En Suisse, des associations accompagnent depuis plusieurs années les éleveurs au retour du loup en améliorant la connaissance du grand prédateur et des techniques de protection et d’effarouchement. Dans la vallée de Joux, Julien Regamey, de la fondation Jean-Marc Landry, fait partie de ceux qui œuvrent pour une meilleure cohabitation entre le canidé et la population.
Dans la Vallée de Joux, en Suisse, s’étendent 360 km² de forêt. C’est le territoire de la meute du Marchairuz, composée de deux loups adultes et six louveteaux nés en 2022. C’est aussi le territoire de Julien Regamey. Ce photographe, spécialiste du loup, guette les traces de l’animal depuis de longues années. « Le loup a bercé toute ma vie, raconte-t-il avec douceur. Depuis mon enfance, j’ai rêvé tout petit d’entendre un loup dans nos forêts jurassiennes. »
Dans la région, le retour du loup remonterait à 2013 d’après les indices laissés par le canidé. L’espèce avait été « exterminée par les chasseurs il y a moins d’un siècle », d’après le Pôle Grands Prédateurs et le Collectif Loup Massif du Jura, deux associations régionales. Ces loups gris du Massif du Jura sont ainsi des individus de la Chaîne des Appenins en Italie qui se sont déplacés dans les Alpes du sud (Mercantour) avant de rejoindre notre territoire.
Plus j’ai grandi, plus j’ai continué à essayer de trouver des traces dans nos forêts, autant enfant que maintenant, et ça m’a amené à travailler sur le suivi local de ces animaux.
Julien Régamey, Fondation Jean-Marc Landry
Avec persévérance, le photographe est parvenu à entrer dans l’intimité de ce grand prédateur. C’est même devenu son métier puisqu’il travaille avec la Fondation Jean-Marc Landry, qui collabore avec le département de l’agriculture du canton de Vaud (DGAV). En Suisse, plusieurs associations accompagnent en effet les éleveurs au retour du canidé en améliorant la connaissance du grand prédateur et des techniques de protection et d’effarouchement.
Mieux comprendre le comportement du loup
Le printemps, c’est la saison des amours pour les loups. Entre février et mars, les prédateurs entrent dans une phase de reproduction, ce qui peut modifier les comportements de la meute. « Les jeunes sont dissociés des adultes régulièrement, donc ils vont découvrir leur milieu, détaille le spécialiste. C’est pour cela qu’on a des loups solitaires au pied du Jura. Et d’un coup, il y en a qui en voit un à Bois d’Amont, dans la vallée. En fait, c’est toujours le même loup qui fait sa petite boucle et découvre son milieu parce qu’il n’est pas avec les adultes. »
Voir l’animal de ses propres yeux reste un privilège. Pour réaliser son suivi de la meute, Julien Régamey a disséminé une centaine de caméras dans la forêt. Une manière d’observer les loups de près et d’en étudier les passages. « Ces caméras, la plupart des éleveurs de la région, ont le droit d’aller les contrôler. En été, les bergers qui passent à côté, tous les jours, profitent pour les voir », détaille Julien Régamey. En effet, comprendre les déplacements du loup permet d’aider les éleveurs de bovins à prévenir ces possibles intrusions. D’ici la mi-mai, les vaches retourneront aux alpages, dans cette vallée qui a été particulièrement touchée par les attaques du canidé l’été dernier. « S’il y a un loup, ils contactent la Fondation Jean-Marc Landry et on se déplace sur le secteur, reprend le spécialiste. On contrôle la caméra, pour voir quels individus sont passés et si on doit faire, la nuit qui suit, de la surveillance ou de l’effarouchement. »
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Une approche qui permet de concevoir une cohabitation possible entre le loup et la population, en accompagnant les éleveurs en particulier. « Le loup, on ne pourra pas l’éradiquer, commente Julen Régamey. Aujourd’hui, il est revenu partout, il a peuplé quasiment tous les milieux. Il s’est adapté à l’homme, il a peur de l’homme et passe tout son temps à essayer de l’éviter. Donc maintenant c’est à nous aussi de nous adapter. » Ces mesures ont été mises en place depuis plusieurs années.
En France, cette stratégie pourrait-elle voir le jour ? Aujourd'hui, sur dérogation préfectorale, des tirs de défense sont autorisés pour éliminer des individus d'une meute. Ces décisions de dernier recours, très encadrées, restent controversées. Pour Julien Régamey, cette politique de tirs ne semble pas viable : « Il y a eu des tirs régulés, certains ont éliminé des individus. Mais ce n’est pas l’avenir de tirer des loups, ce n’est pas l’avenir de mettre des gens dans tous les alpages pour éviter les attaques. L’avenir c’est de penser à protéger pour éviter de se faire prédater une bête. »