Les migrations de l’hiver réservent parfois de belles surprises et histoires. Dans le pays de Montbéliard (Doubs), Gretl et Claude Nardin, ornithologues, ont fait une improbable rencontre.
Des arbres à demi immergés dans les eaux de la rivière l'Allan. En cette fin janvier, c’est le dortoir choisi par plusieurs grands cormorans. Les deux amoureux de la nature en aperçoivent régulièrement chaque hiver, mais il y a quelques jours, ils ont découvert que l’un d’entre eux, avait, comme Ulysse, fait un long voyage. Sur l’une des photos, une bague rouge est apparue.
“On a pu agrandir l’image et lire la bague partiellement. C’était marqué musée zoologique de Kaunas en Lituanie. Les gens là-haut nous ont donné plus d’informations sur cet oiseau qui a fait 1300 km pour venir jusque ici”, explique Gretl Nardin à notre journaliste Sarah Francesconi. L’oiseau était équipé d’une balise GPS, qui permet de le suivre quasiment en direct.
“Dans le temps, les cormorans migraient surtout le long des cotes, et on ne les voyait pas à l’intérieur du pays. Depuis plus d’une dizaine d'années, ils migrent aussi le long des rivières, des grands fleuves, et on les trouve régulièrement dans le pays de Montbéliard, uniquement en hiver” précise avec passion Gretl.
Des joues orange, et un plumage noir qu’il sèche parfois pendant des heures. Le grand cormoran se reconnaît au premier coup d’œil. Selon le muséum d’histoire naturelle, on trouve en Europe des grands cormorans sur le littoral atlantique, de la Bretagne à la Laponie en passant par l’ensemble des Îles britanniques. En eau douce, le Grand Cormoran niche dans la majorité des pays européens.
Montbéliard est peut-être, par rapport à la Lituanie, la Riviera qui lui plait bien !
Claude Nardin, photographe naturaliste
Dans le département du Doubs, boisé et parsemé de rivières, ruisseaux et lacs, le grand cormoran trouve de quoi se nourrir l’hiver. Il se déplace chaque jour, y compris au-dessus de l'usine Stellantis de Sochaux, se nourrit de poissons. “400 grammes par jour” assure Claude Nardin qui prend la défense de cet oiseau trop souvent mal aimé des pêcheurs. “S’il y a du grand cormoran, c’est qu’il y a du poisson” argumente Claude Nardin.
Un grand cormoran peut mesurer 77 à 94 cm de haut
L’envergure de l’oiseau est d’environ 1,5 mètres. Les grands cormorans, vont passer l’hiver dans le secteur avant de reprendre le chemin de la migration. Claude et Gretl vont continuer à les avoir à l’œil. Car l’oiseau, à la silhouette sombre, n’est pas sans intérêt. Grégaires, les grands cormorans vivent en groupe. “C’est un oiseau qui a un comportement particulier. Ils nichent dans les grands arbres, dorment ensemble. En journée, ils se nourrissent dans l’eau. C’est toujours intéressant à observer” estime Gretl Nardin.
Une espèce protégée, mais qui peut être régulée ponctuellement
Le grand cormoran (Phalacrocorax carbo sinensis) est une espèce animale protégée au titre du Code de l'environnement. Sa destruction, sa capture, sa perturbation, sa naturalisation, la destruction de ses oeufs ou de ses nids sont interdits.
En cas de forts impacts sur la prédation de poissons, des dérogations peuvent être accordées pour permettre la destruction par tir du grand cormoran.
Pour ce pisciculteur du pays de Montbéliard, la présence des grands cormorans venus de Lituanie est tout sauf une bonne nouvelle. Il protège déjà une partie de sa production. "Les prédations des cormorans sur nos étangs peuvent aller jusqu’à 40% de prélèvement, ce qui est énorme. Donc ça veut dire qu’à la fin de l’année nos résultats sont diminués de 40%" assure le professionnel. Selon lui, la prédation des cormorans est telle qu'il faudrait réguler encore plus la population de ces oiseaux en croissance exponentielle selon lui.