Pollution des rivières : une fromagerie du Doubs devra bien s'acquitter d'une consignation de 1,5 million d'euros

Le 22 novembre 2023, la fromagerie Mulin de Noironte avait demandé au tribunal administratif de Besançon l’annulation d'un arrêté préfectoral rendant la société redevable d'une consignation de 1,5 million d'euros pour financer des travaux de mises aux normes de sa station d'épuration. Dans une décision rendue ce 26 janvier, le juge des référés a estimé qu'il n'y avait pas urgence à suspendre cet arrêté, en attendant un jugement sur le fond.

"C'est au cœur d'une région verdoyant (sic) et préservée, qu'elle perpétue son savoir-faire" Voici ce qu'on peut lire sur le site internet de la société Mulin de Noironte. Préservée notre région ? La justice du Doubs ne semble pas dupe de la formulation. Le jugement qui se profile pour l'entreprise n'est pas attendu avant plusieurs mois, mais une partie de la réponse vient d'être rendue publique. 

Le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a estimé, dans une décision rendue ce vendredi 26 janvier, que la fromagerie Mulin est bien redevable d'une somme de 1,5 million d'euros, "destinée à être consignée pour permettre le financement des travaux nécessaires à la mise aux normes de sa station d’épuration."

La fromagerie Mulin avait déposé un recours contre un arrêté pris par la préfecture du Doubs le 28 juillet 2023, arrêté qui fixait les contours de cette consignation financière. Si la légalité de l'arrêté n'a donc pas encore été jugée, la demande de suspension en urgence de l'exécution de cette décision, formulée par l'entreprise, est donc rejetée par le tribunal administratif. 

Le juge des référés a admis que "compte tenu de sa situation comptable et financière, le montant important de la somme consignée porte préjudice de manière grave et immédiate à la situation de l’entreprise."

Toutefois, au vu du préjudice environnemental cette fois, le juge des référés a estimé que l'arrêté pris par la préfecture du Doubs n'était pas entaché d'illégalité. Les mesures de préservation du milieu naturel (ruisseaux de Placey, de Noironte et leurs avals) ont donc prévalu dans cette décision, qualifiée "d'intérêt général" face aux "activités non conformes de la société Mulin."

Pas de travaux menés depuis les premières alertes

L'entreprise Mulin et Fils a-t-elle entamé les démarches de mises aux normes ? Le feuilleton administratif et judiciaire commence à prendre de l'épaisseur depuis les premiers signalements de pollution, et les premiers contrôles par les services de l'État en 2020. 

En 2022, une nouvelle pollution touche un ruisseau affluent de l'Ognon, à Recologne dans le Doubs. Des milliers de poissons morts. Reportage : Emmanuel Rivallain, Guillaume Soudat et Pascal Gomez

Durant deux ans, des échanges avaient eu lieu entre la société et la préfecture du Doubs pour régulariser la situation. De nouveaux contrôles avaient mis en évidence un non-respect de ces obligations. La société avait alors été mise en demeure de mener des travaux sur sa station d'épuration, laquelle rejetait des eaux usées dans le milieu naturel. 

Cet ultimatum n'ayant pas été suivi d'effet, la préfecture du Doubs avait donc pris un arrêté de consignation en juillet 2023.

La justice a dit le droit, l'intérêt général s'en trouve renforcé

Jean-François Colombet, préfet du Doubs

La préfecture du Doubs, qui devait attendre la décision du juge des référés pour rendre la consignation effective, nous a confirmé qu'il sera prochainement procédé à la saisie de la somme.

En outre, deux astreintes financières, dont la fromagerie Mulin devenait redevable à la suite de la mise en demeure de la préfecture du Doubs, seront liquidées. Soit 288 000 euros que le Trésor Public est en droit d'exiger à la société.

"C'est les milieux naturels qui trinquent en attendant"

"Ça fait un paquet de mois qu'il ne s'est rien passé", réagit de son côté Cédric Guillaume, juriste à la Commission de protection des eaux (CPEPESC) de Besançon. "Si c'est un arrêté sans qu'il ne soit mis en œuvre, c'est peu efficace. C'est quand même les milieux naturels qui trinquent en attendant."

C'est ce qui est prévu par la loi. Le préfet est tenu d'effectuer cette mise en demeure. Il a plusieurs outils pour aboutir. Ça peut aller jusqu’à la cessation de fonctionnement de l'activité.

Cédric Guillaume, juriste à la Commission de protection des eaux (CPEPESC) de Besançon

Mises en demeure, astreintes journalières, consignations, l'administration a plusieurs outils pour convaincre les industriels, mais les délais se comptent parfois en années, compte tenu des possibles recours judiciaires. "L'industriel a meilleur temps de se mettre dans les clous. Il y en a qui préfèrent payer, ou jouer la montre", déplore la CPEPESC. 

La CPEPESC est par ailleurs partie civile dans le volet pénal de cette affaire. Une enquête est en effet diligentée par le parquet de Besançon. Le procès devait avoir lieu en septembre 2023, il a été renvoyé au mois de mars 2024.

À la publication de ces lignes, l'entreprise Mulin n'avait pas répondu à nos sollicitations.

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