Témoignage. « J'ai acheté de la cocaïne pour faire la fête, je me suis réveillé un mois après à l'hôpital », Franck porte les séquelles d'une grave overdose

Publié le Écrit par Laurie Henriet
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En 2021, au moins 673 personnes sont mortes en France d'une overdose. Franck y a échappé de justesse. Il a accepté de revenir sur sa terrible expérience, à l'occasion de la journée internationale de sensibilisation sur les overdoses, ce 31 août 2023.

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De cette soirée du mois de septembre 2022, Franck ne garde que très peu de souvenirs. « Je ne me souviens pas de grand-chose... de rien en fait », déclare-t-il. Un an après une overdose à la cocaïne et héroïne qui a failli lui coûter la vie, le Franc-Comtois en subit encore quotidiennement les conséquences. Il a perdu l'ouïe, son emploi, son indépendance. Sa vie est devenue « un enfer ».

Il a accepté de témoigner sur les overdoses, car « si cela peut aider quelqu'un à ne pas faire les mêmes erreurs que moi, c'est bien ».  Pour l'interviewer, nous avons communiqué à l'écrit, par SMS.

Une overdose ou surdose est l'absorption, accidentelle ou non, d'une substance quelconque, en quantité supérieure à la dose supportable par l'organisme. « Ce qui peut avoir des effets pouvant aller des risques sur la santé jusqu’à la mort », détaille Etienne Daisey, chef de service du CSAPA et du CAARUD à Dijon. « On peut aussi parler d’une overdose d’alcool, dans les cas de coma éthylique. »

« Je ne prenais pas d'héroïne »

Lors d'une soirée au centre-ville de Morteau dans le Doubs, Franck, consommateur de cocaïne depuis ses 18 ans, prend la ligne de trop. « J'ai croisé les personnes qu'il ne fallait pas, j'ai acheté de la coke pour faire la fête », se remémore-t-il.

« Les overdoses ne sont pas forcément liées à une addiction ou à une dépendance », précise Samia Hoggas, directrice adjointe de Soléa, un établissement de soin de Besançon porté par l'association ADDSEA. Avant d'ajouter : « une personne qui consomme de façon occasionnelle, "pour faire la fête", peut très bien faire une overdose ».

L'overdose, ça n'est pas forcément mortel, mais ça peut entraîner des effets somatiques vraiment massifs.

Samia Hoggas, directrice adjointe de Soléa, un établissement de soin bisontin

Le problème, c'est que la drogue que Franck achète alors est coupée à l'héroïne, une substance à laquelle son organisme n'est pas habitué. À l'époque, le Mortuacien prenait « 2 à 3 grammes de cocaïne tous les week-ends. Ainsi que des champignons et de la MDMA [NDLR : plus connue sous le nom d'ecstasy] ». « Mais je ne prenais pas d'héroïne », assure-t-il.

Ceux qui vendent ça, souvent, ils ne prennent pas de drogue. Ils veulent juste faire de l'argent, et l'héroïne est beaucoup moins chère que la cocaïne.

Franck, victime d'overdose

Retrouvé inanimé, en arrêt cardiaque et dans le coma

« On m'a dit qu'on m'avait retrouvé dans une rue de Morteau, inanimé et dans le coma. J'ai été héliporté au CHU à Besançon ». Les personnes chez qui il snifait l'auraient « mis dehors dans le froid » au moment de son overdose. « Et après des heures, ils ont appelé les pompiers », relate l'homme.

« La peur d'être pris par la police – comme il s'agit généralement de produits illicites –  freine souvent l'appel des secours », regrette Tristan Claude, éducateur CSAPA et CAARUD à Montbéliard. Pourtant, il l'assure : « on ne risque rien à patienter avec une personne qui vient de faire une overdose ».

En cas d'overdose, il faut dire la vérité aux pompiers et au Samu [sur les substances et quantités prises]. Ce ne sont pas des flics, les services de secours ne vont pas balancer.

Samia Hoggas, directrice adjointe de Soléa, un établissement de soin bisontin

Ce soir-là, Franck a également fait un arrêt cardiaque. Il ne rouvrira les yeux qu'un mois plus tard. « J'étais mal après avoir su pourquoi j'étais là. Vraiment mal. Je n'avais pas le droit de faire subir ça à ma famille ». Une culpabilité qui le poursuit encore aujourd'hui.

Depuis, Franck a perdu son audition. « J'ai des tremblements intérieurs dans tout le corps qui m'empêchent de marcher », explique-t-il. « Je vis un enfer. Je ne peux plus rien faire, je ne conduis plus, je marche à peine ». À 38 ans, il ne travaille plus et vit chez sa mère. « Franchement, pour l'instant, je ne vois aucune suite pour moi. »

« Mon meilleur ami est mort d'une overdose à l'héroïne »

Quand on lui demande s'il était conscient du danger, Franck répond : « oui, mais on n'y pense pas sur le moment ». Avant de poursuivre : « Avec la drogue, tu te sens bien pendant un bref instant. Mais tous les problèmes de la vie que tu mets de côté reviennent le lendemain ».

Ça ne vaut pas le coup [de se droguer]. Tu t'amuses aussi bien sans rien prendre.

Franck

« Mon meilleur ami est mort d'une overdose à l'héroïne », ajoute Franck, « mais en fait, je ne connaissais pas grand-chose [aux overdoses] ». Aujourd'hui, il affirme ne plus consommer de drogues et avoir même arrêté de fumer.

Il y a une partie conséquente de consommateurs pour qui l'overdose peut être une prise de conscience par rapport à leur consommation et à leur perte de contrôle par rapport à celle-ci.

Tristan Claude, éducateur CSAPA et CAARUD à Montbéliard

« Il faudrait encourager les personnes qui ont fait une overdose ou qui ont un problème avec leur consommation à se tourner vers un centre de soin ou un médecin – là où ils sont le plus à l'aise – pour travailler sur les raisons qui les ont amenés là, pour en parler avec un professionnel », conseille Samia Hoggas. De son côté, Franck refuse d'être suivi ou accompagné.

Quelle est l'ampleur des cas d'overdoses ?

On ne connait pas le nombre de victimes d'overdose chaque année en France. En 2021, l'enquête DRAMES (Décès en Relation avec l'Abus de Médicaments Et de Substances) enregistrait 673 décès liés à une surdose, quelle qu’elle soit. 81 % de ceux-ci concernaient des hommes.

La moyenne d’âge des sujets dont le décès est lié à un surdosage reste basse à 39,2 ans.

Enquête DRAMES 2021

Des données qui ne sont cependant pas exhaustives, 25 % des experts ne collaborant pas à l'enquête.

Consommateurs de drogues : comment réduire les risques ?

En France, de nombreux centres de soins permettent aux usagers de drogue d'accéder à une prise en charge psychosociologique, médicale, à la mise en place d'un traitement de substitution aux opiacés, mais aussi à des conseils de réduction des risques. Certains proposent du matériel de réduction des risques comme des DASTRI pour jeter ses seringues usagées, des kits RTP (Roule Ta Paille), ou même des PES (Programme d'échange de seringues).

Les professionnels insistent sur l'utilisation de la naloxone, un antagoniste aux opiacés qui peut être injecté en cas d'overdose. « C'est un produit qui sauve clairement des vies », assure Etienne Daisey. La naloxone existe sous deux formes, le Nyxoid (par spray nasal, sous prescription médicale) et le Prénoxad (par injection intra-musculaire, délivré en centre CSAPA ou à l'hôpital). « Il faudrait toujours que l'entourage, les amis, en aient sur eux », estime Samia Hoggas. Une formation vidéo en ligne est disponible.

Attention, la naloxone ne remplace pas un appel des secours, ce n'est qu'un complément en attendant ces derniers.

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