La médecine conventionnelle et les médecines alternatives doivent-elles s'opposer ? le documentaire "Le shaman et la médecin" montre la collaboration entre une médecin anesthésiste et un chamane népalais pour soulager des patients.
Le documentaire "Le shaman et la médecin" aborde des questions qui concernent ou concerneront chacun de nous. La médecine conventionnelle peut-elle soulager toutes nos douleurs, et que faire quand elle ne le peut pas ? Pour y parvenir, ne doit-elle pas s’ouvrir à d’autres médecines, d’autres univers ?
Ce documentaire pourrait être une nouvelle version de la "querelle des anciens et des modernes". Avec d’un côté les partisans d’une médecine conventionnelle, enseignée dans les facultés et qui s’est imposée grâce aux progrès de la science et la découverte de nouvelles molécules. Et de l’autre côté, les adeptes de médecines plus anciennes, échappant souvent aux champs de la science et de la connaissance occidentale qui s’appuient sur des pratiques ancestrales. On les nomme "médecines douces, parallèles ou alternatives... ". La première traite les symptômes et la seconde s’attache à traiter les causes. Deux approches différentes !
Malgré cela, ces deux médecines doivent-elles forcément s'ignorer, s’opposer ? Ne serait-il pas plus efficace de les faire se rencontrer, les ouvrir l’une à l’autre et les allier dans un but unique : le soin et le soulagement des malades.
C’est le choix fait par Gaëlle Grandon dans son documentaire "le shaman et la médecin". Elle a filmé au sein de l’unité douleur du CHU de Reims, la rencontre entre deux soignants : Frédérique Arndt, médecin anesthésiste et algologue (spécialiste de la douleur), et Pasang Lama, shaman.
La différence m’intéresse, celle des cultures et des peuples. Car je pense que la différence c’est un à priori et, au bout du compte, il y a souvent des convergences.
Gravement malade à l’âge de 4 ans, la réalisatrice Gaëlle Grandon a été sauvée par la médecine dite conventionnelle. Parallèlement, au contact de sa grand-mère, elle a également expérimenté de nombreux "guérisseurs" qui, eux aussi, l’ont soulagé de maux plus anodins. Aujourd’hui, tout en ayant recours à la médecine traditionnelle, elle continue à s’intéresser aux médecines parallèles. Une démarche et des questionnements qu’elle partage avec de nombreux Français.
71 % d'entre eux ont déjà testé une pratique de médecine douce (Sondage paru dans Le quotidien du médecin du 19/11/2019).
♦ Le shaman : Passang Lama
Passang Lama a appris à soigner au Népal, à l’âge de 7 ans, aux côtés de son père qui lui-même a été formé par son grand-père. Des connaissances transmises de génération en génération, loin de nos visions occidentales.
Passang est un érudit qui a étudié pendant 18 années. Mais ce qui m’a attiré chez lui, c’est son attention à l’autre, il voit l’invisible et c’est pour cela qu’il est si bon.
Au fil du temps, la médecine de Passang s’est nourrie de différentes pratiques de soins : la médecine tibétaine qui soigne grâce aux vibrations, la médecine chinoise qui utilise les énergies, et le chamanisme qui lui fait appel aux mémoires corporelles et karmiques.
Désormais, Passang vit en France. C'est au cœur des montagnes du Jura qu’il soigne à l’aide de ses bols tibétains, avec une médecine qu’il qualifie de "médecine de l’âme".
Gaëlle Grandon l’a rencontré en 2018, lorsqu’elle tournait une émission pour France 3 Bourgogne-Franche-Comté dans laquelle elle a pu expérimenter ses techniques. Elle en a apprécié les bienfaits et a été séduite par ce personnage.
En arrivant en France, Passang a souhaité partager son expérience car il croit à l’alliance entre les deux médecines. Il s’est alors heurté à l’esprit cartésien français et n’a jamais pu intervenir dans un hôpital. Selon lui, la médecine allopathique doit s’allier aux médecines parallèles pour faire face aux prochains défis et continuer à soulager les malades.
Le temps du tournage de ce documentaire, Gaëlle Grandon lui a permis de réaliser ce rêve.
♦ La médecin : Frédérique
Frédérique Arndt est médecin anesthésiste, une spécialité qui demande au moins 11 ans d’étude. Cette formation ne l’a pas empêchée de s’intéresser à d’autres disciplines. Elle s’est formée à l’hypnose, la micro nutrition et à la prise en charge de la douleur. Et c’est tout naturellement qu’elle a accepté de jouer le jeu et d’accueillir Passang dans son service de prise en charge de la douleur. Une démarche qu’elle a fait sans a priori, qu’il soit positif ou négatif, mais aussi sans crainte.
Je n’ai pas le souci de mon image, mes patients apprécient ce que je fais et ce n’était pas parce que je l’accueillais que j’allais valider sa pratique.
Même si Frédérique n’y connaissait pas grand-chose en " vibrations", elle se souvenait avoir lu que les violonistes développaient moins de cancer du thymus (un organe situé dans la partie supérieure du thorax). À l’époque, elle s’était dit que les vibrations pouvaient en être la cause. Il ne lui paraissait donc pas incohérent d’accueillir un shaman dans son service et voir quels bénéfices pouvaient en tirer ses patients.
Je trouve que Frédérique est une femme courageuse qui essaie de faire bouger l’hôpital alors que ce n’est pas facile car il y a de nombreuses contraintes.
Dans l’unité de la douleur où elle travaille, Frédérique Arndt voit des personnes qui souffrent beaucoup et il est difficile de les soulager. Ses patients viennent la voir en dernier recours car ils n’ont pas pu être soulagés autrement. Son rôle de médecin, spécialiste de la douleur, est de mettre en place des interactions médicamenteuses pour les soulager, des médicaments qui ne sont pas anodins. Elle prescrit notamment de la kétamine, une drogue forte nécessitant l’hospitalisation des malades plusieurs jours, sans garantie de les soulager vraiment. D’où sa quête de nouvelles techniques pour y arriver.
Dans le cadre de la prise en charge multidisciplinaire, si on est en échec sur du conventionnel, c’est normal de pouvoir proposer des techniques qui apportent du mieux-être.
Même si les hôpitaux font de plus en plus rentrer de nouvelles disciplines dans leurs murs, hypnose, acupuncture…, il n’est toutefois pas courant d’y croiser un shaman !
♦ Le shaman et la médecin : un duo improbable au service des patients
En regardant le film " Le shaman et la médecin", dans un premier temps, on ne peut qu’être étonné par la différence entre les deux univers. Pasang, ce shaman au visage serein et aux vêtements colorés, transporte ses bols tibétains dans un monde unicolore, blanc, aseptisé, plus habitué aux seringues et perfusions qu’aux vibrations. Mais, très vite on est également surpris par l’accueil que lui fait la médecin, Frédérique. Elle n’a pas l’air de trouver cette présence incongrue. Au contraire, on est vite frappé par sa curiosité et la fluidité de cette nouvelle relation. Pour elle, tout cela semble aller de soi ! Même les bols tibétains qu’elle installe sur un chariot pour les monter dans son service semblent à leur place.
Ensemble, ils vont à la rencontre des malades, confrontent leurs visions et leurs diagnostics. Des échanges où chacun d’eux reconnait l’autre et cherche à comprendre sa pratique pour enrichir la sienne. Frédérique décrit à Passang les tableaux cliniques des patients et les traitements mis en place. Les parcours sont chaotiques avec de nombreuses chirurgies et des prises en charge lourdes qui n’ont pas pu les apaiser.
La maladie chronique est très répandue. C’est quelque chose qui nous met en échec et nous en médecine on n’aime pas être mis en échec.
Passang, le chamane, a, lui aussi, une bonne connaissance de l’anatomie. Il évalue avec les patients les points douloureux, ce qui fait dire à Corinne : il connaît les points. Il les écoute, fait chanter les bols au-dessus de leurs têtes et les interroge sur leurs histoires familiales. Pour lui, si les patients ont des symptômes sans raisons scientifiques c’est qu’à côté quelque chose bloque. Un shaman qui a une façon bien à lui de dire que la médecine conventionnelle s’occupe essentiellement des symptômes alors que la sienne en recherche l’origine.
Vous coupez la branche pour enlever le fruit pourri alors que pour nous il faut s’attaquer aux racines.
Une vision que semble partager Frédéric Arndt qui malgré le grand respect qu’elle a pour sa pratique trouve qu’on ne prend pas assez en compte le "terrain" du patient.
Ce qui nous manque, c’est une approche intégrative qui rentre tout doucement dans les hôpitaux mais vraiment très lentement.
Ces différences n’empêchent pas Frédérique et Passang de se comprendre. Au final, ils ont une démarche commune, prendre soin des patients et utiliser leurs connaissances pour les soulager. Et pour cela, l’un et l’autre est persuadé qu’il vaut mieux s’allier que s’opposer.
►"Le shaman et la médecin" écrit et réalisé par Gaëlle Grandon
Une coproduction : France Télévisions / Nola Films / Ladybirds films