Dans le pays de Villersexel (Haute-Saône), une cinquantaine de producteurs cultivent une variété locale de mirabelle, fruit majoritairement produit en Lorraine. Depuis quelques jours, la récolte a commencé pour cette prune franc-comtoise chargée d'histoire.
Samedi 5 août, un brin de soleil éclaire le verger d'Yvette Boucard, à Grammont (Haute-Saône). Ici, des dizaines de mirabelliers, dans un pré. Et l'heure est à la récolte. "On a commencé en début de semaine" explique la septuagénaire à nos journalistes Philippe Arbez et Florence Petit. "On commence doucement. Certains arbres sont encore tout verts. Mais avec les pluies, on aura quand même de beaux fruits cette année. On devrait en avoir 60 kg par jour. On les vend à des particuliers, et on distille le reste".
Chez les Boucard, la mirabelle est une tradition familiale. "Depuis petite, je les récolte au mois d'août. Mes enfants et leurs enfants l'ont fait aussi, cela fait partie de notre patrimoine" reprend Yvette. Car oui, nous ne sommes pas en Lorraine, région historique de la mirabelle, mais ici aussi, dans le pays de Villersexel (Haute-Saône), la petite prune jaune a une longue histoire.
Une cinquantaine de producteurs répartis dans 13 communes
Et ce n'est pas Jean-Paul Blandin qui dira le contraire. Lui est président du syndicat des Producteurs de Mirabelles des Coteaux du Haut Pays de Villersexel, créé en 2003. "On est une cinquantaine de producteurs répartis dans 13 communes entre Doubs et Haute-Saône" détaille-t-il. Chez lui, à Fallon (Haute-Saône), Jean-Paul possède sa propre pépinière à mirabellier. Et insiste sur la richesse gustative et historique de la variété locale.
Cette mirabelle a été ramenée des Balkans par les Croisés, au Moyen Âge. Elle a poussé partout en France, mais aujourd'hui, sa production est seulement active ici, car elle aime le sol argilo-calcaire de la région. Notre mirabelle est la seule à ne pas avoir subi de modifications génétiques au fil des années
Jean-Paul Blandin,président du syndicat des Producteurs de Mirabelles des Coteaux du Haut Pays de Villersexel
Comment différencier la mirabelle franc-comtoise de sa cousine lorraine ? "L'apparence, d'abord" confie Jean-Paul Blandin. "La nôtre est tachetée de rouge, et plus petite". Voilà pourquoi sa récolte dure plus longtemps. "Quand on la ramasse à la main, c'est 7 à 8h de travail pour 100 kg de fruits" assure Yvette Boucard. "Mais ça vaut le coup, car notre variété, à la peau plus fine que "la Lorraine", n'a aussi pas du tout le même goût". "C'est plus gustatif" sourit Jean-Paul Blandin, chauvin.
Une question demeure : pourquoi la mirabelle comtoise est-elle beaucoup moins "connue" que son homologue lorraine ? "Au fil du temps, la production a décliné" regrette Jean-Paul Blandin. "Après-guerre, jusque dans les années 70, beaucoup de familles avaient leur petit verger. Mais avec l'uniformisation des cultures, cela a diminué".
C'est pour éviter qu'un pan du patrimoine du pays de Villersexel ne tombe dans l'oubli que syndicat des producteurs de mirabelles a été créé. "Nous avons tout de suite voulu construire quelque chose qui fasse connaître le fruit, son histoire et ses producteurs" renchérit Jean-Paul. "Voilà comment est né le sentier de la mirabelle".
Un sentier de 6 à 15 km
L'idée, une promenade de 6 à 15 km parmi les différents producteurs de mirabelles. Idéal au printemps, lorsque les vergers sont en fleurs, ou l'été, lorsque les fruits mûrissent et dégagent une odeur agréable. "Mais pas que" s'exclame Jean-Paul Blandin. "C'est aussi important de voir le travail effectué tout au long de l'année par les producteurs : la taille des arbres, etc. Un verger, ce n'est pas qu'en août, pour la cueillette".
Le sentier permet aussi de sillonner le patrimoine du pays de Villersexel, trop méconnu à mon goût. Il passe par la motte de Grammont, les anciens fourneaux de Fallon, où on extrayait du minerai de fer, le vieux cimetière de Mélecey, etc
Jean-Paul Blandin,président du syndicat des Producteurs de Mirabelles des Coteaux du Haut Pays de Villersexel
Autre particularité de la région que nous fait découvrir le sentier, les ateliers de distillation communaux. "Ils ont été construits après-guerre" révèle Jean-Paul Blandin. "Avant, dans le bassin mirabellier, tous les villages en avaient, mis à disposition par les municipalités pour leurs habitants".
Aujourd'hui, les ateliers ne sont utilisés que 10 à 15 jours par an, en hiver. Une baisse drastique comparée à la période de l'ancienne distillation, qui couraient alors du 1ᵉʳ novembre au 30 avril. "Aujourd'hui, une dizaine de personnes viennent faire leur eau-de-vie, tous fruits confondus. C'est une tradition qui se perd un peu avec les années".
Point positif néanmoins : cet été, la récolte de mirabelles franc-comtoises risque d'être abondante, après des années de fortes sécheresses. Pour preuve, la cueillette devrait se se poursuivre jusqu’au 20 aout.