Après avoir installé un bout de "route chauffante", une commune du Doubs fait le buzz malgré elle

Très chère énergie. À l’heure où les prix de l'électricité et du gaz s'envolent, à l'heure où la sobriété énergétique est demandée par le gouvernement, les travaux qui ont eu lieu en septembre sur la commune de Jougne dans le Haut-Doubs ont fait bondir certains internautes. On vous explique.

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“Des câbles chauffants sous la route pour éviter quelques désagréments à une poignée de personnes”

Un post le 4 octobre sur la page facebook de Mr Mondialisation, a suscité de nombreux commentaires. Ce site, un blog fondé par un Belge en 2004 se veut un média citoyen, gratuit, engagé et indépendant. Il est alimenté par des rédacteurs et des militants. Il aborde régulièrement les questions de croissance ou d'environnement. Mr Mondialisation a publié une photo des travaux de cette chaussée chauffante dans le département du Doubs, lançant le débat.

« Alors que les politiques nous bourrent le crâne sur nos responsabilités individuelles, les économies énergétiques de chacun, la rupture de nos conforts avec la pénurie énergétique à venir, ici, à Jougne, dans le Doubs près de la frontière, la commune juge nécessaire d'implanter des câbles chauffants sous une route d'un village placé à 1000 m. La neige étant de moins en moins fréquente, il paraissait néanmoins absolument vital pour le maire de répondre aux caprices des frontaliers ne supportant pas la neige, le gel, n'habitant un village de moyenne montagne que pour profiter du travail en Suisse à proximité”. Les commentaires n’ont pas tardé. “C'est du grand n’importe quoi. Honteux. Surréaliste. Pourquoi ne pas chauffer les rues ?”. Pour certains internautes, ce type de travaux est inacceptable à l‘heure où le gouvernement appelle les Français à la sobriété énergétique.

Nous avons pu joindre l’internaute qui a alerté le site Mr Mondialisation. “J’ai d’abord voulu pointer l’incohérence indubitable entre de tels travaux à l’efficacité énergétique douteuse, et la mode courante consistant à demander aux Français moyens de réduire leur consommation énergétique” dit-il. Le projet global de travaux a coûté 280.000 euros dit-il ayant eu accès aux documents de passation de marché. “Rajoutons à cette dépense énergétique stérile un bilan carbone considérable qui aurait pu être largement évité : mobilisation de véhicules de chantiers énergivores et polluants, fabrication et épandage de bitume (330 tonnes pour la chaussée, 650 m2 pour les trottoirs), décroutage de 600m2, 1800 m3 de déblai et j’en passe !” précise l’homme qui déplore, “qu’encore une fois, le véhicule individuel soit au cœur des décisions politiques”.

“Vous êtes gentil mais cette route en hiver est impossible à monter ! Alors non, ce n'est pas un caprice, c'est indispensable !”

Sur les réseaux sociaux, le post a été très vite commenté également par les habitants du secteur, piqués au vif. Pour Laurine, ce post a été écrit “par une personne qui ne comprend pas à quel point une route aussi pentue quand elle est verglacée est très très dangereuse ! Sûr que cette personne n'habite pas ici comme moi à Jougne, je ne prends pas cette route, mais une autre qui chaque hiver est enneigée et je suis obligée de chaîner pour faire les 300 derniers mètres ! Ce n'est pas une question de confort, mais bien une question de sécurité ! Alors arrêtez de parler sans savoir, avant de crier au scandale je vous invite à venir voir sur place !” dit la femme. "Je préfère ça que sur quelques mètres plutôt que le salage intensif qui lui est un véritable problème pour les sols et les véhicules" ajoute Pepo.

La sécurité n’a pas de prix estime le maire de la commune

Un peu surpris forcément par ce buzz sur les réseaux sociaux, le post ayant été partagé près de 1000 fois, le maire de Jougne Michel Morel s’explique sur la démarche. Oui, des travaux ont bien eu lieu ces dernières semaines pour aménager la rue de la fougère et pour y installer des câbles chauffants reliés au réseau électrique. Coût du matériel : 17.000 euros précise la municipalité.

“C’est une route qui fait 250 à 300 mètres, elle est en pente entre 16 et 24 %, mal exposée, souvent verglacée. Elle arrive sur la route centrale du village à angle droit. Installer des câbles chauffants sur une vingtaine de mètres va permettre aux habitants de s’arrêter en toute sécurité. Une soixantaine de familles avec des enfants empruntent cette rue. Le coût pour chauffer ne sera pas énorme, le système muni d’une sonde se déclenche uniquement lorsque la chaussée gèle, cela ne tourne pas en continu” précise l’élu qui souhaite jouer la transparence.

Je comprends que certains montent au créneau, mais aujourd’hui, la sécurité, la vie des enfants de la commune est plus importante. On crierait au scandale si on ne faisait rien !

Michel Morel, maire de Jougne dans le Doubs

Pointée du doigt pour ses câbles chauffants, la commune de Jougne estime qu’elle est pour sa part vertueuse en matière de consommation énergétique. Elle dit avoir toujours voulu être exemplaire. L’école de 800 m2 a été réalisée avec du bois uniquement local, du bois de la commune, elle est chauffée avec de la géothermie, précise le maire. La commune possède aussi une turbine sur la rivière pour produire de l’électricité. La "route chauffante" pourrait à terme être raccordée sur ce réseau local de production d’électricité, estime le maire.

De la chaleur demain sous nos routes ?

Utiliser la chaleur pour déneiger, sécuriser les routes, un scénario qui interroge à l’heure où le coût de l’électricité s’envole. En Franche-Comté, des expérimentations ont eu lieu dès 2013 sans avoir à utiliser de l'électricité mais en stockant la chaleur produite elle même par la route ou en utilisant des réseaux déjà existants.

A Gilley, dès 2013, une chaussée en partie réchauffée grâce à de la géothermie a été expérimentée . Le procédé remonte la chaleur du sol à la surface grâce à une pompe à chaleur.

En 2017, le parking du lycée Xavier Marmier à Pontarlier a été relié au réseau de chaleur urbain pour être ainsi dégivré en période hivernale, sécurisant les automobilistes, les bus et certains trottoirs.

Un procédé qui pourrait séduire les collectivités ou entreprises qui se veulent vertueuses en matière de transition énergétique, ou qui veulent réduire leur dépendance à l'électricité, fuel ou gaz.

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