Quatre bénévoles de la Croix-Rouge de Haute-Saône sillonnent la Franche-Comté chaque semaine. Avec des dizaines de kilogrammes de nourriture dans leur camion. Une aide alimentaire qu'ils livrent aux plus démunis, quasiment devant leurs portes.
Colette Biot a 77 ans. Bénévole à la Croix-Rouge de Vesoul, elle y crée en 2012 la première structure mobile de France : "la Croix-Rouge sur roues".
Une vocation, une démarche naturelle, pour cette septuagénaire pas comme les autres. Toute la journée Colette court partout, avec Guy et Daniel. Elle gère les arrivages de denrées alimentaires, remplit les chambres froides, charge le camion et prend la route. Parfois pour plus de cent kilomètres par jour, et toujours avec une énergie folle et un large sourire.
Livrer à domicile : une nécessité en Haute-Saône
En milieu rural, les habitants ont rarement la chance d'avoir des moyens de transports en commun suffisants pour se rendre dans la ville la plus proche. Et dans ce secteur particulier proche de Jussey, le phénomène d'isolement est amplifié par l'impossibilité pour toutes les familles de se payer une voiture. C'est une réalité que nous avons constatée. Jennifer n'a pas de voiture mais elle doit gérer le quotidien avec 6 enfants. Pour les courses au supermarché, elle utilise la poussette de la plus petite, et fait plusieurs allers-retours à pied. Alors quand le camion de la Croix-Rouge sur route arrive devant sa porte, c'est un vrai soulagement, un peu de confort dans une vie pas toujours rose.
Sans voiture, la dépendance s'installe
A l'arrivée du camion dans le petit village de Corre, une trentaine de familles sont déjà là. Très vite un couple nous aborde pour nous vanter les bienfaits de cette démarche de la Croix-Rouge. "Nous avons la chance d'avoir une voiture mais nous l'utilisons seulement les 10 premiers jours du mois. Ensuite nous n'avons plus d'argent pour mettre de l'essence dedans, alors elle reste dans la cour. C'est pour ça que c'est très important pour nous de pouvoir bénéficier du camion de la Croix-Rouge" explique ce bénéficiaire.Puis c'est au tour de Kévin, 27 ans de nous interpeller. Lui aussi avait une voiture mais l'abaissement de la vitesse à 80km/h lui a coûté ses derniers points et il a perdu son permis. En même temps, il a récupéré la garde de ses 4 enfants de 6,5,4 et un an. Pour s'en occuper il a dû quitter son travail. Ce jour là, pour venir "au camion" il a emprunté le scooter d'un ami.
Les bénévoles de la Croix-Rouge lui remettent 6 gros sacs de victuailles pour sa famille qui réside à 10 kilomètres de là. Et comme il ne peut emporter, tant bien que mal, que deux sacs à la fois sur son scooter, il va faire 3 allers-retour, presque avec plaisir. "A la campagne, sans voiture, on n'est plus rien ! Heureusement les gens sont solidaires dans la misère, ils vous proposent de covoiturer et parfois ils prennent des sacs dans leur voiture pour vous les apporter à la maison. Sans eux, et sans l'aide de la Croix-Rouge sur roue, je n'y arriverais pas !" explique le père de famille.
Epicerie solidaire
Au village de Corre, la Croix-Rouge et la mairie ont travaillé en commun. Si bien qu'un petit local a été ouvert pour y aménager une épicerie solidaire. A chaque passage du camion, les bénéficiaires se voient distribuer gratuitement les produits donnés par la communauté Européenne. Ils peuvent aussi acheter à moindre coût, des fruits et légumes collectés par la Banque alimentaire. Des denrées achetées aux grandes surfaces quand les dates limites de consommation sont proches, et revendues par la suite aux familles. Une contribution dérisoire mais qui permet de rembourser une partie des frais engagés, et qui responsabilise et valorise ceux qui accèdent à l'épicerie solidaire.Colette Biot insiste d'ailleurs sur ce point : "L'objectif de la Croix-Rouge est d'aider les personnes dans le besoin, sans jamais les assister. Elle est un relais vers un retour à une vie sociale normale, une bouée jetée pour rejoindre la rive" dit-elle.
Une initiative qui a fait du chemin
Quand elle a inventé en 2012, "la Croix-Rouge sur roues", Colette Biot n'imaginait pas le succès que remporterait le dispositif. Aujourd'hui en Haute-Saône, 130 familles bénéficient de cette aide alimentaire mobile.
L'idée a fait du chemin, beaucoup de chemin, puisqu'il y a désormais 42 camions du même genre qui sillonnent la France.