Les 11 et 12 avril 2023, 33 louvetiers du département du Jura ont bénéficié d’une formation par les hommes de la brigade d’intervention mobile de l’Office Français de la Biodiversité basée à Gap. Des heures de formation, dont une partie sur le terrain de nuit.
Un tir retentit dans la nuit noire. Un lieutenant louvetier encadré par un homme de la brigade loup, effectue des exercices de reconnaissance visuelle et de visée. Est-ce bien un loup ? A quelle distance ? Les conditions de tirs sont-elles réunies sur le plan de la sécurité ? Et de la réglementation ? Je tire ? Je ne tire pas ? Autant de paramètres que rencontrent depuis l’été dernier les louvetiers appelés sur le terrain pour protéger les agriculteurs de prédations de loups sur les troupeaux bovins.
Ce soir-là, Christophe Pisi, chef de la brigade grand prédateur terrestre basée à Gap encadre les louvetiers du Jura. Une partie de formation théorique leur permet de mieux cerner le prédateur et son comportement en cas d’attaque. L’autre partie consiste en des ateliers de tirs, avec la complexité de la nuit qui rend difficile l’estimation des distances, de l’environnement. “Les louvetiers ont déjà des missions comme le prélèvement des animaux nuisibles, de type sangliers. Ils sont habitués à intervenir dans ce cadre-là, le loup, on est sur une espèce protégée. Dans ce cadre, il y a un aspect réglementaire plus important à respecter”, explique Christophe Pisi. Les louvetiers interviennent parfois de nuit, à la lumière des phares, quand la reconnaissance du terrain n’a pas été possible de jour après une attaque.
A 80%, ces dernières ont lieu en pleine nuit.
“On a beau être lieutenant de louveterie, le but ultime ce n’est pas de prélever des loups”
Il fait partie des louvetiers venus se former. “Avec le loup, on doit être très très rapide. On a entre trois et cinq secondes pour l’identifier, allumer, réidentifier, et tirer. Cela va très vite, tout cela dans un comportement avec des animaux très stressés à côté. Il faut être rapide et prudent”, confie un louvetier. Il sait que parfois, il ne pourra pas tirer, car les conditions de sécurité ne sont pas réunies. “On a beau être lieutenant de louveterie, le but ultime ce n’est pas de prélever des loups. C’est de faire ce qu’il faut pour qu’il n’y ait pas de prélèvements”, dit-il à notre journaliste Fleur de Boer.
Dans le Jura, le loup est de retour. Il est présent côté français dans le massif du Risoux, mais aussi en Suisse sur la zone du Marchairuz. Les attaques sur des troupeaux de bovins ont touché plusieurs exploitations pendant l’été 2022. D’autres attaques sont redoutées lorsque les bêtes vont retrouver les champs et estives. Le Jura a souhaité former ses 33 louvetiers à mieux appréhender leur face-à-face avec le prédateur. Les tirs de défense ou d’effarouchement ne peuvent avoir lieu que sur le feu vert de la Préfecture. Ils sont strictement encadrés.
“Le loup reste une espèce protégée, il n’est pas question d’organiser la chasse aux loups”
Le préfet du Jura, Serge Castel, ancien directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes, est bien rompu à la question du loup. Il a pu assister aux formations des louvetiers jurassiens. “On se doit conformément à la réglementation, lorsqu’il y a des troupeaux prédatés, de pouvoir offrir des tirs de défense ou d’effarouchement aux éleveurs pour les protéger contre la prédation du loup” rappelle-t-il.
La brigade loup de Gap, était venue l’automne dernier dans le Doubs en renfort après de nouvelles attaques. Très sollicitée, elle a pu venir dans le Jura après 6 mois d’attente. “Le loup reste une espèce protégée, il n’est pas question d’organiser la chasse aux loups” estime Nicolas Fourrier, directeur de la direction départementale des territoires (DDT Jura). “Le sujet, c’est bien de protéger les troupeaux qui peuvent être victimes de prédation, dans un cadre sécurisé, et dans l’apaisement des pratiques, car on voit que le loup suscite énormément d’émotion chez les éleveurs, chez ceux qui le protègent. Ces deux points de vue sont éminemment respectables et l’enjeu de la réglementation, c’est d’être équilibré entre la protection de l’espèce et la protection des troupeaux” conclut Nicolas Fourrier.
174 loups pourront être abattus en 2023 en France
Chaque année, le préfet coordinateur du plan national d’action sur le loup fixe un quota de loups à abattre dans l’année. Le chiffre n’a pas évolué par rapport à 2022. 174 loups pourront être abattus si les conditions de tirs sont réunies. Un chiffre qui correspond à 19 % de la population recensée. 921 loups ont été recensés en France en 2022. 168 ont été tués après des arrêtés préfectoraux l'an dernier.