Un Français qui vivait depuis 10 ans à Clos du Doubs (Suisse) dans le canton du Jura, s’est vu refuser sa naturalisation par l'assemblée communale parce qu'il aurait débroussaillé et tondu les jours fériés et n'aurait pas fini les travaux de sa maison. Il a déposé un recours auprès du juge administratif.
"Je confirme qu’effectivement j’ai passé la tondeuse un dimanche. Une seule fois en dix ans et j’avais alors arrêté dès qu’on me l’a demandé", explique Olivier Poulain dans Le Quotidien jurassien. Le ressortissant français est installé depuis dix ans à Clos du Doubs (Suisse), à 15 km à peine de la frontière avec la Franche-Comté. Mais il ne pensait sans doute pas que cette petite erreur lui coûterait aussi cher !
Le voilà privé en effet du passeport rouge tant espéré. Lors de la dernière assemblée communale le 27 mars 2024, l'homme, âgé de 56 ans, s'est vu refuser sa demande de naturalisation par 13 voix contre 11 et 6 abstentions. Un citoyen a ainsi signalé qu'il n'a pas respecté la tranquillité publique "à plusieurs reprises, notamment en travaillant les jours fériés", en passant la tondeuse ou en débroussaillant. Une voisine lui reproche également d'être "peu présent à Epauvillers", le hameau où se trouve sa maison familiale. Maison qui serait "encore en chantier depuis près de 10 ans provoquant l'envol fréquent de détritus alentour", peut-on lire dans le procès-verbal.
Situation inédite
Un rejet d'autant plus incompréhensible que lors de cette même assemblée, deux Vosgiennes, vivant à Saint-Ursanne, ont obtenu leur passeport suisse à l'unanimité et sans discussion.
Parisien d'origine, ingénieur médical dans une entreprise de l’est de la France, il avait auparavant vécu à Delémont, puis en Haute-Ajoie avant de devenir propriétaire à Clos du Doubs. Sa demande lui semblait donc légitime. "Je suis ancré dans le territoire jurassien. Je veux pouvoir exprimer mon opinion lors des votations fédérales, avait-il avancé pour justifier sa démarche. Pour moi, c'est une suite logique."
"Un bête conflit de voisinage"
Depuis, sa mésaventure a fait le tour de la Suisse et de la France. L'incident fait naturellement le buzz sur les réseaux sociaux. Jean-Paul Lachat, lui, n'en revient toujours pas."C'est la première fois que je suis confronté à une telle situation, a déploré le maire, dans le journal local, alors que la commune de Clos du Doubs a la volonté de donner une image accueillante pour attirer de nouveaux habitants." Un maire bien "ennuyé par cette histoire"" avoue-t-il à France 3 Franche-Comté.
On n'a pas affaire à du racisme comme dans certains cantons centraux de Suisse qui ont parfois montré leur opposition à certains étrangers. Là, on est dans un bête conflit de voisinage. C'est surtout de l'incompréhension. Ce n'est pas très objectif.
Jean-Paul Lachat, maire de Clos du Doubs (Suisse).
Attestation de bonne conduite
Selon l'édile, aucune plainte n'était parvenue jusqu'ici au conseil communal. Olivier Poulain précise de son côté qu'il n'a jamais commis aucune infraction, ni reçu aucune amende. "La commune m’a d’ailleurs remis une attestation de bonne conduite", assure-t-il. Le malheureux postulant va donc déposer un recours devant le juge administratif.
"Malheureusement, l'exécutif communal ne peut pas casser cette décision car c'est "le peuple" en fait qui s'est exprimé, explique encore Jean-Paul Lachat à France 3 Franche-Comté. C'est comme ça chez nous. Le problème de fond, c'est qu'une telle décision ne devrait plus pouvoir être prise par une simple assemblée d'électeurs. Cela s'est fait à deux voix près avec peu de votants !"
Dans le canton du Jura, en effet,, la naturalisation passe encore par l'assemblée communale ou le Conseil général. Ce n’est plus le cas depuis de nombreuses années dans les autres cantons romands, où c’est une Commission des naturalisations, par exemple, qui émet un préavis.
Naturalisation ordinaire en Suisse
Pour mémoire, toute personne résidant en Suisse depuis dix ans (et titulaire d’un permis d’établissement C qui lui permet "de séjourner en Suisse pour une durée indéterminée et sans restrictions") peut déposer une demande de naturalisation ordinaire auprès de sa commune ou de son canton de domicile.
La législation cantonale prévoit en outre une durée de séjour minimale de deux à cinq ans dans la commune et le canton.
Par ailleurs, le candidat doit remplir les conditions suivantes : son intégration doit être réussie, il doit être familiarisé avec les conditions de vie en Suisse et il ne doit pas mettre pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. Si ces conditions sont remplies, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) accorde l’autorisation fédérale de naturalisation et la transmet à l'autorité cantonale, qui rend la décision de naturalisation.
Les derniers chiffres disponibles au niveau helvète parlent de 41 500 naturalisations en 2022, selon l'Office fédéral de la statistique (OFS). Depuis 2023, une initiative populaire tente de récolter les signatures nécessaires pour lancer un projet de facilitation des procédures de naturalisation.
Actuellement, on estime que deux millions d’habitants n’ont pas la nationalité suisse, dans toute la Confédération.