Jeudi 5 décembre, 200 agriculteurs de la Confédération paysanne ont manifesté à Paris devant la Bourse du commerce où se tenait une réunion européenne des grands acteurs du commerce des céréales. Les forces de l’ordre sont rapidement intervenues, interpellant cinq agriculteurs, dont Toussaint Lamy, agriculteur à Cornot (Haute-Saône).
Un homme au manteau rouge, traîné par les pieds par les policiers de la BRAV-M sur plusieurs mètres. Jeudi 5 décembre, Toussaint Lamy, “paysan-boulanger” à Cornot (Haute-Saône) faisait partie des 200 agriculteurs de la Confédération Paysanne à avoir manifesté devant la Bourse du commerce, à Paris.
La Confédération paysanne manifeste devant le Grand Palais contre le Mercosur avant d'être dispersée par la police pic.twitter.com/mT7HG3TwnQ
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Un événement pacifique, à coups de banderoles et de slogans contre le Mercosur. Pourtant, au matin du 6 décembre, Toussaint est toujours en garde à vue, à Paris, après avoir été vivement interpellé par les forces de l’ordre.
🔴 Après avoir fait évacuer l’esplanade du Grand Palais, les forces de l’ordre nassent les agriculteurs et procèdent à des interpellations violentes.
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5 participants ont déjà été interpellés. pic.twitter.com/86BGFGOLuO
Les vidéos de son arrestation ont fait le tour d’internet. On peut le voir au sol, entouré par les policiers, en train de se débattre. Puis vivement emmené à l’écart. Des images découvertes avec stupéfaction au GAEC de la Modestine.
“On savait que Toussaint allait manifester, mais on ne pensait pas que les forces de l’ordre allaient réagir comme cela” raconte Maxime Lamy, le frère de Toussaint, et son associé à la ferme.
C’était stressant car on a appris son arrestation par téléphone, par des gens sur place qui n’avaient pas plus de détails. Au vu de la violence des images, on était inquiets.
Maxime Lamy, frère de Toussaint
Heureusement, la famille Lamy a pu vite être rassurée. Selon eux, Toussaint, a été inspecté par des médecins et “n’a rien de grave”. Malgré cela reste “un sentiment de colère et de dégoût”. “On se sent traité comme des moins que rien” reprend Maxime Lamy. “Ils sont venus manifester pacifiquement et voilà comment ils ont été reçus.
"Quand certains viennent murer l’entrée des locaux de la DDT, mettre du lisier sur des bâtiments publics, il n’y a aucune réaction" continue Maxime Lamy. "On a l’impression qu’il y a un deux poids deux mesures". Au GAEC de la Modestine, la vente à la ferme du vendredi matin aura donc une saveur particulière, en attendant le retour de Toussaint pour clore cette douloureuse parenthèse.
Ce vendredi en début d'après midi, les gardes à vue des cinq personnes interpellées ont été prolongées, a indiqué le parquet de Paris. Les gardes à vue ont été prolongées "notamment afin de recueillir les plaintes et examens médicaux, et exploitation des vidéos", a-t-il encore indiqué.
La confédération paysanne voulait dénoncer la dérégulation des marchés
La manifestation de la Confédération paysanne se tenait alors que s'ouvre en Uruguay le sommet du Mercosur, qui pourrait à cette occasion signer avec l'UE un accord de libre-échange dénoncé par toutes les organisations agricoles en France et dans de nombreux pays européens.
"Sauvez les paysan.n.es, mangez un trader", proclamait devant la Bourse du commerce une grande banderole jaune aux couleurs du syndicat, déployée sur le parvis du monument par les manifestants venus dénoncer la dérégulation des marchés.
Les manifestants - une centaine - ont déposé des bottes de paille devant l'entrée, et brandit des pancartes dénonçant les grands groupes comme"Syngenta" (fabricant sino-suisse de pesticides et de semences) et "InVivo" (géant français du négoce de grains).
“C’était relativement violent, contre nous qui étions pacifiques”
Marc Allemand, porte-parole de la Confédération paysanne de Haute-Saône est toujours sans nouvelle de Toussaint Lamy ce vendredi matin. Quatre hommes et une femme ont été interpellés. Ils viennent de Haute-Saône, Haute-Savoie, Marne et Nord-Pas-de-Calais.
Selon l’Agence France Presse, des forces de l'ordre casquées, sont arrivées au bout d'une vingtaine de minutes, et se sont déployées des deux côtés du parvis. La police a ensuite bloqué les manifestants pendant plus d'une heure, occasionnant des bousculades, selon l'AFP. Puis, les forces de l'ordre, soutenues par la brigade de répression de l'action violente motorisée (Brav-M), ont procédé à cinq interpellations, selon la Confédération paysanne pour "violence" et "tentative d'intrusion", selon la police.
Deux poids, deux mesures selon les organisations agricoles ?
Selon Marc Allemand, les agriculteurs interpellés l’ont été par hasard. "Ça a été rapide alors que l’action de la Confédération paysanne était comme d’habitude calme et pacifique. On trouve ça affligeant quand on voit ce qu’il se passe sur d’autres manifestations. Nous, on fait une manifestation pacifique, et on se fait “casser”. Alors que quand d’autres syndicats bougent, il n’y a pas un policier, pas un CRS” déplore Marc Allemand.
Ces violences policières témoignent du deux poids deux mesures qui s’exprime lorsqu’un syndicat agricole dénonce le monde de la finance et ne s’attaque pas à des bâtiments ou agents publics. Mais nous refusons qu’elles éclipsent nos revendications.
Communiqué de la Confédération paysanne.
"Quand on s’attaque à la finance, la réaction n’est pas la même !"
L’ancien porte-parole national de la Confédération paysanne, le Jurassien Nicolas Girod, condamne ces violences contre des paysans. “Je suis toujours un peu surpris de la différence de traitement, mais en même temps, on sait qu’on s’attaque à des cibles symboliques comme la Bourse, la finance, les traders. Quand on bloque une autoroute, ça ne provoque pas de réactions, quand on s’attaque à la finance, par contre…”
Jusqu'à jeudi, la police n'avait procédé à aucune interpellation dans le cadre du mouvement de colère agricole, ranimé depuis mi-novembre. Le 28 novembre, des militants du syndicat majoritaire FNSEA ont pour leur part élevé un mur de parpaings devant le siège de l'institut de recherche Inrae, sous le regard des policiers.