Emilie Jeannin, éleveuse militante pour des paysans et des animaux heureux

"Éleveuse militante pour des vaches et des paysans heureux et nombreux!" C'est ainsi qu'Emilie Jeannin aime se présenter. De son activité syndicale à son projet d'abattoir mobile, au plus près de ses animaux et de ses clients, Emilie cultive avec enthousiasme ses liens aux autres.

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Toujours souriante. Toujours enthousiaste. Toujours pressée, mais toujours capable de prendre le temps...pour les autres et pour ses animaux. Emilie Jeannin est éleveuse de Charolais à la ferme de Lignières, à Beurizot en Côte d'Or. Un élevage de 220 vaches et taureaux qu'elle a repris avec son frère il y a 13 ans.
Emilie semble douée pour le bonheur et ne ménage pas ses efforts pour le partager. 

Emilie, éleveuse militante pour des paysans heureux


Depuis 3 ans, Emilie s'est engagée à la confédération paysanne. C'est là qu'elle peut mener ses combats pour une agriculture plus éthique, plus respectueuse de l'homme, des animaux, des territoires et de l'environnement. 

C'est comme une famille la confédération paysanne, elle porte les valeurs qui sont les miennes.


Emilie déteste le terme exploitant agricole, "c'est dur comme mot", nous dit-elle, "ça veut tout dire, on exploite la terre, les animaux, les gens...je préfère le mot paysan dans lequel il y a pays, paysage, ça parle des terroirs sur lesquels on vit avec tous nos collègues, nos voisins."

Pour un agriculteur le plus important c'est d'être heureux dans ce qu'il fait !

Une philosophie qui n'est pas toujours facile à partager dans ce monde agricole très masculin où la dureté du travail et les soucis financiers conduisent souvent à l'isolement. 
 


L'isolement, il n'en est pas question pour cette éleveuse, mère de famille, élue de sa commune, militante à la confédération paysanne et qui a aussi choisi d'être au plus proche de ses clients en privilégiant le circuit de vente directe à la ferme. Un site internet et des journées dédiées lui permettent de rencontrer et d'échanger très régulièrement avec ceux qui lui achètent sa viande. Une relation indispensable et enrichissante entre producteur et consommateur, sans intermédiaire, sans filtre. Le retour, l'échange, le partage, le lien avec ses clients qui souvent sont devenus ses amis.
 


Emilie, éleveuse militante pour des vaches heureuses

Un éleveur qui prend du plaisir dans son métier, c'est pour Emilie aussi ce qui rendra les animaux plus heureux.

Je suis convaincue que les animaux ressentent nos émotions, notre façon d'être, ils sentent si on est énervé, si on est détendu. C'est un cercle vertueux, si on est heureux, ils sont rassurés, si on s'énerve, on transmet notre énervement et eux risquent d'être dangereux pour eux-même ou pour nous..
 

Emilie aime ses animaux. Ses vaches, ses taureaux, ses chiens bergers. Un lien quasi-maternel, basé sur la confiance et le respect. 
Et l'abattage est pour elle un déchirement même si ça fait partie du cycle, du contrat passé entre l'homme et les animaux d'élevage. "Je stresse, je suis vraiment désolée " nous confie Emilie, très émue d'évoquer ce moment pénible, "mais à un moment on est obligé de vivre de notre métier, on ne peut pas élever des animaux sans avoir un revenu, où alors faudrait nous payer à juste les laisser brouter dans les prés. On est obligé de les abattre pour que leur vie ait un sens. Moi je leur dis :" je suis désolée, on va aller à l'abattoir, c'est votre mission ultime de nous donner les meilleurs steacks du monde.." Y'a des caresses, y'a des mots un peu dans ce genre là."

C'est un rituel particulier, ça  me stresse de devoir les emmener là-bas, j'ai l'impression de les trahir parce que je les emmène à la mort, c'est compliqué à assumer et à vivre. Y'a des moments de l'année où j'ai vraiment du mal à les emmner à l'abattoir, où j'en peux plus...

L'émotion d'Emilie est perceptible losqu'elle évoque l'abattage.


C'est entr'autre pour tenter de rendre ce moment moins douloureux pour les animaux et pour les éleveurs qu'Emilie se bat depuis 3 ans pour monter le 1er projet d'abattoir mobile en France. Un projet inspiré de la Suède qui a pour avantage de limiter la souffrance et le stress des animaux. Et ce faisant de rendre la qualité de la viande bien supérieure. L'abattoir à la ferme ce sont plusieurs camions, abattage, découpe, frigo...un abattoir complet sur roue qui permettrait la mise en place un modèle économique solide basé sur une filière courte entre éleveurs et consommateurs. Le seul intermédiaire serait une SAS "Le boeuf éthique" .
La vente directe présente de nombreux avantages. Pour les éleveurs le retour de satisfaction des clients et une meilleure rémunération. Pour les consommateurs une tracabilité totale, avec des animaux nés, élevés et abattus à la ferme.
Plusieurs centaines d'éleveurs se sont montrés intéressés par ce projet. En Bourgogne bien sûr, mais aussi dans l'Allier, la Loire, l'Ain, le Rhône, le Cher, le Puy de Dôme, les Ardennes, la Normandie... Ceux qui ont pris contact avec Emilie ont les mêmes attentes, les mêmes questionnements sur l'abattage, sur les questions éthiques. Au delà même du projet, des liens se sont noués entre eux et se poursuivent aux travers des réseaux sociaux.

Emilie, l'égérie du boeuf éthique

Peu à peu, à force de perséverance, de conviction, de persuasion, Emilie fait connaitre et avancer son projet. 
Avec des victoires. Une avancée de taille avec en novembre dernier le vote de la loi EGalim qui prévoit la mise en place d'une expérimentation d'abattoirs mobiles en France et surtout ce 15 avril 2019 la publication au JO du décret d'application.
Et puis, une mise en lumière inattendue avec une réalisatrice, Nathalie Lay qui décide de faire un film "La ferme d'Emilie", un docu-portrait, sur l'éleveuse, ses valeurs, son projet. Ce film est à voir depuis le 19 avril sur les réseaux sociaux et a remporté le prix du meilleur reportage au 71èmes Rencontres Régionales du cinéma vidéo UCV7 à Roanne.

 


Le projet d'abattoir mobile si cher à Emilie avance. Trop lentement pour elle, mais il avance. Il se fait connaitre, alimente les conversations. Les mentalités évoluent, "c'est déjà beaucoup" précise-t-elle. Prochaine étape maintenant que le décret d'application de l'expérimentation est publié, la préparation  du dossier d'agrément. Un travail réalisé avec un cabinet d'experts, et en collaboration avec les Suédois. Un pas de plus vers son rêve d'abattoir mobile pour lequel elle se bat depuis 3 ans.

Le mot de la fin, sa philosophie, son optimisme, son bonheur de vivre, Emilie le partage avec nous en souriant : "On essaie de mettre en adéquation nos boulots et nos vies avec nos convictions personnelles et ça c'est génial, c'est absolument génial !"  

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