Le 20 mai est la date dédiée à la Journée mondiale des abeilles. Alors que dans de nombreuses régions, les populations de ces insectes pollinisateurs diminuent, la Franche-Comté n’échappe pas à ce fléau. Professionnels et amateurs se mobilisent à leur niveau pour tenter de protéger ces insectes indispensables à la biodiversité.
Leur miel est toujours aussi convoité, mais les abeilles, elles, peinent à produire. Alors qu’en 2020, la Bourgogne-Franche Comté comptait 4 639 apiculteurs déclarés selon une étude de l'établissement FranceAgriMer, professionnels comme amateurs se désolent de voir les abeilles sur le déclin. "L’apiculture d’aujourd’hui n’est plus la même qu’il y a 40 ans", témoigne Adrien Ducouloux, apiculteur amateur à Saône, dans le Doubs. Si, selon l’ANSES (Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale), "la mortalité des abeilles est un phénomène normal dans les ruchers" dans une certaine mesure, "depuis le milieu des années 80, des phénomènes de surmortalité des colonies d’abeilles sont observées à l’échelle mondiale." Un fléau qui n’épargne pas le Doubs. "On a eu une sortie d’hiver de 2022 qui a été pour certains apiculteurs, y compris les professionnels, liée à une perte massive d’abeilles, déplore Michel Mesnier, président du Syndicat apicole du Doubs. Des moyennes de 40% de pertes, c’est énorme."
En cause, une multiplicité de facteurs selon lui. "L’environnement de l’abeille change, le changement climatique est là, je pense également que la sécheresse 2022, et surtout les mois de juillet et août, a été préjudiciable à beaucoup de colonies." Même s’il est difficile de démontrer précisément les origines de ce fléau de manière globable, l’ANSES répertorie également " l’appauvrissement des sources d’alimentation en raison de la monoculture", mais aussi "les pratiques apicoles", et "l’exposition aux produits chimiques employés dans l’environnement." Le déclin des abeilles, qui représentent "90% des insectes pollinisateurs aux côtés de bourdons, papillons ou de mouches" pourrait avoir des conséquences importantes pour "la diversité des espèces végétales et l’offre alimentaire", alerte l’établissement. En effet, 90% des espèces végétales à fleurs dépendent uniquement des insectes pollinisateurs pour leur reproduction. "Sans abeilles, on va manger des nouilles et des patates !", résume Michel Mesnier.
Le Doubs, moins touché que d'autres départements
Pour l’instant, dans le Doubs selon le président du syndicat, les abeilles sont encore un peu épargnées sur certains aspects. "On n’a pas de grande monoculture, on a encore la chance d’avoir des haies, on en replante. Cela va faire du bien aux abeilles et aux autres insectes", souffle-t-il. Les fortes températures, qui sont vouées à être de plus en plus fréquentes, atteignent également moins ces insectes que dans certains autres territoires de l’Hexagone. "Dans le Midi en 2017, des apiculteurs nous envoyaient des messages en nous disant que la constitution de la ruche, l’arbre de cire, s’effondrait tellement il faisait chaud. Dans le Doubs, on n’en est pas là". "Sur le plateau, il y a le Comté, et donc beaucoup de prairies, encore un peu de haies, de la forêt, renchérit Adrien Ducouloux. Les températures sont quand même moins élevées qu’en plaine, ou que plus au sud de la France. Dans le Doubs, ce n’est pas là où on a les plus gros pics de chaleur".
Pourtant, les sécheresses de l’été passé et celles qui pourraient frapper la région dans les mois et années à venir poussent à la vigilance. Même si les abeilles peuvent réguler elles-mêmes la température de la ruche en créant une circulation d’air, "la sécheresse ne permet pas au nectar des fleurs de monter, et les abeilles n’ont plus rien à butiner, c’est ce qui s’est vu l’année dernière l’été", rappelle l’apiculteur.
Le frelon asiatique et le varroa, véritables causes de mortalité des abeilles
Autre problème dans la région, l’arrivée du frelon asiatique, qui représente un réel danger pour les ruches. "Les frelons asiatiques viennent devant les ruches, capturent les abeilles, les coupent en deux et partent avec le thorax et avec toutes les protéines qu’il y a dedans. À l’intérieur de la ruche, ils prennent aussi le miel et le pollen", explique Michel Mesnier.
Le varroa, un acarien parasite arrivé dans les années 1980, est aussi une source de mortalité non négligeable. "Ça a un impact extrêmement important, souligne Adrien Ducouloux. L’abeille ne sait pas bien se défendre, car il n’était pas présent avant. Il faut surveiller l’infestation, et si elle est trop élevée, il faut parfois leur donner des médicaments pour aider les abeilles." "Avant le varroa, la durée de vie d’une reine était de 6 ans. Aujourd’hui, elle est de deux ans", regrette Laurent Rivet, apiculteur à Vantoux.
Les initiatives locales de protection se multiplient
Si la situation n’est pas (encore) totalement alarmante dans le département, protéger ces insectes est déjà à l’ordre du jour. Alors qu’au niveau national, un "plan pollinisateurs" a été annoncé pour la période 2021-2026 par le ministère de la Transition écologique et le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation, les apiculteurs du Doubs ont déjà adapté leurs pratiques dans leurs cheptels."On met des fois la ruche vers des bosquets, des haies, donc une partie de la journée, elles auront de l’ombre, et c’est très favorable à la survie, notamment en cas de sécheresse. Ne pas les mettre en milieu de champ où elles seront au soleil du matin au soir", déclare Adrien Ducouloux. Autre solution complémentaire : " réduire les entrées de ruche" à l’aide de grilles pour éviter que les frelons asiatiques n’y engouffrent.
Et pour une sensibilisation plus large, le Syndicat des apiculteurs du Doubs (qui compte 400 adhérents), assure des cours pour les jeunes intéressés qui "ont envie de se consacrer à l’abeille." À Charquemont aussi, l’association le Rucher Pédagogique des Érauges, créée en fin d’année 2022, a pour but de "communiquer, sensibiliser au maximum les habitants". Concrètement, cela passe par "leur dire qu’ils ne sont pas obligés de faucher le gazon tous les quinze jours, qu’ils peuvent laisser les plantes pousser, ne pas hésiter à faire pousser des plantes mellifères qui produisent du nectar", développe Adrien Ducouloux, qui en est membre.
Autre initiative : sur une surface de terrain fournie par la mairie, l’association "va mettre en place une marre pour que les abeilles aient de l’eau lorsqu’elle vient à manquer, planter un verger, laisser l’herbe pousser, replanter des haies, reconstituer un murgé qui sera un abri pour les petites bêtes" L’espace sera accessible au public via un chemin de randonnée, qui devrait passer au sein du terrain. Les premiers aménagements de la mare devraient commencer la semaine prochaine, indique Adrien Ducouloux. Pour lui, la protection des abeilles passe notamment "par la replantation de haies" et la "diversification des prairies"
D'autres moyens de participer à la sauvegarde des abeilles
Toutefois, il existe d’autres moyens, notamment financiers, de sauvegarder les ruches et leurs travailleuses. De nombreuses associations proposent à qui le veut, entreprise ou particulier, de parrainer une ruche partout sur le territoire, dont certaines en Franche-Comté. La région Bourgogne Franche Comté peut aussi subventionner, via un dispositif expérimental en faveur des insectes pollinisateurs sauvages, des associations, des collectivités, des syndicats ou encore des organismes de recherches ou universités qui auraient des projets portés sur l'amélioration des connaissances sur les pollinisateurs, ou mèneraient des actions écologiques concrètes en faveur de leur bien-être. Un seuil de subvention régionale minimum est fixé à 5 000 € par projet.
De son côté, si Michel Mesnier reconnaît qu’il "faut éviter une concentration trop importante d’abeilles", il insiste aussi sur le danger des pesticides qui nuisent aux pollinisateurs. "On fait des constats sur nos ruches. On voit que nos abeilles ne sont plus là, mais on en a besoin de ces insectes-là."