À l'heure du 50e anniversaire de l'un des mouvements sociaux les plus emblématiques de France, celui des ouvriers et ouvrières de l'usine horlogère LIP, nous sommes retournés dans les locaux de l'usine, à Besançon (Doubs). Que reste-t-il de l'aventure LIP ? Reportage.
Il y a 50 ans, les employés de la manufacture des montres LIP, installée à Besançon, prenaient les commandes de leur usine en faillite et réquisitionnaient le stock de montres. Ils produisaient des pièces et les vendaient sans patron, au cours d'un épisode d'autogestion post-mai 1968 totalement inédit. Le 29 septembre 1973, c'est environ 100 000 personnes, venues de la France entière et même au-delà, qui battaient le pavé dans les rues de la capitale comtoise, en soutien aux ouvrières et ouvriers de l'usine horlogère. Ce mouvement ouvrier, très observé et largement documenté, est encore aujourd'hui cité en exemple dans la grande histoire des mouvements ouvriers.
Jacky Burst a dirigé LIP Industrie dans les années 2000, mais 30 ans plus tôt, il fut surtout un ouvrier très engagé dans le conflit LIP. Il nous a fait la visiter les lieux. "Les escaliers là, quand les administrateurs ont été séquestrés, c'étaient les bureaux à gauche. C'est là que tout a commencé", se souvient-il, sans oublier de nous parler des tests de cocktails Molotov réalisés dans le bois de Chailluz, pour contrer les forces de l'ordre venues déloger les salariés qui occupaient leur usine. Il mentionne même l'existence d'un lance-roquette fabriqué dans les ateliers mécaniques LIP.
Cinquante ans après, que reste-t-il de l'usine LIP à Palente, quartier dans lequel était implantée l'usine devenue célèbre ? Le site est aujourd'hui morcelé, en partie réhabilité. Il est occupé par plusieurs dizaines d'entreprises différentes. LIP Industrie occupe l'ancien réfectoire de l'immense usine historique. Onze salariés y fabriquent des pièces destinées au secteur de l'armement. Il s'agit toujours de mécanique de précision, mais pas pour donner l'heure. Pourtant, l'héritage est ancré, comme le prouve les nombreux appels reçus par l'entreprise, toujours en rapport avec l'horlogerie. "Tous les jours, on nous téléphone pour réparer des montres. Les gens pensent qu'il y a un magasin d'usine. On se fait engueuler", confie, un brin amusé, Laurent Chappoy, responsable technique LIP Industrie, au micro de notre journaliste Jérémy Chevreuil.