Les labels alimentaires en question : le paradoxe de l’AOP Comté

L’AOP Comté fait partie des onze labels ou signes de qualité alimentaire analysés par WWF France - Greenpeace France et le BASIC. Des résultats qui placent l'AOP Comté proche du bio alors que les défenseurs des rivières dénoncent l'impact de cette production sur les cours d'eau de Franche-Comté.

L’AOP Comté fait partie des onze labels ou signes de qualité alimentaire analysés par WWF France - Greenpeace France et le BASIC. Comment se repérer dans la jungle des labels alimentaires ? Pour « éclairer le choix des acteurs et des décideurs politiques », ces associations de défense de l’environnement et le BASIC (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne) ont réalisé une vaste étude analysant les impacts environnementaux et sociétaux de 15 produits affichant l’une de ces étiquettes.

Pour étudier le label AOP (Appellation Origine Contrôlée),  BASIC a choisi le Comté et le Cantal, deux fromages élaborés avec du lait de vache en montagne. Au final, des différences notables existent entre ces deux filières. Contrairement au Cantal, les résultats pour le Comté sont proches de ceux du label "Bio Equitable en France".

Voici l'étude :

Etude WWF Greenpeace BASIC labels alimentaires

Les 11 labels ou signes de qualité du secteur agro-alimentaire (Agriculture Biologique, Demeter, Bio Equitable en France, Nature & Progrès, Zéro Résidu de Pesticides, Bleu Blanc Cœur, HVE, C’est qui le Patron, Agriconfiance, Label Rouge, AOP) ont été étudiés à partir de sources officielles et de littérature scientifique pour tenter de déterminer l’impact environnemental et sociétal selon 14 critères : érosion de la  biodiversité, pollution de l’air, dérèglement climatique, l’atteinte d’un revenu décent, la santé humaine et le bien-être animal, les conditions de travail, les inégalités de travail, l’insécurité alimentaire, la sécurité alimentaire, l’épuisement des ressources non-renouvelables (énergétiques et minérales) ainsi que les pertes et gaspillages alimentaires. Et la dégradation des sols et des ressources en eau.

Pour certains labels, il y a de grands écarts entre les promesses et la réalité.

L’impact positif de la filière Comté est souvent  « bon » ou « fort » pour ces 14 critères. D’où le communiqué de presse de la filière qui se félicite de ces résultats.

« Les résultats de cette étude mettent en évidence les bénéfices de la filière Comté sur la qualité des sols, l’air et la biodiversité en matière environnementale, de même que sur l’équité socio-économique, la cohésion sociale, le niveau de vie décent et la santé humaine » déclare la filière Comté dans son communiqué.

Pour Alain Mathieu, le président du CIGC (Comité Interprofessionel de Gestion du Comté ) « Ce résultat reconnaît une fois de plus l’excellence du travail accompli par les producteurs, les fromagers et les affineurs qui œuvrent au quotidien depuis des décennies pour préserver les ressources naturelles de notre territoire et animer nos campagnes. C’est aussi un encouragement à aller plus loin dans nos engagements et en particulier à faire aboutir dans les meilleurs délais les propositions innovantes de notre cahier des charges en cours d’instruction à l’INAO ».

 

Vu de France ou d’Europe, la filière Comté est perçue comme un exemple d’agriculture respectueuse de l’environnement. Vu du massif jurassien, les défenseurs des milieux naturels tirent souvent la sonnette d’alarme pour dénoncer « les dérives productivistes » de la filière Comté et son impact sur la dégradation des cours d’eau de ce milieu naturel particulièrement vulnérable.

Le paradoxe du Comté

C’est ce qu’on pourrait appeler le « paradoxe du comté », un fromage qui met en avant la préservation de son terroir tout en étant régulièrement étrillé par les défenseurs de l’environnement. Il y a dix ans, on parlait du "paradoxe de la Loue" : une rivière officiellement avait tous les voyants au vert alors qu'elle agonisait.

Les défenseurs des milieux aquatiques se sont réunis au sein du collectif SOS Loue et rivières comtoises et ont porté leur combat sur la scène médiatique. Le collectif a vivement réagi à la publication Facebook de la filière Comté en réagissant aussi sur son site internet. Pour ces militants, la filière "refuse de regarder la vérité en face". Surpris de ne pas avoir été contacté par les auteurs de cette étude, ils ont l'intention de contacter leur soutien WWF France pour compléter leurs informations. 

 Après les vidéos du Monde, de Hugo Clément, c'est au tour de la célèbre chaîne des pêcheurs et chasseurs Seasons de diffuser un documentaire à charge sur la dégradation des rivières. La filière Comté est, une fois de plus, pointée du doigt. 

Si l’on prend le temps de lire cette étude complexe, on peut remarquer que L’AOP Comté ne classe pas « la ressource en eau » comme un « impact recherché par les démarches » de la filière. La biodiversité et la préservation des sols sont en revanche recherchées.

 

L’étude de WWF Greenpeace et BASIC conclut que « les démarches partageant le socle de l’agriculture biologique ainsi que pour l’AOP Comté sont associées à des modèles - agricoles comme de chaînes de valeur – différents et plus vertueux, alors que ceux liés aux démarches HVE, Zéro Résidu de Pesticides et Agri Confiance ne se démarquent pas de la moyenne française. »

Et de préciser : "Ces résultats reflètent la situation actuelle et peuvent changer dans le temps en fonction des évolutions des démarches et des connaissances disponibles à leur sujet (en témoignent les très bons résultats de l’AOP Comté en partie liés aux évolutions récentes de son cahier des charges pour ce qui est des problématiques environnementales)."

Une conclusion qui pourrait faire grincer des dents SOS Loue et Rivières comtoises. WWF est un des soutiens du collectif qui défend les cours d’eau de Franche-Comté depuis dix ans. Pour SOS Loue et Rivières Comtoises, la proposition de renforcement du cahier des charges de la filière comté n’est pas encore à la hauteur des enjeux environnementaux.

"Cette étude est un bon travail comparatif en particulier pour le label HVE qui trompe les consommateurs, estime Marc Goux, porte-parole de SOS Loue et rivières comtoises. Mais, elle ne tient absolument pas compte de la spécificité des territoires sur lesquels se pratiquent les productions agricoles. En l'occurrence, des sols karstiques qui ne filtrent rien du tout, les rivières comtoises sont terriblement fragiles. En Bretagne, les cours d'eau sont naturellement plus résistants". 

L'Europe en ligne de mire

C’est l’Europe qui est en ligne de mire aussi bien des associations WWF, Greenpeace, BASIC que de la filière Comté. L’étude que les associations viennent de publier rejoint celle de l’UFC-Que Choisir.

Ensemble, ces défenseurs de l’environnement alertent sur les écarts entre promesses et réalités de ces labels alimentaires. Et surtout, ils demandent entre autres aux pouvoirs publics qu’ils conditionnent leur soutien aux « impacts des démarches et non à leurs intentions affichées, tout en accompagnant les démarches d’amélioration ».

L'UFC-Que choisir a analysé le cahier des charges de 8 AOP fromagères : Abondance, Camembert de Normandie, Laguiole, Picodon, Salers, Saint-Nectaire, Cantal et Munster. Pour les cinq premières, "les cahiers des charges étudiés permettent de garantir un réel lien au terroir grâce aux exigences que les professionnels ont définies". En revanche, pour les trois dernières, "les productions d'entrée de gamme se révèlent très peu différentes des productions industrielles sans AOP"

Les labels alimentaires de qualité, y compris les AOP, ne tiendraient pas tous leurs promesses. La filière Comté a choisi de renforcer son cahier des charges pour encore plus préserver l'environnement. Une démarche qui devra s'appliquer sur les 2 400 fermes de son territoire. 

WWF France, Greenpeace et l'UFC-Que choisir demandent en particulier que le soutien public à la certification HVE Haute Valeur Environnementale « soit suspendu tant que le cahier des charges n’a pas été révisé ». L’enjeu est important car la future PAC Politique Agricole Commune (2023-2027) pourrait « traiter sur un pied d’égalité » le label HVE et le Bio alors que le degré d’exigence est loin d’être équivalent.

L’avenir du Comté se joue également à Bruxelles. La filière Comté vient d’adopter un nouveau cahier des charges plus vertueux pour le respect de l’environnement mais elle ne pourra réellement le faire appliquer que lorsqu’il sera validé par l’INAO (Institut National des Appellations d'Origine) et l’Europe. 27 pays qui, tous, n’ont pas fait de l’environnement leur cheval de bataille.

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