Émeutes, intempéries... des collectivités locales lâchées par leur assurance : voici ce que préconise le rapport de l'association des maires de France

Alain Chrétien, vice-président délégué de l'Association des maires de France, dresse un rapport concernant le problème que les communes rencontrent à l'égard des assurances. Ils proposent des solutions, notamment l'élargissement du fonds GARAET aux émeutes.

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Les relations entre collectivités et assureurs se sont dégradées. Ces dernières années, les collectivités locales ont fait face à des résiliations brutales de contrats, des hausses de primes et de franchises, et des difficultés à obtenir des réponses aux appels d'offres. Les ministres de l’Économie, de la cohésion sociale et des collectivités ont demandé à Alain Chrétien, maire de Vesoul en Haute-Saône et Jean-Yves Dages, ancien président de Groupama de se pencher sur les causes de ces dysfonctionnements et de tracer des pistes d’amélioration. Voici ce qu'il faut retenir de ce rapport. 

1500 à 2000 communes touchées par des résiliations

Alain Chrétien, maire de Vesoul, suite à trois mois d'audition, estime qu'entre 1 500 et 2 000 communes sont touchées soit par ces résiliations brutales, soit par ces explosions de primes et de franchises.

  • Relations dégradées

Pour illustrer ses propos, il prend l'exemple du maire d'Arcueil dans le Val-de-Marne qui a vu sa franchise passer de 10 000 euros à 2 millions d'euros. "C'est-à-dire que jusqu'à 10 000 euros, c'est lui qui payait et après, c'est l'assurance.  Autrement dit, en passant à 2 millions, c'est comme s'il n'avait plus de couverture, puisque quand vous avez un dommage de 2 millions d'euros, autant le payer soi-même." Vesoul, a été directement concerné l'année dernière, puisqu’Alain Chrétien a reçu une lettre de résiliation de son assureur l'été dernier. "C’est de l’incompréhension, de la colère, avec l’impression d’être maltraités alors qu’à Vesoul, on a ni émeute, ni problème climatique. C’est donc un problème structurel qui touche beaucoup de communes, quelle que soit leur situation", confie l'élu.

Les communes concernées sont celles avec des services publics à assurer, tels que des crèches, des écoles ou des gymnases. En conséquence, les communes rurales et très rurales ne sont pas touchées, mais à partir de 3 000-3 500 habitants, elles commencent à être concernées. Y compris les grandes régions comme l'Ile-de-France, où Valérie Pécresse rencontre, elle aussi, des problèmes d’assurance. 

  • L'oligopole des assureurs de collectivité

Un autre problème mis en avant par le rapport, c'est l'oligopole dans l’assurance des collectivités. En effet, le marché de l'assurance des biens des collectivités est dominé par deux principaux acteurs, Groupama et la SMACL, limitant ainsi la concurrence. Cette concentration crée des rigidités dans la négociation et dans l'expression des besoins des collectivités. "Jusqu'à présent, on utilise l'appel d’offres. À ce moment-là, soit l'assureur répond à la demande, soit il ne répond pas. S'il ne répond pas, on n'a aucune autre manière de faire appel à lui, donc c'est très compliqué pour nous d'avoir un assureur qui répond exactement à nos besoins", détaille Alain Chrétien. 

Le maire de Vesoul reconnaît également que les collectivités ne connaissent pas toujours leurs besoins. En effet, ce rapport met en lumière le fait que de nombreuses collectivités ne disposent pas d'un inventaire complet et fiable de leurs biens, ce qui nuit à leur capacité à souscrire des assurances adaptées. 

  • Dérèglement climatique et événements sociaux

Le rapport met également en lumière le fait que le dérèglement climatique et les événements sociaux récents ont aggravé les difficultés pour assurer les biens publics, notamment à cause de risques accrus comme les inondations et les mouvements sociaux. "Pendant 10 ans, il y a eu une guerre des prix durant laquelle les assureurs ont baissé les prix pour les collectivités. Tout le monde était content, parce qu'on payait des primes de plus en plus faibles. Sauf qu'à la fin de la décennie dernière, le climat s'est déréglé, on passait de 2 milliards de dégâts en globalité en France chaque année, à 10 milliards, voire 15 milliards en 2022, souligne Alain Chrétien. Donc les dépenses explosent. Vous y rajoutez la couche des émeutes de l'été dernier et tout le système s'est effondré. Le climat et les émeutes sont des circonstances aggravantes qui font qu'aujourd'hui, le marché est totalement bloqué."

Ces derniers mois certains maires ont même choisi de ne pas déclarer de sinistre, pour ne pas perdre leur unique assurance. C'est le cas de Valentigney dans le Doubs. "Je n'ai pas déclaré à l'assurance que j'avais eu un problème", explique Philippe Gautier, maire (Horizons) de Valentigney. Comme d'autres communes, il a préféré payer les réparations de sa poche. 

Quelles sont les attentes des collectivités ?

Alain Chrétien précise qu'il souhaiterait des assureurs de terrain. "On est comme les particuliers, on signe un contrat électronique par le biais d'internet et on ne rencontre jamais son assureur. Nous, on veut revoir des assureurs sur le terrain pour travailler avec eux, sur la modernisation de nos écoles ou de nos gymnases". En plus de cela, il aimerait que tous les assureurs reviennent sur le marché pour qu'ils puissent se partager les risques des collectivités. "Un bon risque, est un risque qui est partagé dans le temps et dans l'espace, affirme le maire de Vesoul. Il ne faut jamais faire peser le risque sur un seul article, un seul acteur, à un seul moment".

Alain Chrétien ne cache pas sa crainte : "Notre inquiétude, c'est qu'à la prochaine crise climatique ou sociale, le système s'effondre complètement et que les assureurs se retirent totalement du monde des collectivités locales".

"ll n'est moralement pas possible que les Français payent pour les casseurs"

Parmi les solutions explorées, le rapport pointe du doigt les risques et préconise d'améliorer la prévention en matière de gestion des risques sociaux et d'encourager une meilleure coordination entre les collectivités, les assureurs et l'État.

Cela inclut l'intégration de stratégies de gestion de crise pour faire face aux épisodes de violences urbaines. En effet, les collectivités ont vu une augmentation des actes de vandalisme et de dégradations pendant des périodes de troubles sociaux, comme les manifestations des "gilets jaunes", la réforme des retraites ou d'autres mouvements sociaux. Si jusque-là, ce risque n'est pas pris en compte, il faut que cela change. Car pour Alain Chrétien, hors de question que le citoyen paye, à travers une hausse des impôts, pour payer des investissements qui ne sont plus couverts. "Il n'est moralement pas possible que les Français payent pour les casseurs. Il faut donc que les assureurs s'organisent pour dégager des fonds", affirme-t-il. À ce titre, il propose que le fonds du GARAET (Gestion de l'Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et actes de Terrorisme) soit élargi aux émeutes, "pour qu'en cas de gros problèmes, comme on l'a connu en 2023, ce fonds vienne en garantie".

Il met en évidence un besoin, pour les collectivités, de "s’acculturer au risque" et leur recommande de se former davantage à la gestion du risque, y compris en matière de risques sociaux. Mais aussi de mener un véritable travail de recensement et prioriser les risques afin de pouvoir mieux anticiper.

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