Alors que le calendrier du projet de loi sur la fin de vie ne cesse de changer, les adhérents de l'ADMD se mobilisent pour la 16ᵉ journée mondiale du droit à mourir dans la dignité. Séverine Arnaud, déléguée du département du Doubs, nous explique les revendications de l'association.
À mesure que le calendrier du projet de loi sur "l’aide active à mourir" n’a de cesse de changer, la colère des adhérents de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), elle, ne fait que grandir. Séverine Arnaud, déléguée pour l’ADMD dans le Doubs, nous explique pourquoi.
L’association nationale compte 76 000 adhérents. "Nous luttons pour qu’enfin, en France, depuis des années qu’on le demande, il y ait une loi d’aide active à mourir sur modèle belge. C’est-à-dire que l’on prend en compte tous les droits du patient et on le laisse choisir la fin de vie qu’il veut. Tout en sachant qu’à tout moment, il peut changer d’avis", insiste cette ancienne institutrice.
Dans la lignée de la Belgique
Concrètement, le modèle belge propose trois possibilités. La première, les soins palliatifs. "En France, il y a des départements dans lesquels il n’y a pas de lit de soins palliatifs, comme en Haute-Saône par exemple", souligne-t-elle. La seconde est l’euthanasie. Dans ce cas-là, c’est le médecin qui fait l’acte médical en injectant le produit létal. Et enfin, la dernière est le suicide assisté, où cette fois, c’est la personne elle-même qui s'auto-administre le produit, sous le regard médical.
"Il faut qu’il y ait, pour chacun d’entre nous, un choix qui n’est dicté que par sa propre conviction. Je reçois des appels téléphoniques très compliqués, mais les personnes sont très claires sur la décision. Ils ne vont pas tous au bout, mais ils veulent savoir s’ils peuvent en finir, et ce, de leur propre décision." Elle ajoute que les patients belges qui savent qu’ils peuvent avoir recours à l’euthanasie, meurent plus sereinement, du simple fait de savoir qu’ils ont cette possibilité, sans pour autant y avoir recours.
Alors que la discussion nous mène à parler du documentaire "Fin de vie : pour que tu aies le choix" de Marina Carrère d’Encausse, Séverine Arnaud ne mâche pas ses mots. "En soins palliatifs, c’est empreint de religiosité. C’est-à-dire que quand la personne dit "nous faisons un métier humble", je n’y crois pas. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour maintenir les gens qui sont en fin de vie et qui n’ont pas forcément envie de continuer cette vie. Ils sont dans un mensonge de religiosité", martèle-t-elle.
Ne pas vouloir vivre l'agonie de la maladie
L’incompréhension et la colère règnent face à cette opposition constante du droit à mourir dans la dignité. "On ne comprend pas que dans le pays des droits de l’Homme, on ne respecte pas la fin de vie. Qu’on ne m’empêche pas de ne pas vouloir vivre mon agonie. Il y a des pays ultra-catholiques qui l’ont voté et ici, on ne l’a pas", poursuit Séverine Arnaud.
L’ancienne institutrice nous livre quelques témoignages d’adhérents. "Une femme qui avait 40 ans, un cancer du sein mortel, trois récidives. Elle a dit ‘à la quatrième récidive, je refuse le traitement et je pars en Suisse’. Cette femme ne travaillait plus depuis trente ans, n’avait pas de vie intime, l'impossibilité d’avoir un enfant... Elle m’a dit "je ne veux plus de ce faux espoir que me donnent les médecins". Des mots qui heurtent et Séverine ne comprend pas pourquoi, en France, on laisse encore souffrir ces patients. Elle donne également l’exemple de personne de 80 ans, à qui on diagnostique un cancer et qui ne souhaitent pas "vivre l’agonie du cancer".
"C’est aussi un geste altruiste, de partir. Il y en a qui ne veulent pas être à la charge de leur famille. Ça aussi, ça compte dans le désir de mourir."
Séverine Arnaud, délégué du département du Doubs de l'ADMD
"Une loi de liberté"
Un argument de la part de ceux qui s’opposent à l’euthanasie et au suicide assisté, c’est que dépénaliser l’euthanasie, reviendrait à ouvrir la porte aux dérives. De quoi mettre en colère Séverine Arnaud. "En Belgique, les décès par euthanasie représentent 2,5 % des morts. Je ne comprends pas pourquoi, ici, on nous fait tant d’histoire sur ces 2,5 %. Ce n’est pas un raz de marée où tout le monde va s’y précipiter, en disant "je suis malade, je veux en finir". S’insurge-t-elle. En réalité, il s’agit d’une loi de liberté, ça n’oblige personne à mourir. Ce n'est pas parce que la loi pour IVG a été adoptée que toutes les femmes sont allées avorter."
Dans le projet de loi que l’ADMD a déposé, il faut que le malade soit conscient et réitère sa demande en pleine conscience, et qu’il n’y ait plus de vraies solutions. Et, comme dans la loi belge, cela concerne les malades atteints de pathologies neurodégénératives et éventuellement souffrant de douleurs psychiques inapaisables.
Le projet porté par le gouvernement fait peur à l'ADMD
Concernant le projet de loi sur la fin de vie, qui devrait ouvrir l'aide active à mourir, porté par la ministre déléguée à la Santé Agnès Firmin-Le Bodo, il fait "très peur" à l’ADMD. Selon l’association, il ne serait pas question d’euthanasie, sauf cas exceptionnels, mais de "suicide assisté selon le modèle Oregon". Un modèle jugé "ignoble". "Une personne est déclarée en fin de vie à moyen terme, par un médecin. Ce dernier lui fait une ordonnance du produit létal et puis voilà. Vous rentrez chez vous et c’est tout. Il n’y a aucun contrôle, aucune aide, aucun accompagnement. C’est un suicide, mais pas du tout assisté", se révolte Séverine Arnaud.
Lire aussi : fin de vie, le projet de loi sera présenté en décembre au conseil des ministres
Ce jeudi 2 novembre 2023 est la 16ᵉ journée mondiale du droit de mourir dans la dignité. Pour se rendre visible et faire entendre la colère, les adhérents de l’ADMD se mobilisent. Une déambulation de 5 km est prévue à Besançon, au départ de la Place de la Révolution, devant le musée, de 10 h 45 à 14 h.