Le tableau "L'Origine du monde" du peintre comtois Gustave Courbet (1866) a été pris pour cible et tagué à la peinture rouge ce lundi 5 mai 2024. Les faits se sont produits en début d’après midi au Centre Pompidou-Metz.
Le tableau qui représente le plus célèbre des sexes féminins dans l’art avait été prêté par le musée d’Orsay. Il était heureusement protégé par une vitre. De la peinture rouge y a été apposée. La police a procédé à des prélèvements pour analyse et des interpellations, précise l’Agence France Presse.
Au total, cinq oeuvres ont été taguées de la mention "MeToo", selon le Centre Pompidou-Metz, qui explique dans un communiqué que quelques personnes "ont fait diversion auprès du personnel de médiation et de sécurité, permettant aux autres membres du groupe" de taguer les oeuvres.
Le tableau de Gustave Courbet était exposé depuis le 31 décembre 2023, dans le cadre d’une exposition consacrée à Jacques Lacan, figure majeure de la psychanalyse. Ce dernier, a entretenu une relation très intime avec les artistes du XXe siècle et leurs œuvres. Il a fréquenté, entre autres, Dali, Picasso et Dora Maar. Parmi les œuvres exposées qui entrent en résonance avec la pensée complexe du psychanalyste, le fameux et longtemps objet de scandale : "L'Origine du monde" peinte en 1866 par Gustave Courbet.
Deborah de Robertis, cette artiste performeuse franco- luxembourgeoise a déjà fait parler d’elle
Cette attaque contre le plus célèbre des tableaux de Courbet, a été menée notamment par l'artiste performeuse franco-luxembourgeoise Deborah de Robertis qui en a revendiqué l'organisation. "On ne sépare pas la femme de l'artiste", c’est le nom donné à l’action menée ce jour.
Dans une vidéo transmise par Deborah de Robertis, on voit une femme taguer le célèbre tableau de Courbet à la peinture rouge, une autre un tableau différent. Elles scandent ensuite "Me Too", les bombes de peinture à la main, avant de se faire entraîner vers la sortie par les agents de sécurité.
L'artiste a expliqué avoir souhaité "interpeller l'histoire de l'art" notamment en taguant MeToo sur ce célèbre tableau "car les femmes sont l'origine du monde".
Deux jeunes femmes, nées en 1986 et 1993 et sans antécédents judiciaires ont été placées en garde à vue en début d'après-midi, a indiqué le procureur de la République de Metz Yves Badorc.
Nue, et condamnée par la justice française
Deborah de Robertis a été condamnée en 2020 par la justice française à 2.000 euros d'amende pour s'être montrée nue en 2018 à l'occasion de l'une de ses prestations devant la grotte du sanctuaire de Lourdes (sud-ouest).
Elle a aussi été plusieurs fois relaxée après des actions similaires, notamment en 2017 après avoir montré son sexe au musée du Louvre devant la Joconde, à Paris.
Le nom de Deborah de Robertis apparait aussi en 2018 au moment de la crise des gilets jaunes. Sur les Champs-Élysées, elle avait rassemblé le temps d’un happening cinq femmes se présentent seins nus face aux gendarmes, avec un costume évoquant Marianne.
Deborah de Robertis exposée pourtant près de ‘L’Origine du monde” à Metz
À Metz, Deborah de Robertis, est pourtant bien présente. Et sur les murs. Une oeuvre baptisée "Miroir de l'Origine du monde" est exposée à proximité de "L'Origine du monde" dans le cadre de l'exposition dédiée au psychanalyste Jacques Lacan. On voit l'artiste poser, le sexe nu, sous l'oeuvre de Courbet, une performance qui avait été réalisée le 29 mai 2014 au musée d'Orsay.
"S’attaquer à une œuvre d’art, c'est l’agression suprême"
Thierry Savatier, est auteur du livre référence sur L’origine du monde de Gustave Courbet aux éditions Bartillat. Il fut co-commissaire scientifique de l’exposition du musée Courbet d’Ornans dans le Doubs, “Cet obscur objet de désirs, autour de L’origine du monde” en 2014. Cette attaque menée contre le tableau ne le surprend qu’à moitié.
“Je m’attendais à ce qu’on s’en prenne à “L’Origine du monde”, car il y a certains courants néo-féministes qui considèrent que “L’Origine du monde” est une sorte d’outrage faite aux femmes, car on réduirait la femme à son sexe. Je suis de l’avis contraire. Dans mon livre, j’ai appelé ce tableau “monument à la femme inconnue” car Courbet en un seul tableau restitue à la femme le sexe que toutes les conventions de l’histoire de l’art occidental lui avaient refusé depuis la Grèce antique”.
Cette performance à Orsay ne me choque pas. C’est la libre expression d’un artiste. En revanche, là, Déborah de Robertis s’attaque à l’oeuvre d’art elle-même. C’est une manière de dire “Cela, on n'en veut pas.
Thierry Savatier, spécialiste de Gustave Courbet
“S’attaquer à une œuvre du passé au nom des valeurs d’aujourd’hui, c’est un anachronisme du passé.. C’est s’attaquer au patrimoine de l’humanité”, regrette-t-il.
Une autre oeuvre volée par les activistes
L'enquête a été confiée au service interdépartemental de police judiciaire de Metz. Elle a été ouverte de deux chefs: "dégradation ou détérioration de biens culturels commis en réunion" et "vol d'un bien culturel en réunion". Une troisième personne, qui n'a pas été interpellée, pourrait être en effet à l'origine du vol d'une oeuvre, une broderie rouge sur tissu d'Annette Messager, est baptisée "Je pense donc je suce" (1991).