Les Soulèvements de la Terre : « Nous ne sommes pas des écoterroristes », des Francs-Comtois réagissent au projet de dissolution du mouvement

La première manifestation soutenue en France par Les Soulèvements de la Terre a eu lieu à Besançon en 2021 pour s’opposer au projet immobilier du quartier des Vaîtes. La volonté du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin de dissoudre Les Soulèvements de la Terre révolte des militants francs-comtois engagés dans ce mouvement.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Une vingtaine de Bisontins engagés dans différents mouvements écologistes se sont déplacés pour manifester à Sainte-Soline le week-end des 25 et 26 mars. Ces jours-là, ils répondaient à l’appel du mouvement Les Soulèvements de la Terre pour marquer leur opposition à la construction d’une "méga-bassine". C’est la question du « partage de l’eau » qui était posée.  

Légalité versus légitimité

Parmi eux, deux militants du collectif Extinction Rébellion. Âgés de 36 et 40 ans, ils ont souhaité rester anonymes et précisent qu’ils s’expriment seulement en leur nom, n'ayant pas eu le temps de consulter l'ensemble de leur collectif. Sur le site d’Extinction Rébellion, le groupe de Besançon explique « être entré en rébellion » en 2019 : «  Nos actions sont tournées vers des problématiques locales contre l’artificialisation des terres avec la zone naturelle des Vaîtes, la publicité dans l’espace public, pour le développement des espaces verts urbains ». 

Des actions de désobéissance civile qui ne sont pas associées à des actes de violence sur des personnes. Quelle définition donnée à la désobéissance civile ? "C'est faire face à la légalité par la légitimité", répondent les militants d'Extinction Rébellion.

« Psychologiquement, je suis marqué, raconte le militant d’Extinction Rébellion. J’ai encore du mal à décrocher. On ne s’y attendait pas. On peut littéralement parler de champ de bataille. Le ministre de l’Intérieur est responsable de la violence constatée à Sainte-Soline »  précise-t-il en faisant référence à l’usage d’un vocabulaire belligérant par le ministre.

Je me questionne beaucoup. Je suis entre l’admiration de ceux qui sont allés au contact pour permettre d’aller au bout de l’objectif affiché de cette manifestation et jusqu’où on va dans cette réponse à l’escalade de la violence.

Membre d'Extinction Rébellion Besançon

Cécile Muret n’était pas à ce rassemblement de mars à Sainte-Soline mais elle a participé à d’autres manifestations contre les "méga-bassines". « Cela fait 20 ans que la Confédération Paysanne s’oppose à ces projets en Poitou-Charentes », précise la maraîchère du Jura. Cécile Muret est secrétaire générale de la Confédération Paysanne Bourgogne Franche-Comté et responsable de la commission travail sur le foncier.  

Pour nous, la violence commence lorsque l’on atteint une personne. La limite, c’est quand il y a atteinte à l’intégrité physique et psychologique de quelqu’un.

Cécile Muret, secrétaire générale de la Confédération Paysanne BFC

Le syndicat agricole ne se résout à des actions de désobéissance civile que lorsqu’il n’arrive pas à se faire entendre dans les instances où ils siègent.  C’est ce qu’a fait Nicolas Girod, le Jurassien porte-parole de la Confédération Paysanne. En novembre 2020, le militant avait démonté un bout d’une pompe d’une "méga-bassine" en signe de dénonciation de cette gestion de l’eau.

Interrogée sur la violence des affrontements de mars dernier à Sainte-Soline, Claire Arnoux, la présidente de l'association bisontine Les Jardins des Vaîtes estime que « la violence ne nait pas des manifestants, elle est intrinsèque au système capitaliste » en faisant référence aux propos de Jean Jaurès dans son discours de 1906.

Premier acte, saison 1 à Besançon

 

La présidente de l’association des Jardins des Vaîtes à Besançon n’était pas, cette fois-ci, au rassemblement de Sainte-Soline.  Son association fait partie du mouvement Les Soulèvements de la terre. Et c’est même à Besançon que le mouvement écologiste a organisé sa première action pour dénoncer « L’artificialisation des terres » dans le quartier des Vaîtes avec le projet de construction d’un éco-quartier. C’était le 27 mars 2021.

La lutte de l’association « Les Jardins des Vaîtes » à Besançon fait partie des 42 sites sous surveillance du ministère de l’Intérieur, selon les informations publiées par le Journal du Dimanche du 2 avril.

En Bourgogne-Franche-Comté, un autre site est mentionné sur la carte provenant des informations du ministère de l’Intérieur : celui concernant l’opposition à l’écoquartier des Maraîchers à Dijon. Dans la capitale bourguignonne, des militants vivent depuis 2010 dans ce « quartier libre » appelé aussi Les Lentillères. Un lieu de vie construit sur le modèle de l’autogestion pour « résister à un projet immobilier ». Cette occupation permanente est considérée par le ministère de l’Intérieur comme « une contestation radicale et violente.

 

Le ministère de l’Intérieur estime que les actions de l’association de Besançon Les jardins des Vaîtes est  "une contestation susceptible de se radicaliser à court terme". Ces deux lieux de notre région seraient « surveillés » par les préfectures comme « le lait sur le feu ».

« Je suis un défenseur du vivant »

Ces militants se considèrent-ils comme des  « écoterroristes » comme l’affirme Gérald Darmanin ? « Au début, cela nous a fait rire, réagit Claire Arnoux, la présidente de l’association. Mais en fait, c’est dramatique. Darmanin est dangereux par rapport aux libertés publiques. Il est en train de criminaliser des écologistes. Nous ne sommes pas une menace pour les libertés publiques ».

Pour Cécile Muret, de la Confédération Paysanne, utiliser cette expression, c'est « dévoyer les mots ». « Nous ne sommes pas des « écoterroristes » car le principe du terrorisme, c'est de porter atteinte aux personnes et nous ne le voulons pas », précise Cécile Muret.

Le militant d’Extinction Rébellion refuse aussi ce mot d’ « écoterroriste ». « C’est le vocabulaire de la terreur pour légitimer la stratégie de la terreur, estime-t-il. C’est dangereux. Je suis un défenseur du vivant, je veux donner à l’humanité une meilleure trajectoire.  Je suis extrêmement choqué par les déclarations de Darmanin. C’est nauséabond. Je me demande si on n'est pas à un point de bascule du point de vue politique ».

Convergence de cultures

Faire partie des Soulèvements de la Terre n’implique pas forcément d’utiliser la violence. « Il faut comprendre que nous venons de tous les horizons avec des degrés d’engagement plus ou moins importants" , expliquent les militants d'Extinction Rébellion.

Le principe même des Soulèvements de la Terre est justement cette diversité. Pour Claire Arnoux, les marches pour le climat ont conduit à une impasse d’une certaine forme de militantisme.

Il y avait un besoin de rapprocher les luttes paysannes et luttes citadines pour se donner plus de force dans le cadre d’un collectif national.

Claire Arnoux, présidente de l'association Les Jardins des Vaîtes

La militante bisontine a participé à la création du mouvement Les Soulèvements de la Terre à la ZAD (Zone à défendre) Notre-Dame des Landes près de Nantes au tout début de 2021. « L’idée est de pouvoir donner un coup de projecteur sur des luttes locales », explique la Bisontine. C’est comme appartenir à un réseau. C’est dans la nature humaine de se regrouper ».

Pour les militants d’Extinction Rébellion, ce mouvement, c'est la « création d’une porosité, d’une convergence de cultures entre nos mouvements. On voulait créer un espace politique pour que chacun ait sa place avec des modes d’actions plus efficients et plus efficaces ».

Il y a tout juste un an, une autre action de « reprise de terres » était organisée à Besançon avec la création d’une Amapirate : des terres cultivées dans le secteur des Vaîtes sans autorisation du propriétaire.

 « Nous, on estime légitime de cultiver ces terres » estime Claire Arnoux en rappelant les décisions qui leur sont favorables du Conseil d’État et du tribunal administratif.

La Confédération Paysanne soutient les actions de « reprise de terres » qui a lieu aux Vaîtes. « Il y a des liens organiques entre la Confédération Paysanne et Les Soulèvements de la Terre. Nous partageons les mêmes constats.  Sur les idées, on se rejoint pleinement. On sait bien qui sont nos ennemis : l’industrie agro-alimentaire, celle des pesticides, les responsables de l’artificialisation des terres », déclare Cécile Muret.

Dans le Jura, à Passenans, trois propriétaires d’un groupement foncier viticole possèdent des terres viticoles laissées en friche.  Fin janvier 2022, près de 600 militants sont venus pour défricher deux hectares. « Il y a des victoires cachées. On a mis la pression sur les acteurs du foncier. Sans Les soulèvements de la Terre, nous n’aurions jamais été 600 à Passenans. Cette action a marqué fortement le territoire ». Actuellement, un collectif de vigneron est intéressé par le rachat de ces terres.

« On ne peut pas dissoudre des idées »

Comme plus de 60 000 personnes, Claire Arnoux et Cécile Muret ont signé la pétition « Nous sommes les soulèvements de la Terre » mise en ligne le 30 mars par le quotidien Le Monde. D’emblée, le texte affirme « on ne dissout pas un mouvement qui gronde, on ne dissout pas une révolte qui se prépare. (…) Nous sommes le peuple de l’eau et nous sommes multiples, insaisissables ».

Ce vendredi 7 avril, des militants des Soulèvements de la Terre ont tenu une conférence de presse près de la place Beauvau. Deux jours après l'annonce du projet de dissolution par Gérald Darmanin, le mouvement a reçu un courrier officiel à ce sujet. Les militants des Soulèvements de la Terre avaient dix jours pour répondre. Ce vendredi 8 avril, ils ont déposé au ministère de l’Intérieur un courrier de 10 pages expliquant les raisons pour lesquelles ils récusent les arguments du ministère de l’Intérieur qui veut « dissoudre » le mouvement. Les Soulèvements de la Terre regroupe une centaine d'organisations et de collectifs.

L’éventuelle décision de dissolution pourrait être prononcée ce mercredi 12 avril. Les soutiens du mouvement Les Soulèvements de la Terre tiendront justement ce soir-là un meeting pour partager leurs idées.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information