Une enquête préliminaire pour pollution des eaux, des milieux et écocide a été ouverte par le parquet de Besançon à la suite de l'enquête du journal Le Monde. L'usine Solvay, à Tavaux serait l'un des cinq producteurs de PFAS, appelés les "polluants éternels", en France.
C'était en février 2023. Dans une enquête réalisée avec 16 autres médias européens, Le Monde révélait une contamination d'ampleur aux PFAS, des composés chimiques ultra-résistants. Stéphane Horel, journaliste au Monde, précisait qu'il y avait une cinquantaine de sites contaminés en Bourgogne-Franche-Comté.
En Europe, The Forever Pollution Project dont fait partie Le Monde, a identifié plus de 900 sites contaminés (+10 ng/l) et 108 "hotspots" où la concentration de PFAS dépasse 100 ng/l, un seuil "jugé dangereux pour la santé par les experts compétents".
Solvay, producteur de PFAS
D'après cette enquête, l'usine de Solvay à Tavaux dans le Jura est l'un des cinq producteurs de PFAS en France.
À la suite de la lecture de cette vaste enquête journalistique en Europe, Claire Keller, substitut du procureur au parquet de Besançon, en charge du pôle régional environnement, a ouvert une enquête préliminaire pour pollution des eaux, des milieux et écocide. C'est dans ce cadre que la magistrate a saisi l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique pour qu'il puisse mener l'enquête.
Dans le cadre de cette enquête préliminaire, L'ONG Générations Futures avait annoncé début juin avoir déposé plainte dans trois régions françaises polluées par les PFAS dont la Bourgogne-Franche-Comté. L'ONG s'est constituée partie civile.
Une procédure judiciaire suivie de près par la CPEPESC, l'association de protection des eaux basée en Franche-Comté. Ce vendredi 16 juin, l'un des membres de la CPEPESC participait justement à la réunion annuelle de la Commission de suivi des sites Seveso. Une réunion prévue par la loi.
"Transparence"
Avec les services de l'État, les responsables des associations de l'entreprise et la direction de l'entreprise, c'est l'occasion de faire le point sur les conséquences de la présence de Solvay sur l'environnement autour de Tavaux. Les conséquences de la production de "polluants éternels" a été abordé "en toute transparence" d'après Jean Raymond de la CPEPESC. "Les services de l'État veulent aller vite pour empêcher l'émission de nouvelles molécules de synthèse dans les organismes vivants sans être éliminées." remarque le militant écologiste.
La direction de Solvay n'a pas souhaité s'exprimer auprès de nos confrères Fleur de Boer et Hugues Perret, présents à la sortie de la réunion de la commission de suivi.
D'après le représentant de la DREAL de Bourgogne-Franche-Comté, "la connaissance scientifique n'est pas suffisante pour déterminer à partir de quand il peut y avoir un impact sanitaire ou environnemental" d'où le lancement par l'Etat d'un "plan national pour avoir une meilleure connaissance" de ces PFAS et des seuils de dangerosité
Quels seuils ?
La DREAL a demandé à la direction de Solvay à Tavaux de "mener des analyses spécifiques sur ces PFAS, sur leurs rejets aqueux". C'est donc l'entreprise qui devra elle-même s'auto-contrôler en 2023. Que recherchera-t-elle ? Avec quel degré de précision ?
Quasi indestructibles, ces substances per- et polyfluoroalkylées ou PFAS regroupent plus de 4.700 molécules différentes qui s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants "éternels".
On trouve ces substances dans de nombreux objets du quotidien : nos tapis, de la peinture, des cordes de guitares, des traitements pour l'acné ou encore des emballages alimentaires.
Jean Raymond, de la CPEPESC, précise que l'arrêté ministériel prescrivant auprès des installations classées ces nouvelles analyses n'est pas encore paru. Actuellement, la déclaration d'émissions de PFAS n'est pas obligatoire.
Contactée début juin au moment du dépôt de plainte, l'ONG Générations Futures rappelle : "Quand on cherche, on trouve" et "nous sommes persuadés que l'enquête pénale sur ces sites permettra de mettre en lumière et de trouver ce qui aujourd'hui n'est pas cherché, notamment par les services de l'État", a déclaré lors d'une conférence de presse l'avocate Hermine Baron.
Jean Raymond de la CPEPESC déplore cette trop grande "inertie" entre la découverte des inconvénients des molécules et la procédure de réduction de ces molécules. Pour l'usine Solvay de Tavaux, le militant écologiste propose que ces PFAS soient détruits sur site pour éviter tout rejet dans l'eau, l'air et la terre.