L’usine Solvay de Tavaux (Jura) a été pointée du doigt par une enquête du Monde, réalisée avec 16 autres médias européens. Le site, classé Seveso, serait contaminé aux polluants éternels ou PFAS, des composés chimiques ultra-résistants ayant un risque pour la santé publique.
Dans la cité ouvrière de Tavaux, les rues semblent désertes. A peine peut-on distinguer les silhouettes dans les maisons. Le calme règne en cet après-midi de février. Un calme apparent, qui laisse entrevoir une légère crainte. Non loin de là, deux cheminées tranchent l’horizon : l’usine Inovyn Solvay, qui fabrique des produits chimiques fluorés et des polymères.
Reportage de Stéphanie Bourgeot et Jean-Stéphane Maurice. Montage de Xavier Brandt.
« On ne sait plus où aller »
Dans une enquête du Monde, réalisée avec 16 autres médias européens, ce site jurassien classé Seveso a été pointé du doigt : il serait contaminé aux polluants éternels ou PFAS, des composés chimiques ultra-résistants ayant un risque pour la santé publique. 50 sites seraient concernés en Bourgogne-Franche-Comté. A Tavaux, le taux de ces substances qualifiées de per- et polyfluoroalkylées n'a pas été mesuré, mais il est certain que le site est producteur de PFAS. Interrogée sur la pollution du site Seveso, une riveraine répond : « Vous savez maintenant on ne sait plus où aller. On est inquiets sur tout ! »
Cette usine de 500 hectares et 1700 salariés est un site emblématique de la région, par son histoire et sa prospérité. La société porte le nom du chimiste belge Ernest Solvay, qui a découvert la production du carbonate de sodium en 1861. A Tavaux, la production industrielle est implantée depuis 1930. Il s’agit de l’un des sites industriels les plus importants du groupe.
Solvay, c’est aussi un nom dénoncé pour ses fortes émissions de CO2, mais aussi pour ses contaminations au chlore, et ses pollutions de nappes phréatiques. L’activité du site est déjà placée sous haute surveillance, « du point de vue atmosphérique comme des nappes phréatiques », précise Michel Giniès, maire de Damparis, commune voisine au site. Interrogé par Stéphanie Bourgeot, l’édile souligne les « progrès énormes » réalisés par Solvay dans la prise en compte des substances polluantes comme le chlore… tout en admettant, cependant, ne pas avoir connaissance du terme « PFAS ».
Cancer, troubles de la thyroïde, obésité...
Ces polluants représentent pourtant un danger énorme pour la santé publique. Qualifiés d’éternels, parce qu’ils persistent dans l’organisme, les PFAS peuvent causer une quinzaine de pathologies graves telles que le cancer, les troubles de la thyroïde, l’obésité. Le site de Solvay en serait l’un des cinq producteurs en France. Ce qui a de plus troublant, c’est que ces composés chimiques ne figurent pas sur la liste de polluants sujets à déclaration. C’est ce que nous apprend Stéphane Horel, journaliste du Monde ayant travaillé sur les PFAS : « C’est à la libre disposition des industriels de dire s’il fabrique ou émet tel type de substance chimique, s’il estime que c’est grave ou pas. »
Du côté des syndicats, il est difficile d’apporter une réponse claire, tant la volonté est de croire en une production encadrée. La situation est d’autant plus épineuse que la société embauche beaucoup dans la région. Gille Milloux, responsable CGT Solvay Tavaux, détaille : « On en a entendu parler, mais alors on n’en avait pas connaissance d’un problème particulier à Tavaux. Donc cela pose beaucoup plus de questions que cela n’apporte de réponse. On va faire comme on a fait d’habitude, on va chercher des renseignements. » Sollicitée, la direction du groupe Solvay n'a pas répondu à nos demandes.
