“Pas de Président aux fêtes” : un boycott des produits Lactalis lancé par les agriculteurs de Haute-Saône

Des agriculteurs de Haute-Saône appellent au boycott du beurre et des fromages “Président” et du lait “Lactel” distribués par le groupe industriel Lactalis. Ce 16 décembre, ils ont planté des croix en bois et déployé des banderoles le long de la RN 57 pour dénoncer la décision récente de Lactalis, de ne plus collecter le lait de 70 producteurs de lait dans ce département.

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Les agriculteurs ont choisi de viser le talon d’Achille de Lactalis. Ils ont voulu s’adresser directement aux consommateurs, au lieu de bloquer les usines du premier groupe laitier mondial. “Ils n’aiment pas trop que l’on écorne leur image de marque” remarque Arnaud Grandidier, trésorier de la Fédération Départementale des Producteurs Laitiers de Haute-Saône.

“Ici, Lactalis tue ses producteurs”

Cet appel au boycott tombe à pic, juste quelques jours avant les fêtes de fin d’année et c’est la réponse des agriculteurs à ceux qu’ils appellent “le plan de licenciements” de Lactalis.

“On n’est pas là pour embêter les consommateurs, c’est pour leur faire comprendre que Lactalis a abandonné les éleveurs” précise Arnaud Grandidier. 

Sur fond noir près de Fougerolles en Haute-Saône, le long de la RN57, il est écrit sur l’une des banderoles plantées en bord de route “Ici, Lactalis tue ses producteurs”. À côté, des croix en bois noirci enfoncent le clou.

450 millions de litres de lait, qui ne seront plus récoltés par Lactalis 

En septembre dernier, Lactalis avait annoncé la réduction "de l'ordre de 450 millions de litres" sur une collecte annuelle "de quelque 5,1 milliards de litres" de lait auprès des éleveurs français, de façon progressive, à partir de fin 2024 et jusqu'en 2030. Cela représente près de 9% de volumes en moins selon les informations de nos confrères de l’Agence France Presse.

En Haute-Saône, cela concerne directement environ 70 producteurs de lait sur les 600 du département. Il s’agit essentiellement des éleveurs qui livrent actuellement leur lait à l’usine de Xertigny dans les Vosges. Ce site de Lactalis doit fermer prochainement. Ces élevages sont situés au nord de la RN 57, la route au bord de laquelle les agriculteurs ont planté croix et banderoles ce 16 décembre.

“Lactalis a abandonné lâchement les éleveurs”

Les agriculteurs de la FDSEA 70, des Jeunes Agriculteurs 70 et de la FDPL70 reprochent à l’industriel l’annonce brutale de cette décision de diminuer les collectes de lait en France. Selon le géant de l’agroalimentaire, sa décision de septembre dernier aurait été prise “dans l'optique de mieux payer chaque tonne de lait” rapportent nos confrères de l’AFP. Mais sur le terrain, les éleveurs vivent cette annonce comme un véritable abandon d’autant plus qu’ils ont peu de temps pour s’adapter à cette nouvelle donne.  

“Juste un courrier recommandé”

D’après le représentant départemental des producteurs de lait, c’est juste par une lettre recommandée que les éleveurs ont appris ce bouleversement pour leurs exploitations. “Quand on avertit juste par courrier, ce n’est très courageux, remarque Arnaud Grandidier, quand il s’agit de parler rémunération, là ils se déplacent dans les fermes”. 

En Haute-Saône, les agriculteurs ont 15 mois pour trouver un nouveau collecteur de lait. À partir du 1er janvier 2026, ils ne livreront plus leur lait à Lactalis. À l’échelle d’une exploitation agricole, c’est très peu. “C’est honteux de ne pas laisser aux fournisseurs le temps de se retourner” déclare Arnaud Grandidier. “Au nord de Luxeuil, au pied des Vosges Saônoises, les éleveurs peuvent difficilement faire autre chose que du lait” affirme Arnaud Grandidier. 

“On n’a pas de vue bien claire”

C’est le cas de l’exploitation de la famille Brice, installée dans un village à 800 mètres d’altitude qui porte bien son nom “La Montagne”. Du jour au lendemain, les agriculteurs ont vu leur projet remis en question. “Au premier janvier, nos deux fils devaient s’installer avec ma femme et moi, raconte Jean-Marie Brice. Avec leur installation, on peut doubler notre production de lait”.

Pour passer de 300 000 à 600 000 litres de lait, la famille a prévu d’investir 800 000 euros pour refaire leur bâtiment. Le 24 juillet dernier, deux mois avant son annonce de réduction de collecte, Lactalis confirme par écrit à la famille son accord pour lui acheter deux fois plus de lait. Le 25 septembre, tout est remis en question. L’installation des deux jeunes est reportée au mois de mars et la banque attend de savoir s'il y aura bien un collecteur de lait à la place de Lactalis pour prêter l’argent.

“Un mal pour un bien”

Philosophe, Jean-Marie Brice veut rester positif. “On est ouvert à beaucoup de solutions” explique-t-il. “Cela sera peut-être un mal pour un bien, car Lactalis ce sont ceux qui rémunèrent le moins bien”.

Les instances syndicales sont en pleine négociation pour trouver “rapidement” des solutions. “On est en pourparlers” déclare Arnaud Grandidier. Milleret, Sodial, la coopérative d’Aboncourt-Gesincourt... Il pourrait y avoir de nouveaux débouchés pour les producteurs “abandonnés” par Lactalis”. Le contexte de la production laitière dans le département de la Haute-Saône peut rendre compliqué ces négociations.  

"On perd un producteur de lait tous les ans” 

On se souvient de la crise laitière avec des prix d’achat du lait qui ne couvraient pas les coûts de production des éleveurs. Depuis, les prix ont remonté, mais le métier reste compliqué et des agriculteurs vendent leurs vaches laitières pour s’orienter vers d’autres productions. “En 2023, la hausse du prix du lait conventionnel a compensé la baisse des livraisons” titre la revue des statistiques agricoles Agreste. La livraison de lait en Haute-Saône a baissé de 3% en 2023. Après la Côte-d'Or, c’est le département dans lequel cette chute a été la plus importante en 2023.  

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