. Même si je n'ai pas exploré le milieu des tatoueurs, c'est quand même un univers assez misogyne. Il y a toutefois de plus en plus de tatoueuses avec tout un réseau de recommandations, sans toutefois aller jusqu'à une sororité. J'ai pu ainsi rencontrer des personnes qui souhaitent se faire tatouer uniquement par des femmes.

Comment expliquer que le tatouage perdure malgré son histoire violente ?

Même si peu de personnes connaissent l'histoire des tatouages, j'ai l'impression qu'il y a dans la persistance de cette pratique, le besoin de se réapproprier son corps. On a besoin aujourd'hui de se graver des moments de vie marquants sur la peau. C'est peut-être à mettre en parallèle avec la consommation numérique actuelle, et le besoin d'apporter une temporalité fixe au milieu de toute cette consommation continue d'images.

Vous parlez aussi d'une vertu thérapeutique du tatouage dans votre livre.

Oui c'est vraiment dans le sens de se réapproprier son corps. C'est ce qu'on va retrouver sur les tatouages recouvrant des cicatrices ou des ablations du sein après un cancer.

Est-ce que Besançon est une ville de tatoués ?

Oui puisqu'il y a énormément de salons qui se sont installés et qui perdurent. Sur le plan graphique, je n'observe pas de patte particulière mais plutôt une grande diversité.

Est-ce qu'un livre sur les tatouages en appelle un autre ?

Je suis actuellement en reconversion professionnelle pour devenir psychologue et même si c'est chronophage, ce n'est pas exclu de continuer sur le sujet. Cette relation entre le corps et l'esprit me semble importante pour aider nos patients dans le cadre d'une relation thérapeutique.

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