Une réunion de crise est prévue vendredi 15 juin 2012 pour évoquer l'affaire de la maison Labouré-Roi
Labouré-Roi, un des 10 premiers négociants de Bourgogne, se trouve au coeur d'une vaste affaire de fraude présumée à la coupe et sur l'étiquetage qui inquiète l'ensemble de la profession bourguignonne.
Les différents acteurs de la filière viticole bourguignonne ont décidé de se réunir vendredi 15 juin, pour aborder cette affaire, a indiqué Michel Baldassini, président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). "On ne peut pas cautionner ce genre de pratiques. Si les faits sont avérés, on se portera partie civile au procès", a-t-il ajouté.
C'est aussi le point de vue de Séverin Barioz, directeur de la CAVB (Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne). "Si ces faits sont avérés, nous n'excluons pas de nous porter partie civile dans cette affaire", a-t-il annoncé à France 3 Bourgogne. "On ne peut supporter qu'un opérateur entache par des fraudes grossières toute la profession qui fait un effort qualitatif et qui fait la réputation des vins de Bourgogne."
"Six responsables de la société ont été entendus sous le régime de la garde à vue" la semaine dernière, a indiqué le procureur de la République de Dijon, Eric Lallement, lors d'une conférence de presse mercredi 13 juin 2012. "On peut en déduire, au nombre de bouteilles concernées, qu'il s'agissait d'un système organisé", a-t-il ajouté, précisant que l'enquête n'était "pas terminée".
Tromperie à l'étiquetage
La fraude à la coupe, également appelée "fraude sur les appellations", porte sur "500.000 bouteilles" pour une valeur de "2,7 millions d'euros". Il s'agissait par exemple pour cette société d'effectuer des coupages d'appelations dans des proportions supérieures aux 15% autorisés pour les vins de Bourgogne ou de "rajouter du vin de table".
L'autre moyen de tromperie, à l'étiquetage, concerne 1,1 million de bouteilles dont la valeur n'a pas été estimée. "S'il y avait une rupture de stock de Meursault 2008, le Meursault 2010 était transformé en 2008 sur l'étiquette", a détaillé le représentant du parquet qui a également évoqué le fait d'ajouter 'la mention Vieilles vignes" sur ce qui n'en était pas.
"Ce qui a attiré l'attention des enquêteurs c'est le très faible différentiel sur les manquants. C'est à dire la perte durant la vinification entre ce qui entre comme jus de raisin et ce qui ressort comme vin", selon le procureur. Conduite par la gendarmerie et les services de lutte contre la fraude, l'enquête porte sur une période de trois années allant de 2006 à 2008.
Le code de la consommation punit la tromperie sur l'origine ou la qualité d'un produit d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 37 500 euros. "Cette affaire a jeté un trouble dans la profession. L'image du vin de Bourgogne s'en trouve altérée", a jugé le procureur de la République.
Une société côtée en bourse
Lors de leurs auditions, les responsables de l'entreprise, dont les dirigeants, Louis et Armand Cottin, âgés de 81 et 82 ans, ont "reconnu les faits" tout en les mettant "sur le compte d'erreurs matérielles ou informatiques". Pour l'heure, aucune mise en examen n'a été prononcée et il n'y a pas eu d'ouverture d'information judiciaire, ni de qualification retenue, a indiqué le parquet.
Un peu plus tôt dans l'après-midi, Armand Cottin, le directeur général délégué de Labouré-Roi, a affirmé lors d'un point presse qu'il n'y avait "pas eu de volonté de fraude. On a toujours fait des bons vins". "Nous sommes 3 ans après la fin de la période contrôlée et on se rapproche aujourd'hui d'un taux d'erreur proche de zéro. La direction a assumé et assumera la situation", a-t-il déclaré, sans vouloir expliquer le terme "erreur".
"Bien sûr, je crains des réactions des fournisseurs, des clients, des banques. Il faut être prêt à tout", a conclu M. Cottin souhaitant que "la société perdure pour sauver les 70 emplois". La société vend "10 millions de bouteilles par an" et réalise quelque "35 millions d'euros de chiffre d'affaires" annuel, a-t-il ajouté.
Fondée en 1832, la maison Labouré-Roi a été transmise en 1974 aux frères Cottin. Elle figure aujourd'hui parmi les "10 premiers négociants de Bourgogne", selon l'interprofession. L'action des la société côtée en bourse, était en chute de 36,36% à la clôture du marché à 3,50 euros"