Deux anciens chercheurs de l’Université de Franche-Comté ont mis au point un procédé biosourcé pour obtenir des chitosans d’origine naturelle. Des produits utiles pour l’agriculture biologique.
Le chitosan est une grosse molécule d’origine naturelle, bien connue des chimistes. On le trouve dans les carapaces d’insectes ou de crustacés ou encore dans les champignons.
Il a été découvert au XIXe siècle et il est aujourd’hui largement commercialisé pour différents usages. Ses propriétés sont utiles pour les agriculteurs Bio mais aussi dans les secteurs des cosmétiques ou du traitement de l’eau. Le chitosan freine le développement de parasites, des bactéries ou des moisissures. Il a aussi des propriétés hydratantes pour la peau. Autre avantage, le chitosan permet de clarifier les eaux comme celles des piscines. Il existe de multiples sortes de Chitosans.
L’originalité des chitosans proposées par la société Amiroy réside dans la méthode pour les obtenir. Créée par Ahmed Cheatsazan, son épouse Vahideh Rabani et l’entrepreneur Bernard Roy à Arc-les-Gray, juste au début du premier confinement en mars 2020, les recherches de l’entreprise Amiroy ont en fait commencé il ya plusieurs années. Le projet s’appelait alors ZistNest.
Nous avions rencontré Ahmed Cheatsezan et Vahideh Rabani en 2018. Cette année-là, le docteur en écologie d’origine iranienne recevait le prix national Talents des cités pour l’obtention d’un chitosan à base de carapaces d’insectes.
Pour transformer la chitine en chitosan, on utilise normalement des procédés chimiques qui sont très couteux et qui ne sont absolument pas écologiques. Ici, tout est fait par des micro-organismes avec un rendement impressionnant.
Trois ans plus tard les recherches du couple de chercheurs bisontins à évoluer. Juste au moment du premier confinement, ils se sont associés avec un industriel d’Arc-les-Gray pour créer l’entreprise Amiroy dans cette ville de Haute-Saône.
Une biotechnologie pour fabriquer du chitosan
La complexité de la législation sur l’usage des insectes en France les a poussés à privilégier l’utilisation de champignons pour fabriquer leurs chitosans. Et, Amiroy a choisi de développer une gamme de produits à destination de l’agriculture biologique.
Les scientifiques ont mis au point un prototype de ligne de production pour élaborer du chitosan avec une méthode peu onéreuse et écologique.
C’est la technologie de fabrication qui est différente. On utilise des êtres vivants comme des bactéries et des champignons qui mangent les parties qui ne nous interessent pas. La partie chitinique qui nous interesse est la plus dure à digérer pour les bactéries et elles ne la mange pas donc on la récupère à la fin du procédé.
La mise au point de ce procédé vaut à l’entreprise de recevoir le « trophée régionale de la bioéconomie ».
Créé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, ce concours des « Trophées de la bioéconomie » récompense des projets innovants qui apportent une alternative aux produits fossiles dans de nombreux domaines (énergie, chimie, matériaux).
Les lauréats de l'édition 2020 avaient été dévoilés au Salon international de l'agriculture le 24 février... juste avant le premier confinement et c'est seulement ce vendredi 3 avril que Etat et Région devaient récompenser officiellement l'entreprise lauréate pour la region Bourgogne Franche-Comté.
Mais, l’annonce du troisième confinement a reporté cette inauguration que le couple avait préparé avec soin.
Dans leurs locaux de Arc-les-Gray, divers échantillons de plantes dont les semences ont été enrobés de chitosan sont comparés avec des semences sans enrobage. La différence est flagrante. Vahideh Rabani a testé de nombreux chitosans pour trouver des formules adaptées à chaque plante.
On a vu que chaque espèce de plantes a différents besoin. Donc pour nous c’est important et on va respecter cette différence entre les espèces de plantes. Par exemple, on a un produit spécial épautre ou un produit spécial orge. Ce n’est pas le même chitosan et ce n’est pas le même dosage.
Le chitosan, utile en agriculture Bio
Les aventures économiques sont souvent liées à des rencontres. C’est au salon Tech&Bio qui s’est tenu à Villers Pater en Haute-Saône en septembre dernier qu’Ahmed Cheatsazan a rencontré Eric Bresson. Installé en bio depuis trente ans, l’agriculteur commercialise également des aliments pour animaux et des semences. En prime, son exploitation est basée à Mantoche, à deux pas de Gray !
Les deux chercheurs ont décidé de confier la distribution de leurs chitosans à Eric Bresson. L’agriculteur les a d’abord testés sur ces propres cultures. Il nous a emmené sur un champ semé en blé de printemps depuis un mois.
Je trouve que mon blé a poussé uniformément et qu’il a pris beaucoup d’avance par rapport à toutes les autres herbes. Du coup, il va se réaliser pleinement et donc je devrais faire une très bonne récolte.
D’après l’agriculteur, une quarantaine de collègues installés en Bourgogne Franche-Comté et en Champagne-Ardennes ont commencé aussi à tester ces chitosans. En Haute-Saône, les pépinières Guillaume de Charcenne font également des essais.
« A mon avis, l’agriculture est vraiment un marché très important et en même temps très écologique » estime Ahmed Cheatsazan. Un produit qui protège les agriculteurs poursuit Eric Bresson.
Aujourd’hui avec la plupart des autres produits, on ne peut pas mettre la main dans les semences parce que c’est dangereux. Là, on peut mettre nos mains dans les semences et c’est super agréable de faire un mélange qui ne met pas en risque notre propre santé, nous les agriculteurs. Voir les consommateurs qui vont manger cette avoine ou ce blé.
En quittant Besançon, les deux scientifiques se sont rapprochés des utilisateurs potentiels de leurs produits. .. La Haute-Saône est le département de Bourgogne-Franche-Comté qui a le plus de surface agricole en Bio. En 2019, 372 exploitants avaient choisi de se passer d'engrais chimiques et de phytosanitaires, cela représentait environ 12% des surfaces agricoles de ce département. L'objectif fixé par le gouvernement d'avoir converti 15% de la surface agricole utile d'ici à 2022, devrait sans doute être réalisé en Haute-Saône.