Pour cette édition des “retrouvailles” du Salon International de l’Agriculture”, le lien entre consommateurs et producteurs est constamment mis en avant par les exposants. Le nouveau label “Nous autrement” créé pour “valoriser autrement les producteurs locaux et tous les acteurs de proximité” de Bourgogne Franche-Comté a justement été présenté le 1er mars sur le stand collectif de la Région.
“Ce champ de blé, il faut le voir comme une baguette de pain”. L’image est limpide. Christophe Richardot, directeur général d’Alliance BFC, brandit une baguette de pain comme le nouvel étendard de la Bourgogne Franche-Comté, en préambule de la soirée “gourmande” de la région au Salon de l’Agriculture.
Le responsable d’Alliance BFC qui réunit trois des cinq coopératives agricoles de la grande région, rode son discours de présentation du tout nouveau label “Nous autrement”.
Un de plus ! “Oui, rétorque la présidente du Conseil régional Marie-Guite Dufay (PS). Mais le seul qui met en avant la rémunération des agriculteurs et la provenance de notre région, c’est la même démarche de “C’est qui le patron ?! ” mais uniquement en Bourgogne Franche-Comté.”
“Il faut éduquer le consommateur”
Consommer local, ce n’est pas nouveau mais cela devient une des solutions pour tenter de surmonter les difficultés de la profession. “Il faut éduquer le consommateur” insiste Marie-Guite Dufay.
Après les confinements, la guerre en Ukraine ne fait que renforcer ce besoin de souveraineté alimentaire, un concept qui était tombé dans l’oubli tant que les échanges internationaux ne mettaient pas en péril le monde agricole. “ Réchauffement climatique, renouvellement des générations, changement d’habitudes des consommateurs, géopolitique... Les agriculteurs prennent tout de plein fouet” constate la présidente de Région.
Avec ce label porté par Alliance BFC et soutenu par la Région, il s’agit de mieux identifier le lien entre producteurs et consommateurs pour assurer le revenu des agriculteurs. Une trentaine de producteurs et de PME de Bourgogne et de Franche-Comté ont adhéré dès le début à ce projet. Dans notre grande région, on compte 23 600 exploitations.
Le logo “ Nous autrement” est déjà apposé sur 260 produits, du lait, des œufs, du pain et bientôt sans doute de la viande.
Dans les mois qui viennent, l’objectif est de rassembler 200 producteurs et PME sous cette bannière régionale et de proposer 3 à 400 points de vente.
De la fourche à la fourchette
Lancé il y a seulement cinq semaines, ce label met en avant une démarche déjà largement entamée par Alliance BFC. Fournies par des céréaliers de la grande région, les douze boulangeries d’Alliance BFC, avec celles de l’entreprise Maison Roger, fournissent en pain les hôpitaux de Bourgogne Franche-Comté, les écoles de Dijon et de Besançon.
Cette charte concerne autant les producteurs, les transformateurs que les distributeurs. “Être Nous autrement, c’est partager les valeurs de la charte, être engagé pour sa terre et son territoire, pour l’emploi et l’économie locale, pour une relation avec le consommateur” précise cette nouvelle charte. “
Cette démarche est ouverte à celles et ceux qui s’engagent à produire et transformer en Bourgogne Franche-Comté, dans le respect de pratiques durables et d’une juste rémunération des acteurs.
Alliance BFC
“C’est un label qui contrôle la qualité” assure Marie-Guite Dufay. “Les producteurs et les organisations coopératives s’engagent à réduire leur impact en développant l’agroécologie ou en s’appuyant sur des outils d’aide à la décision, en respectant les bonnes pratiques d’élevage” assure la charte.
Un label parmi tant d’autres
Un label qui pourrait tout de même semer le trouble chez certains producteurs. En 2019, dans notre région 11 % des exploitations franc-comtoises étaient déjà sous indication géographique (AOP, AOC, IGP) ou label rouge. Cela représente 181 produits. “Il ne s’agit pas de venir en concurrence avec les productions qui marchent” veut rassurer Marie-Guite Dufay. Ce qui marche, ce sont les produits AOP, AOC et IGP, gage de qualité pour les consommateurs et de rémunération pour les producteurs. "Ce label, concède Philippe Monnet, président de la FDSEA 25 et producteur de Comté. Cela peut être intéressant pour une dynamique territoriale”.
Agriculture Biologique, Demeter, Bio Equitable en France, Nature & Progrès, Zéro Résidu de Pesticides, Bleu Blanc Cœur, HVE, C’est qui le Patron, Agriconfiance, Label Rouge, AOP... On le sait, le consommateur se perd avec tous ces labels déjà existants.
Une prolifération qui nuit actuellement à l’agriculture Bio dont les ventes sont depuis peu à la baisse. “Les allégations environnementales sont légion et le consommateur est perdu” assure Philippe Camburet, président de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique et céréalier dans l’Yonne. “Le local, sans le bio cela ne rime à rien” poursuit-il. “Cela va dans le bon sens car cela favorise des circuits plus courts mais les valeurs liées aux pratiques des agriculteurs doivent être mises en avant”. Le cultivateur bio doute de l’intérêt de “faire du local pour du local”.
Pour repréciser aux consommateurs les engagements des agriculteurs bio, la profession prépare, elle aussi, un nouveau logo qui sera le gage d’un solide engagement environnemental.
Rassurer le consommateur, avoir sa confiance et lui faire accepter de payer le juste prix. Tous ces labels ont la même finalité. Sur le stand de Connecting Food, une entreprise soutenue par La Ferme Digitale, nous avons rencontrés des agriculteurs vendéens engagés dans cette démarche.
Le digital au service de la proximité
Ils font partie des ambassadeurs de la démarche “ Juste et Vendéen”. "Un agriculteur doit être transparent sur son travail pour une juste rémunération. Le consommateur veut savoir si les animaux sont bien traités, si c’est bon et si les agriculteurs sont payés", expliquent Patrice Remaud et Guillaume Voineau.
Avant d’acheter leurs produits, les consommateurs peuvent photographier un QR code édité par Connecting Food pour avoir accès directement sur leur téléphone à des informations sur l’origine du produit. Un marketing bien rodé qui met en avant la “transparence de la démarche” des producteurs. Il n’y a pas de contrôle extérieur pour vérifier l’engagement environnemental, là encore c’est la proximité qui est mise en avant. Le digital raccourcit le lien entre le producteur et le consommateur. Tout en étant vendu en grande surface, ces produits tracés par Connecting Food offrent un lien direct avec le consommateur. Ce service pourrait intéresser le département de la Côte-d'Or, son président est venu le découvrir sur le salon.
C’est justement ce lien que le label “ Nous autrement” veut privilégier. “En fait, on fait un Egalim simple” explique Christian Richardot, directeur général d’Alliance BFC. Egalim, c’est le nom de la loi votée par le parlement français au lendemain des Etats généraux de l’alimentation de 2017. Son objectif est de parvenir à “l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous”. Une loi largement débattue dans les allées et sur les stands du Salon International de l’Agriculture.
C’est justement ce 1er mars qu’ont dû s’achever les négociations entre la grande distribution et les industriels. Ces négociations déterminent le prix des produits commercialisés pendant l'année. La loi Egalim 2 oblige industriels et supermarchés à tenir compte de l'accroissement des coûts de production agricole. Autre engagement pris lors de ce salon de l’agriculture, la mention obligatoire par les restaurants et cantines de l'origine de toutes les viandes et pas seulement le bœuf à partir du 1er mars.
C’est finalement le même credo que le nouveau label “Nous autrement” : proximité et juste revenu. Le consommateur doit s’attendre à payer “le juste prix” pour s’alimenter localement. Alors que les prix filent à la hausse et que le pouvoir d’achat est en berne, fera-t-il le choix de la solidarité avec le monde agricole ?