En 2014, des cas de listériose de forme neuro-méningée sont répertoriés en Alsace et en Bourgogne Franche-Comté. Le procès s’ouvre le 10 février 2023 à Paris. Le Tuyé de Mésandans dans le Doubs est poursuivi pour homicide et blessures involontaires. L’une des victimes, une habitante de Grand-Charmont dans le pays de Montbéliard n'a rien oublié, et souffre encore.
Nous la rencontrons chez elle à quelques jours du procès. Marie-Hélène Tinet souhaite servir deux cafés à nos journalistes. Un geste simple pour beaucoup de monde, mais pas pour elle. Elle oublie le fonctionnement de sa machine à café, qui lui est pourtant familière, oublie d’y mettre les tasses. Les trous de mémoire, c’est son quotidien. Tout comme sa surdité, son allocution défaillante, son éternelle fatigue.
"Je ne peux plus suivre une conversation avec une personne. Quand nous avons du monde à manger, je me mets en bout de table pour éviter de me mêler aux discussions parce que je ne peux pas"
Marie-Hélène Tinet, victime
Physiquement aussi, Marie-Hélène, 67 ans, est affaiblie. Invalide à 80%. « Avant, je vivais à 200 à l’heure, j’avais une santé de fer, j’étais totalement indépendante ». Aujourd’hui, elle a besoin d’une présence, celle de son mari. C’est lui, qui finalement, servira les cafés à notre équipe de reportage.
2014 : contaminée après avoir mangé de la charcuterie
Marie-Hélène Tinet est dans cet état depuis 9 ans, depuis qu’elle a contracté une listériose de forme neuro-méningée après avoir consommé des produits du Tuyé de Mésandans (Doubs). Elle est l’une des victimes de l’affaire de la listeria, survenue en 2014.
L'affaire est jugée devant le tribunal de Paris à partir de ce vendredi 10 février, après une enquête débutée en février 2015. En juin 2017, le tribunal de Montbéliard s’était dessaisi du dossier au profit du pôle santé du parquet de Paris. Le patron de l'entreprise de charcuterie avait été mis en examen en 2019 pour tromperie par personne morale sur une marchandise ayant entrainé un danger pour la santé de l'homme, homicide et blessures involontaires. Parmi les 6 victimes qui seront évoquées au procès, l'une d'entre elle est morte d'un infarctus. Après sa mort des traces de listéria ont été découvertes. Trois personnes seront parties civiles.
Un long parcours de soins et de rééducation
Le 28 avril 2014, Marie-Hélène Tinet est prise de vertiges et de violents vomissements. Elle voit les meubles et les objets à l'envers, elle ne reconnaît plus son mari. Malgré un traitement prescrit par son médecin, son état s'aggrave et elle est hospitalisée. Les analyses de sang ne détectent rien, mais les examens, les IRM et les ponctions lombaires livrent un diagnostic : Marie-Hélène souffre d'une listériose de forme neuro-méningée.
Les médecins préviennent l’Agence régionale de Santé. L’ARS et la Mission des urgences sanitaires alertent ensuite l’inspecteur de la santé publique à la Direction départementale de la protection des populations. Onze cas de personnes en Bourgogne-Franche-Comté et en Alsace sont ainsi recensés.
Sur ces onze cas, six se sont trouvés porteurs de la même souche rare que celle découverte au Tuyé de Mésandans (Doubs). Tous ont acheté et consommé des fromages au lait cru et des charcuteries provenant de cette maison fondée en 1991.
Pendant ce temps, Marie-Hélène lutte. Elle est hospitalisée pendant trois semaines et passe des mois en rééducation. Mais neuf ans plus tard, les séquelles demeurent.
« Je suis passée proche de la mort. Avant mon armoire à pharmacie était vide, aujourd’hui, j’ai un sac de provisions entier de médicaments. Je ne pourrais plus jamais être indépendante et sans mon mari, je ne pourrais plus vivre seule. Il doit me supporter au quotidien. Il veut qu’on aille marcher, qu’on aille au restaurant, mais je ne peux pas. Ma vie est ébréchée.».
Marie-Hélène Tinet, victime
"Tout était fait pour empêcher cette bactérie de se développer"
Le procès de la charcuterie se tiendra les 10, 16 et 17 février 2023, cette habitante du Pays de Montbéliard souhaite obtenir réparation après avoir été contaminée par la listéria. « J’attends que ce commerçant soit jugé, puni et qu’il y ait davantage de contrôles ».
"Le porc, matière première travaillée par le Tuyé de Mésandans est porteur à 30 % de cette bactérie. Tout est fait pour empêcher qu'elle se développe. Malheureusement, pendant cette période-là, quelques jours de production, il y a eu cela. Nous en paierons le prix parce que c'est normal, nous l'expliquerons" a confié Me Jean-Baptiste Euvrard, avocat de la charcuterie Tuyé de Mésandans à quelques heures du procès.
L'entreprise le Tuyé de Mésandans est toujours en activité, elle emploie actuellement près de 80 salariés. Elle possède 7 sites.